La production africaine francophone de fiction: état des lieux et perspectives

La montée en puissance de l’audiovisuel d’Afrique francophone est réelle. Diversité de contenus, diversité de production, qualité, authenticité … L’Afrique est un continent chargé d’histoires. Des histoires qui se racontent mais aussi des histoires qui se mettent en image pour satisfaire un public aux attentes toujours plus grandes.

Même si le financement et la formation constituent des défis majeurs, la production africaine a de belles perspectives devant elle. L’arrivée des nouvelles chaines de la TNT, la montée en puissance de la classe moyenne, l’essor du digital et l’émergence des plateformes VOD multiplient les opportunités de développement pour la production audiovisuelle en Afrique francophone et notamment de la production locale.

Le marché se structure, se professionnalise, les projets d’ampleur se multiplient … Adweknow marque un temps d’arrêt sur l’année 2020 où l’on a pu observer une réelle dynamique du secteur de la production audiovisuelle.

 

La fiction, principal produit d’appel du public

Les acteurs du paysage audiovisuel sont à l’unisson : le public est demandeur de fiction et particulièrement en provenance du continent. La fiction a le vent en poupe, largement plébiscitée par le public.

Pour répondre à ses attentes, les grands diffuseurs panafricains, tels que CANAL+ et TV5Monde ont poursuivi leur engagement dans la création de contenu africain en renforçant notamment leurs investissements dans la production de fictions.

Après « Invisibles », première série primée produite sur le continent, « Sakho et Mangane », CANAL+ a joué deux fois la carte de la création originale avec « Agent » puis « CACAO », première saga africaine réalisée par Alex Ogou, produit par Tanka Studios d’après une idée originale de Yolande Bogui.

Avec cette 6ème production originale, CANAL+ constitue peu à peu un catalogue de programmes forts avec l’ambition d’accélérer la cadence.En effet, à l’occasion du lancement de la série l’objectif de produire au minimum 5 créations originales par an et à moyen terme, 10 par an a été évoqué. Selon plusieurs sources internes, le groupe CANAL serait également en pleine réflexion sur l’organisation de la production de fiction en son sein dans laquelle Alex Ogou pourrait jouer un rôle majeur.

Le groupe s’appuie également sur A+ Ivoire, lancée en 2019 sur la TNT ivoirienne, pour participer également au développement de l’industrie. Ainsi A+ ivoire affiche des ambitions fortes en termes de production comme l’explique Damiano Malchiodi, Directeur général de la chaine : « Avec nos derniers succès plébiscités par nos téléspectateurs, cela nous conforte chaque jour de renforcer nos investissements dans la création africaine de séries longues, feuilletonnantes et quotidiennes. Notre volonté est de développer des marques fortes en phase avec les attentes de notre public afin de capitaliser sur le long terme avec des concepts de formats déclinables en plusieurs saisons ».

Lire aussi: Entretien avec Damiano Malchiodi, Directeur Général d’A+ IVOIRE

Le lancement des autres chaines privées sur la TNT a également contribué à « booster » la production locale soutenue depuis longtemps par la RTI, jusqu’ici à l’origine, souvent en co-production avec les acteurs panafricains, de tous les projets. Côté fiction, la Nouvelle Chaine Ivoirienne (NCI), qui émet depuis décembre 2019, souhaite renforcer sa case avec l’acquisition de séries africaines à succès mais également la co-production avec la saison 2 de la shortcom ivoirienne Madame Tonkpi & Compagnie. Ici est également le diffuseur de Chez les KOFFI série de 45 épisodes de 26′ produite par la société ivoirienne Icône media. Quant à Life TV, l’accent est mis sur la production de contenu local. Fabrice Sawegnon, PDG de la chaine, avait d’ailleurs choisi le Vitib pour installer une plateforme dédiée à la réalisation des grandes productions de la chaîne.

De son côté, TV5Monde poursuit activement sa politique d’acquisition (achat et préachat) et de coproduction auprès de ses partenaires en Afrique Francophone pour offrir au public des programmes de qualité dans le reflet des réalités locales. L’ambition de TV5Monde étant de miser sur les succès de programmes diffusés en exclusivité sur la chaine et sur la qualité des productions. Ses intentions portent également sur la jeunesse puisque la chaine entend intensifier très sensiblement sa présence dans la production de programmes africains ludo-éducatifs. Enfin, pour contribuer au rayonnement de son offre à l’international, TV5Monde a profité de l’année 2020 pour lancer sa plateforme numérique entièrement gratuite, TV5Mondeplus. Les ambitions de la chaine se traduisent par de gros efforts d’investissements sur les programmes en général. TV5MONDE consacre plus de 2 millions d’euros par an pour la production de programmes africains. Pour ce qui est de la fiction, le budget alloué pour la production d’un projet de série varie selon la nature du projet et des conditions de réalisation.

 

 

Le Sénégal en pleine effervescence,

Au-delà de la représentation du cinéma sénégalais dans de nombreux festivals comme le Festival de Cannes qui a sacré le film « Atlantique » de Mati Diop en 2019, le secteur de la production audiovisuelle locale fait preuve de dynamisme.

Selon Jean-Noël Bah, fondateur de la société de production Scenarii :« La créativité existe de partout sur le continent mais une vraie industrie est en train de se mettre en place au Sénégal qui aborde le paysage audiovisuel avec une autre approche, avec un regard rivé vers l’intérieur. Par exemple, la plupart des films sont réalisés en Wolof, diffusés localement grâce à une forte implication de sponsors qui soutiennent financièrement la production locale. »

Comme partout sur le continent, les séries sénégalaises rencontrent un grand succès dans le pays et des sociétés de production locales se démarquent. Marodi TV en est l’exemple avec « Maîtresse d’un homme marié » diffusée sur la chaine privée 2STV et A+, « Virus » et prochainement la série pour adolescents « Virginie ». Les séries en question ont cumulé des millions de vues en ligne sans compter la popularité auprès des téléspectateurs sénégalais.

« Les spécificités des séries sénégalaises sont que ce sont des histoires locales, produites par des sénégalais avec toute la sensibilité dans la manière de raconter les choses et surtout un effort louable dans la recherche de formats attractifs avec une qualité respectable. Révolue la période des novelas brésiliens ou mexicains. »confie Mbathio Diaw, productrice de la série Renaissance, entièrement produite au Sénégal et diffusée en exclusivité sur TV5Monde au mois de mai dernier.

L’enjeu du financement

Même si les perspectives laissent présager un avenir prometteur pour la production locale, le nerf de la guerre reste le financement qui impacte considérablement le secteur dans son ensemble et conditionne la création artistique.

Une situation délicate qui pousse les acteurs à s’adapter, se réinventer et à redoubler d’inven- tivité. Le secteur manque de financement mais les grands groupes et acteurs locaux investissent beaucoup, et dans des projets ambitieux pour contribuer pour séduire les diffuseurs mais aussi les publics. Les organisations internationales à l’image de CFI et de l’OIF ajoutent aussi leur pierre à l’édifice en soutenant les acteurs. En effet, ces organisations s’engagent de plus en plus dans l’aide au développement de projets de production de qualité.

« Je forme le vœu que les institutions locales comprennent que ces séries ambitieuses qui font travailler plus de 100 personnes pendant 7 mois, à moitié en direct, participent à l’économie du pays et méritent un minimum de soutien. » confie François Deplanck, directeur général de Tanka Studio.

Le financement des productions audiovisuelles africaines relève aussi des pouvoirs publics sans qui, le développement du secteur demeure compromis. Certains pays comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire ou encore le Burkina Faso ont compris l’importance de soutenir le développement des industries culturelles. D’autres suivront, tout comme se construisent des accords de coproductions entre les pays d’Afrique francophone.

 

Côte d’Ivoire, Sénégal, Burkina Faso mais aussi la RDC ou encore le Cameroun … La créativité est partout. Dans le paysage audiovisuel, des fictions d’envergure sont produites aux quatre coins du continent même si certains pays font preuve d’un plus grand dynamisme. Groupes audiovisuels et acteurs locaux s’organisent pour soutenir la production : les projets se multiplient et répondent aux attentes d’un public toujours plus exigeant. Au-delà de la qualité qui ne cesse de faire ses preuves, les grilles des chaines de télévision s’enrichissent de programmes locaux, variés et d’envergure.

Bien que le financement et la formation constituent le talon d’Achille de l’industrie, sans compter la crise sanitaire mondiale qui a largement ralentit l’activité, les acteurs restent confiants. Initiatives menées et volontés conjuguées font avancer la production audiovisuelle, la création et contribuent à l’industrialisation du secteur.

Des acteurs clés du secteur de la production audiovisuelle prennent la parole:

Entretien avec Marjorie Vella, Directrice adjointe des programmes chez TV5Monde

Entretien avec François Deplanck, Directeur général de Tanka Studio

Entretien avec Mbathio DIAW, directrice de RAES et productrice de la série Renaissance

1 Comments

  1. […] Quelles sont les activités de PUZZLE Media ?PUZZLE MEDIA est une société de production audiovisuelle. Avant la libéralisation de l’espace audiovisuel, nous étions sur le segment du brand content (production de contenu pour les marques) car le seul media TV était malheureusement saturé. A la libéralisation de l’espace audiovisuel, nous sommes revenus à notre cœur de métier qui est de produire du contenu à destination des chaines de télévision. Et L’expérience du brand content nous permet finalement d’intégrer intelligemment les marques dans et autour de ces programmesVous venez de produire une nouvelle émission intitulée « Moins un ». Pouvez-vous nous en dire plus ?MOINS UN est le tout premier programme de type faits-divers en Côte d’Ivoire. MOINS UN est un programme de docu-fiction qui rappelle comment différentes personnes ont frôlé la mort. Ce programme est inspiré d’histoires vraies qui sont reconstituées avec des comédiens.MOINS UN est un projet test qui va permettre d’offrir quelque chose de différent aux téléspectateurs ivoiriens mais aussi de mieux cerner leurs appétences et attentes pour ce type de programmes.En quoi est ce programme sera différent de ce qui se fait actuellement ?Ce programme est le premier du genre dans le paysage audiovisuel ivoirien. Les témoignages sont authentiques, les histoires font parties du vécu des populations. Dans l’intention de réalisation, nous avons vraiment voulu conserver la proximité. A chaque diffusion, les réactions sur les réseaux sociaux témoignent de la réussite du programme. Avec ce programme nous reconfirmons notre positionnement et ouvrons la porte à d’autres programmes du genre que nous sommes en train de produire. Chez PUZZLE MEDIA nous avons l’expertise, les moyens techniques et surtout humains pour la construction de programmes qui répondent aux standards internationaux.Quelle en est la diffusion ?Le programme MOINS UN!!! est en première diffusion sur LIFE TV. Nous avons reçu des offres de plateformes VOD quant aux secondes diffusions sur le territoire ivoirien que nous continuons d’étudier. A l’échelle internationale, le Cameroun et le Burkina Faso nous ont aussi manifesté leur intérêtQuel regard portez-vous sur le développement des nouvelles chaines de la TNT en Côte d’Ivoire ?Les nouvelles chaînes de télé sont riches de leurs ressources humaines et de leurs grilles de programmes.Le potentiel existe mais l’industrie audiovisuelle privée n’est pas encore assez forte. Les annonceurs sont partie prenante du développement de l’industrie créative en Côte d’Ivoire. La production de programmes de qualité repose sur des moyens financiers, techniques et humains. Lesdits moyens ne peuvent s’obtenir que par du budget ; dans le modèle économique des chaines locales, l’apport des annonceurs est déterminant pour la vie de la chaine et pour sa grille de programmes. Les annonceurs, par exemple, doivent prendre davantage conscience de leur rôle et de leur importance dans le financement de cette industrie créative grâce à la publicité et aux chaînes TNT privées. Plus ces chaines auront le soutien des annonceurs, plus les chaînes auront la possibilité de tenter de nouvelles choses avec les producteurs de programmes que nous sommes.En tant que producteurs, nous avons aussi nos challenges au-delà du financier. Le système éducatif n’a malheureusement pas pris en compte les métiers de la création et l’administration fiscale ne connait pas le secteur…  Aujourd’hui, nous, professionnels du secteur, souffrons de cette méconnaissance de nos métiers. L’avenir du paysage audiovisuel repose sur nous alors il va falloir que nous soyons réellement pris en compte et que nous soyons associés aux décisions qui nous concernent. Mais j’ai confiance que tout ceci ira en s’améliorant. Quand chacun des acteurs prendra conscience de son importance dans le secteur, nous aurons l’une des industries les plus créatives et des plus prolifiques du continent.D’autres projets de production en perspective ?Nous venons de boucler deux saisons de la série LES HISTOIRES DE RORO. Pour rappel, ce programme est l’un des plus gros succès en termes de série made in Cote d’Ivoire de par l’audimat, de par l’écriture, de par la réalisation.Nous sommes en préparation de deux autres séries, trois programmes de plateau, deux programmes de faits-divers et d’une télé-réalité …Lire aussi : La production africaine francophone de fiction: état des lieux et perspectives […]

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