On ne présente plus Yves Bigot. Journaliste, écrivain, réalisateur, producteur …il dirige TV5MONDE depuis près de 10 ans.
A l’occasion du Marché du film du Festival de Cannes où le Pavillon Afriques se tient pour la 3ème année consécutive, il a accepté de revenir pour nous sur sa vision du rôle et de la place de TV5MONDE sur le marché audiovisuel et numérique africain . (Propos recueillis par Edouard Char)
Comment définiriez vous votre feuille de route concernant votre politique africaine de programmes
Chez TV5MONDE, nous proposons aux publics africains à la fois une information vérifiée et fiable sur ce qui se passe dans le monde et dans chacun des pays africains et nous apportons également le meilleur de la culture des pays qui nous financent : France, Belgique, Canada, Québec, Suisse et Monaco … et de la francophonie en général.
Ce que nous recherchons c’est d’africaniser de plus en plus la chaîne TV5MONDE Afrique à la fois à travers la coproduction de films ou de séries, la production de documentaires ou de magazines spécifiques dédié à l’Afrique…
Nous diffusons bien sûr le Journal Afrique quotidien mais nous éditons également un certain nombre de magazines produits à Dakar, à Abidjan ou ailleurs… comme les « Maternelles d’Afrique » ou notre magazine produit à Abidjan sur les problèmes de santé du continent. Nous avons également deux magazines musicaux fabriqués en Afrique de l’Ouest et à Paris autour de la musique africaine et un magazine sur le développement durable produit au Sénégal.
Comme je vous l’ai dit nous cherchons à africaniser le plus possible notre antenne de manière à être le plus proche possible de nos téléspectateurs. Un exemple récent : nous avons co-produit avec la RTI à Abidjan trois numéros de « 400 millions de critiques » notre émission culturelle qui seront diffusés sur TV5MONDE et sur RTI 1 .
Nous faisons toujours appel à un chroniqueur de la chaîne qui nous accueille et pour l’occasion nous avions Eva Amani qui présente le magazine littéraire de la RTI.
Nous travaillons sur beaucoup d’autres choses comme notre chaine enfant TIVI5 qui marche très bien puisqu’elle fait partie du Top 3 des chaines jeunesse et touche 22 millions de jeunes téléspectateurs en Afrique et notre chaine d’Art de vivre ou notre plate-forme TV5MONDEPLUS et les offres numériques spécifiques aux programmes africains.
Dans l’autre sens aussi, nous faisons en sorte de promouvoir les programmes et les artistes africains sur l’ensemble de nos autres chaînes et de faire ainsi mieux connaître l’Afrique au monde entier
Votre fonds TV5MONDE-OIF a été abondé de 25% cette année et est passé de 600 000 à 800 000 euros. Avez-vous la volonté de dépasser le million l’année prochaine ?
(Rires) Bien évidemment on n’est pas contre !
Le fonds TV5MONDE-OIF a été créé à l’initiative du Canada au moment où nous avons lancé la plateforme francophone mondiale et gratuite, TV5MONDEPLUS . L’idée était de pouvoir, à partir de budgets du Canada à l’OIF, développer l’offre de cinéma de séries, de documentaires, de courts-métrage ou d’animation africaine sur notre plateforme.
Très vite la France a abondé et la Suisse également, le Québec vient de décider de rajouter 200 000 euros. Le but de ce fond est de soutenir la coproduction africaine. Pour la première année nous avons soutenu 19 oeuvres de 13 pays africains différents et nous sommes en ce moment en train d’étudier la deuxième saison
Nous avons reçu un peu plus de 80 dossiers sur lesquels une cinquantaine sont éligibles et en cours d’étude. Notre objectif est de pérenniser cette offre et nous nous posons la question de ne pas nécessairement viser la quantité mais peut-être de mieux financer les projets pour leur donner plus de qualité et nous l’espérons plus de résonance et de visibilité.
Vous êtes un acteur majeur du rayonnement de la francophonie. Comment sont coordonnées vos politiques africaines avec tous les autres acteurs du marché comme les ministères, l’Unesco , le CNC, les acteurs privés…?
En fait nous nous parlons tous mais il n’y a pas de grand coordinateur. Chez TV5MONDE, nous agissons en accord avec nos autorités françaises de tutelle: la culture et le quai d’Orsay ainsi qu’avec les tutelles des autres états partenaires.
Mais nous parlons avec tout le monde. Par exemple, en Afrique nous sommes distribués par CANAL+ et c’est CANAL+ Advertising qui s’occupe de notre régie publicitaire sur l’Afrique subsaharienne. Nous travaillons aussi avec Orange, MTN, Startimes et bien sûr avec toutes les chaînes publiques africaines et même privées d’ailleurs comme B-One à Kinshasa
Mais il n’y a pas de super-coordination de tous les acteurs car nous sommes souvent à la fois partenaires et en même temps concurrents
Nous sommes un service public donc nous sommes là pour travailler avec tout le monde pour le bien commun et surtout pour le bien des téléspectateurs.
Est-ce qu’il y a un sens particulier à lire derrière la nomination du nouveau directeur de TV5 Monde Afrique Patrick Bofunda Illingo, qui est originaire de RDC
On ne l’a pas choisi pour ça mais c’est très bien que ce soit le cas.
Comme vous le savez, Denise EPOTE a été promue au poste de directrice distribution/ marketing/commercialisation Monde de TV5 Monde et il fallait quelqu’un pour la remplacer plus spécifiquement sur l’Afrique. Patrick Bofunda a un cursus très intéressant: il est beaucoup plus dans la diplomatie et dans les affaires -c’est aussi un fan de basket- ball- et le fait qu’il vienne de RDC, est très positif parce que nous avons tendance à avoir des gens qui connaissent surtout l’Afrique de l’Ouest et moins l’Afrique centrale.
La RDC est le pays où on est le plus regardé au monde- c’est aussi le plus peuplé- donc c’est un point positif d’avoir à ce poste quelqu’un qui vienne de RDC ;
Cela préfigure un changement de politique ?
Ce n’est pas du tout un changement c’est un renforcement. Bien sûr Denise continuera à superviser l’Afrique nécessairement et cela nous renforce beaucoup d’avoir 2 bonnes personnalités pour gérer l’Afrique. Si cela aide à fluidifier et renforcer les liens avec la RDC c’est formidable .
Nous sommes à six mois de la fin de votre mandat de Président Directeur Général de TV5MONDE est-ce que ce n’est pas le moment de tirer un bilan de votre activité et de dégager des axes pour le prochain mandat?
En ce qui concerne le bilan ce n’est pas à moi de le faire . Moi j’en suis content même si je ne suis pas le meilleur juge de moi-même.
Pour ce qui concerne les prochaines années, les enjeux sont clairs et ils sont bien évidemment numériques.On les trouve en fait dans notre plan stratégique en cours : développement du numérique partout sur la planète d’une part et développement durable et environnement d’autre part.
Nous sommes une chaîne mondiale mais nous sommes aussi la chaîne de la planète: nous allons lancer, à la rentrée, un très ambitieux magazine de 90 minutes autour de l’environnement de la planète et du développement durable piloté par Françoise Joly, notre directrice de l’information.
Par ailleurs le prochain mandat sera nécessairement marquée par les développements géopolitiques complexes qui se passent dans le monde. La région d’Afrique de l’Ouest est fortement déstabilisée par le djihadisme et le terrorisme depuis quelques années. La situation est terrible au Mali-où nous continuons malgré tout à diffuser contrairement à nos collègues de France24 et RFI qui restent interdits – et on va dire un peu particulière en Guinée, au Tchad au Burkina Faso. Même s’il n’y a pas du tout le même sentiment anti-français, il y a quand même un basculement en ce moment, un changement de paradigme en Afrique de l’Ouest et ce sera pour moi ou pour un /une autre un des sujets majeurs pour le prochain mandat à partir de 2023.
Est-ce en même temps une déclaration de candidature
En fait, on ne peut pas être candidat à ce poste : c’est la France qui propose aux cinq autres Etats une candidature Ce que je peux dire c’est que, évidemment si on me le propose je le ferai très volontiers parce que c’est un job passionnant et qu’évidemment, après 9 ans passés à ce poste, je maitrise assez bien les dossiers et la situation et surtout je suis conscient des difficultés très importantes qui nous attendent.