Du grand au petit écran, la réouverture des salles de cinéma, l’avènement de la TNT, la libéralisation et la croissance économiques, la montée en puissance de la classe moyenne ou encore le développement du digital multiplient les opportunités de développement pour la production africaine. Autant de perspectives qui laissent présager un avenir prometteur pour la production locale.
Pour le 7ème Art, le nerf de la guerre reste le financement qui impacte considérablement la filière cinématographique dans son ensemble et conditionne la création artistique. L’état providence dans l’industrie du cinéma en Afrique francophone fonctionne peu et ce, depuis des années. A cela s’ajoute la baisse des aides publiques de l’Etat français et la disparition dans les années 90 des salles obscures. Financer un projet cinématographique est donc à l’heure actuelle encore compliqué.
Une situation délicate qui pousse les acteurs de la filière à s’adapter, se réinventer et à redoubler d’inventivité pour trouver des sources de financement. Ils multiplient les initiatives pour accompagner le développement de la production sur le continent, soutenus par l’essor du numérique qui semble pouvoir offrir de nouvelles alternatives.
Fonds publics soutiennent la production
Bien que les moyens manquent et que les subventions nationales et internationales décroissent, de nombreuses initiatives publiques, persistent pour soutenir la production cinématographique.
La coopération internationale soutient la production sur le continent et ce, de manière historique. Successeur du Fonds francophone de production audiovisuelle, le Fonds Image de la Francophonie créé en 1988 est un acteur historique dans les pratiques de financement du cinéma dans les pays francophones du Sud.
Mis en œuvre par l’OIF, ce fonds dispose d’un montant annuel d’au moins 900 000 euros répartis à parts égales entre cinéma et production audiovisuelle et permettant de financer une cinquantaine de projets par an. Le Fonds Image de la Francophonie, grâce à ce dispositif d’appui à la production, confie avoir généré environ 1600 productions depuis sa création.
Le CNC soutient également la production dans les pays du Sud et notamment sur le continent africaine grâce à l’aide aux cinémas du Monde, une aide sélective réservée à des projets de long métrage de fiction, d’animation, ou de documentaire destinés à une première exploitation en salle de spectacle cinémato- graphique. Au travers de cette initiative, le CNC mise également sur la coproduction en facilitant l’association des cinéastes et professionnels du monde entier.
En 2017, pour favoriser l’émergence de la jeune création cinématographique, le CNC associé à un réseau de partenaires, a lancé le premier fonds de soutien dédié à la jeune création dans les pays d’Afrique francophone subsaharienne et Haïti. Le CNC, associé à des partenaires tels que TV5Monde, France Télévisions ou encore Orange, cofinance et coordonne ce fonds qui s’adresse aux producteurs mais aussi aux acteurs et aux réalisateurs pour soutenir des projets de cinéma, séries audiovisuelles et contenus web.
Lancé en 2011 par le gouvernement ivoirien, le FONSIC est un soutien financier public à l’ensemble de la chaîne du cinéma afin de soutenir le développement du 7ème Art en Côte d’Ivoire. Il fournit notamment des aides à la production cinématographique avec un budget initial de 500 millions de FCFA. Les films « Run » de Philippe Lacôte (2014) et Bienvenue au Gondwana de Mamane ont d’ailleurs bénéficié d’une aide du FONSIC.
Au Sénégal, le soutien des pouvoirs publics à la production locale est incarné par le FOPICA. Depuis son lancement en 2002, le FOPICA a ainsi financé plus de 60 projets. Il a notamment soutenu le film Felicité du célèbre réalisateur Alain Gomis (Etalon d’or du Fespaco).
Le financement « classique »
Au-delà de l’apport des pouvoirs publics, la production africaine francophone (télévision et cinéma) est soutenue par des chaines de télévision à l’image de TV5Monde et des acteurs privés tels que CANAL+. Toutefois, pour le développement de la production locale, Alexandre Rideau, directeur de Keewu Production, confie : « Tant que les chaines locales ne seront pas en mesure de jouer le jeu, c’est à dire d’acheter/préacheter à un prix juste des productions locales, le financement demeurera une limite au développement de l’industrie. Si les seuls clients sont les chaines de télévision panafricaines, d’origines françaises, francophones, chinoises … Cela ne suffira pas à faire éclore une réelle production locale ».
D’autres sources de financement intégrées dans les montages financiers des projets de production proviennent d’annonceurs privés ou d’investisseurs. Ces financements seront de plus en plus nombreux, à mesure que la qualité de la production continuera de croître.
Les modes de financement du cinéma africain évoluent.
La coopération cinématographique Sud-Sud
La nécessité de créer des réseaux, des structures communes, des lieux de rencontre et de partage pour initier des synergies et des rapports de coopération entre les membres de la filière et les Etats, se laisse observer.
Sarim Fassi Fihri, directeur général du Centre cinématographique marocain, a des ambitions pour soutenir la production sur le continent en africain. Au-delà de la structure qu’il dirige, le directeur général pilote un projet de création d’un nouveau fonds panafricain de subventions dédié à la filière cinématographique. Ce fonds permettra de multiplier les accords de copro- ductions entre les pays africains et le Maroc afin d’accélérer la dynamique de production sur le continent.
Plus récemment, la Côte d’Ivoire à travers son Fonds de soutien à l’industrie cinématographique (FONSIC) et le Sénégal à travers le Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et audiovisuel (FOPICA) ont joué la carte de la coopération en participant via les deux fons, au co-financement du film ‘’Atlantique’’ de la Sénégalaise Mati Diop. Le film était en lice pour la Palme d’or à Cannes fin mai dernier. Les deux pays engagés dans ce projet de film ont misé sur la coopé- ration pour porter la voix du cinéma africain à l’interna- tional.
Alternative 2.0
S’il existe de nombreuses pistes sur le financement « classique » de la production (chaînes de télévision, subventions, sponsoring, VOD etc.). L’arrivée des technologies numériques a considérablement modifié les techniques de diffusion, de promotion mais aussi de production. Les réalisateurs s’approprient le web pour trouver de nouveaux moyens de financer leur projet.
Les sites de financement participatif ouvrent une nouvelle voie au financement de la production. Bien qu’il ne concurrence pas le modèle de financement « classique » de production, le crowdfunding, facilité par l’essor du numérique, se démocratise de plus en plus dans la filière du cinéma en Afrique subsaharienne. En 2016, le réalisateur franco-malien Toumani Sangaré a d’ailleurs lancé une campagne de levée de fonds en ligne pour son projet de film d’aventure « Nogochi ».