Maïmouna N’Diaye est comédienne, réalisatrice et animatrice. Elle passe 10 ans en Côte d’Ivoire où elle travaille en tant que comédienne au théâtre Ymako Teatri. Un théâtre de sensibilisation porté par l’ambi- tion de faire changer les mentalités sur des problé- matiques de santé et de vie sociale. Par la suite, elle commence la réalisation de documentaires en Côte d’Ivoire. En 2005, elle choisit de s’installer au Burkina Faso pour continuer ses activités de comédienne, au cinéma et au théâtre. Elle est également animatrice à la télévision. Parmi ses distinctions, elle reçoit en 2015 le Prix de la meilleure interprétation féminine pour L’Œil du cyclone au Fespaco.
Aujourd’hui, elle se consacre notamment à la réali- sation de documentaires sociaux, notamment sur les femmes et les enfants. Le dernier en date s’inti- tule « Le fou, le génie et la sage », un documentaire sur la problématique de la santé mentale en Afrique.
A quelques jours de la clôture du Festival de Cannes, pour lequel vous étiez membre du jury, quelles sont vos impressions ? votre ressenti ?
C’était une très belle expérience. Après m’avoir annoncé que je participerai au grand jury du Festival de Cannes, j’ai suivi une semaine de préparation à Ouagadougou. Ces deux semaines passées à Cannes ont été une expérience extraordinaire. Je regardais toujours le festival un peu de loin, comme tout le monde je pense, et là je suis arrivée à Cannes par la grande porte. Une très belle expérience. J’ai été très honorée, fière et heureuse de représenter par ma petite personne le continent africain, de représenter le cinéma africain ainsi que les femmes cinéastes africaines et les femmes en général qui se battent chaque jour.
Le film « Atlantique » de la réalisatrice Mati Diop a été récompensé du Grand Prix, une belle recon- naissance. Le cinéma africain souffre encore d’un manque de visibilité mais des talents émergent. Qu’en pensez-vous ?
En tant que nièce d’un grand cinéaste africain, Djibril Diop Mambety, et fille d’un grand musicien, je pense que Mati Diop avait quelque chose de lourd sur ses épaules en participant au Festival de Cannes. Elle a représenté une belle production sénégalaise et a choisi de présenter son film sous le nom du conti- nent africain. Quelque chose de très fort et de sym- bolique et qui va permettre que les regards se portent davantage sur le cinéma africain qui manque de visibilité. Cela permettra aux cinéastes africains qui se battent, d’exister. Le film de Ladj Ly s’est démarqué également. Il est un réalisateur franco-malien proche des réalités de la région dans laquelle il vit et parle d’un sujet qu’il connait très bien. J’espère que ces deux récompenses, ces deux reconnaissances permettront de booster de chan- ger l’image que l’on peut avoir du cinéma africain.
La production locale se développe de plus en plus, les salles de cinéma renaissent … On perçoit un renouveau du 7ème Art en Afrique, quel regard portez-vous sur cela ? Comment le cinéma a-t-il évolué ?
Au niveau des télévisions, il est vrai que grâce à l’essor du numérique, les jeunes se sont beaucoup lancé dans le cinéma car effectivement, c’est plus facile. C’est vrai que c’est plus facile avec le numé- rique mais il ne faut pas que les jeunes tombent dans le piège en faisant des films sans forcément prendre le temps.
Il faut que ces jeunes talents prennent le temps d’écrire leur histoire, de bien ficeler un scénario, de bien travailler avec les acteurs et de bien préparer leur film. Tout ce qui fait qu’un film puisse se faire, il faut bien le travailler. Faire un film, ça prend du temps. Je pense aussi que ces films et ces histoires racontées doivent parler à tout le monde pour être compris. Je pense que dans ce sens-là, les films de Mati Diop et de Ladj Ly traitent de thématiques qui peuvent être comprises à la fois sur le continent et en Occident. La jeune génération de cinéastes doit comprendre que le cinéma peut effectivement partir d’histoires person- nelles mais se doit d’être universel à partir d’histoires qui peuvent être comprises de tous, qui touchent et qui font réfléchir le plus grand nombre. Des histoires qui donneront envie aux gens de s’intéresser et d’aller voir ce qu’il se passe de l’autre côté.
Quelles sont encore les obstacles ? Que faudrait-il faire pour encourager le développement du cinéma en Afrique francophone ?
L’argent demeure encore le nerf de la guerre. Faire est un film est encore très compliqué. Cela demande beaucoup d’investissements humains d’abord, et financiers ensuite. En Afrique, il faut que nos dirigeants comprennent qu’investir dans le cinéma c’est important. Le cinéma est une vraie industrie et nos Etats doivent le comprendre. Un film c’est une équipe de personnes qui travaille, c’est une identité que l’on peut montrer, exporter et partager. C’est également une culture que l’on vend. En ce sens, nos Etats devraient se sentir plus concernés et ne pas mettre la culture en bas de l’échelle des priorités. Bien évidemment, il y a d’autres priorités en Afrique et notamment lorsqu’il s’agit du domaine de la santé mais la culture et son développement peuvent aider à répondre à d’autres enjeux, à sensibiliser. Concernant les jeunes talents, je tiens à dire qu’il faut tenir bon et ne rien lâcher.
Quelle est la suite de vos projets ?
Je vais continuer mes activités de comédienne et de réalisatrice et mettre également mon énergie dans la réalisation d’un projet qui me tient à cœur. Il s’agit de la création d’une association, Maimundi, pour venir en aide aux enfants trisomiques et autistes. Un centre qui permettra de venir en aide à ces enfants grâce à des activités culturelles telles que le théâtre, le cinéma et les arts en général avec pour ambition de changer les mentalités.
Retrouvez le dossier complet sur le cinéma en Afrique francophone