La question de l’utilisation des fréquences libérées grâce à l’implémentation de la TNT en Afrique va bientôt occuper une place centrale en Afrique et cela commence par un premier épisode inattendu.
Lors des discussions préparatoires à la Conférence Mondiale de Radiocommunication 2023 organisée par l’Union internationale des télécommunications et prévue pour se tenir en novembre 2023 à Abu Dhabi, (CMR/WRC), il a été suggéré de discuter le point 1.5 à l’ordre du jour qui propose « qu’une attribution à titre co-primaire pour le service mobile dans la bande 470-694 MHz dans la Région 1 soit introduite parallèlement à l’attribution à titre primaire actuelle pour le service de radiodiffusion, »
Cette suggestion consisterait à autoriser en Afrique – qui serait ainsi la seule région du monde dans ce cas- l’accès des opérateurs Telecom aux fréquences UHF attribuées jusqu’ici à la seule TNT (la bande 470-694 MHz ).
Selon les participants à la dernière assemblée générale de l’UAR dont le compte rendu a été publié cette semaine, « le partage de ces fréquences avec les opérateurs télécoms affecterait de manière importante l’accès à l’information dans certaines régions du continent sans changer significativement la couverture des opérateurs de téléphonie ».
Ils ont demandé à l’Union Africaine de Radiodiffusion (UAR) de contester cette proposition et de défendre lors de la CMR23 la position « no change » afin de conserver ces fréquences pour son seul usage.
Les fréquences UHF les plus basses ( celles de la télévision numérique) ont un grand intérêt pour les opérateurs Télécom car elles ont une meilleure portée et une bonne pénétration d’obstacles, même si leur débit a tendance à être plus réduit. Economiquement cela permet de limiter le nombre de réémetteurs si on accepte que la qualité du débit soit plus faible.
Pourtant des fréquences ont déjà été libérées par la télévision analogique au bénéfice des télécoms (Dividende 1 : 790-862 MHz et Dividende 2 :694-790 MHz pour l’Afrique) mais celles-ci n’ont jusqu’à ce jour pas été utilisées. Aucun Etat n’a procédé à un appel à candidatures pour ces fréquences alors que l’optimisation du spectre de fréquences voulue et impulsée par les opérateurs Télécoms était une des raisons essentielles de l’abandon de la télévision analogique.
Ces fréquences déjà libérées ont de meilleures caractéristiques en matière de qualité et surtout de débit et par ailleurs ces ondes traversent le béton (indispensable pour couvrir les zones urbaines) et sont très utiles dans les zones peu denses, car elles assurent une bonne couverture avec un nombre limité d’antennes.
Certains pays africains qui ont terminé ou sont sur le point de terminer la transition numérique pourraient lancer des appels à candidatures pour vendre ces fréquences au plus offrant, même s’il semble que pour des raisons différentes ni les Etats ni les opérateurs ne le souhaitent vraiment.
En France, la vente des fréquences libérées par la télévision analogique et réservées aux opérateurs télécoms (au-delà de 694 Mhz) – on les appelle les « fréquences en or » – a rapporté plus de 3,6 milliards d’euros à l’Etat français et des sommes équivalentes dans les autres grands pays européens.
L’épisode actuel montre que comme souvent les décisions prises au niveau mondial sous la pression des pays les plus évolués se heurtent à la spécificité du continent africain qui n’a pas, loin s’en faut, les mêmes besoins ni les mêmes possibilités.