Entretien avec Fausseni Dembélé – Directeur Général de la RTI

La RTI est depuis longtemps la chaine publique africaine qui soutient le plus la création et la production de fictions. Quelle part de vos investissements consacrez-vous à la fiction et quel est votre modèle de financement type ?


La RTI a été précurseur dans le domaine de la production de fictions en Côte d’Ivoire. L’on se
souvient encore de ses séries télé à succès telles que « Pour ou Contre » devenue plus tard «
Comment ça va ? », « Faut pas fâcher » ou encore « Qui fait ça ? », diffusées sur nos antennes
depuis les années 70 jusqu’à nos jours. Le début de la décennie 2000 a connu l’avènement
d’une véritable industrie cinématographique au Nigéria, qui a inspiré l’ensemble des acteurs
de la sous-région à se constituer en de véritables unités de production. On l’a bien vu avec la
série « Ma Famille » de Akissi Delta. En vue de perpétuer et de renforcer cette dynamique, la RTI
crée en 2014, l’entité RTI Distribution. Ainsi, depuis sa création, RTI Distribution a accompagné
une trentaine de projets audiovisuels (séries TV, téléfilms, documentaires, animation, …)
essentiellement avec des producteurs locaux, mais également avec des producteurs de premier
plan au Moyen-Orient, en Afrique et en Europe (ZEE, TV5 Monde, Lagardère…).
Un budget annuel moyen de 750.000.000 FCFA est consacré au développement de la fiction
ivoirienne depuis 2014. Cela a permis non seulement d’alimenter régulièrement nos antennes
avec des programmes reflétant nos réalités quotidiennes, mais aussi de valoriser le savoir-faire
de nos producteurs à international avec notre présence sur les marchés comme le DISCOP, le
MIPTV et le MIPCOM.

Quelles sont les productions de ces dernières années qui ont eu le plus de succès
et selon vous pour quelles raisons ?


Sans risque de se tromper, on pourrait évoquer la série « SOEURS ENNEMIES » du réalisateur
Erico Sery. Cette série, après sa diffusion sur RTI1, a été diffusée sur TV5 Monde, sur France O qui
couvrait à l’époque tous les territoires Outremer de la France, allant de la Guyane à la Polynésie
Française en passant par Mayotte. Elle a également été présente sur plusieurs plateformes VoD
consacrées à la diaspora africaine en Europe et aux Etats-Unis (AFROSTREAM, REELAFRICAN,
TRACE). Sa version anglaise a été vendue au sud-africain MNET (première du genre pour une série
ivoirienne). On pourrait également citer « AU MILIEU D’UN REVE », une coproduction avec ZEE, tournée
entre Abidjan et Dubai. Cette série a battu tous les records d’audience à sa sortie à Dubai. Il y
a évidemment notre toute dernière production intitulée « CASH CACHE » en coproduction avec
KWAI (producteur de la série « BARON NOIR »), basée en France et filiale de FREEMANTLE. Cette
série, qui ressemble à la célèbre série espagnole Casa De Papel, avait été écrite depuis 2015.
C’est en 2022 qu’elle a finalement été tournée. Elle a été diffusée en 2022 sur nos antennes mais
aussi sur une des chaines de la TNT ivoirienne.

Vous avez élargi le champ des possibles avec AMBRE, une série ambitieuse coproduite avec la société sud-africaine Known Associates Entertainment. Où en est la production de cette série et quels enseignements tirez-vous de cette expérience ?


AMBRE est une des belles aventures de l’entité RTI Distribution. Tout part d’un Concours de
Nouveaux Talents lancé en 2014 par la RTI pour recruter et former des jeunes talents, en
collaboration avec l’OIF, dans les différents métiers de l’audiovisuel. Binta DEMBELE, auteure de
AMBRE, est donc la lauréate de ce premier concours consacré au métier de la scénarisation.
Ainsi depuis 2015, la jeune auteure a travaillé avec diverses équipes en France et en Afrique
du Sud à l’effet de développer cet ambitieux projet audiovisuel. A ce jour, des auteurs de
renom ayant pignon sur rue à Los Angeles aux USA, en France, en Côte d’Ivoire et en Afrique
du Sud participent au développement de cette série. La RTI a trouvé en KNOWN ASSOCIATE
ENTERTAINMENT, un coproducteur partageant la même ambition et le même engagement pour
la réalisation de cette ambitieuse série. Le niveau et la qualité de son développement actuel ont
permis une participation de la SABC, le media public sud-africain et aussi de TV5Monde en
France à cette aventure. Elle rentrera en production au 2nd semestre 2024.

Le manque de formation aux métiers de la production est souvent évoqué. Comment la RTI participe-t elle à améliorer la formation de ses équipes ?


L’implication de la RTI dans la formation aux différents métiers de la production se situe à
deux niveaux. Le premier niveau est la coproduction avec des majeurs internationaux de
premier plan afin de permettre à nos techniciens présents sur nos productions d’être au fait
des bonnes pratiques et usages en matière de production audiovisuelle. Le second niveau est
l’association directe d’experts, de spécialistes des divers métiers dans la chaîne de production
allant de l’écriture à la post-production en passant par le tournage proprement dit. Ainsi, la
série « NATIONAL SECURITY » a bénéficié de la présence du réalisateur français Jean-Claude
BARNY, qui, en amont de son rôle de Showrunner, a organisé une master class avec l’ensemble
des parties prenantes de cette série. Nous avons également fait appel au service de Catherine
BOUTRY, professeur d’Arts à l’Université Harvard aux Etats-Unis, qui a travaillé avec l’équipe de
scénaristes de notre série « NYALA », disponible bientôt sur nos antennes. On pourrait également
citer des différentes masterclass sur le métier d’acteur avec notamment l’acteur nigérian Fabian
OJEDE de la série Jacob’s Cross le 30 Mai 2016 à la faveur du DISCOP Abidjan 2016.

RTI DISTRIBUTION a également développé son activité ces dernières années. Quelles sont ses missions et ses objectifs pour les prochaines années ?

Comme indiqué plus haut, RTI Distribution a été créée dans le but de valoriser en Côte d’Ivoire et à
travers le monde, les productions audiovisuelles du groupe RTI mais également d’accompagner les producteurs indépendants ivoiriens et africains dans l’exploitation de leurs oeuvres.
Elle a pour mission principale d’alimenter les chaînes du groupe avec du contenu de qualité et premium en tout genre. Nous travaillons aussi main dans la main au sein du groupe avec Mediawan Rights – la
division distribution de Mediawan – qui soutient nos contenus pour qu’ils accèdent au marché
international. C’est un cercle vertueux qui se met en place. Sa création répond, en outre, à
l’ambition de la RTI de se positionner comme acteur majeur sur la scène audiovisuelle
africaine francophone, anglophone et lusophone.

Elle compte à son actif, à ce jour, plus de 1 500 heures de programmes qu’elle distribue à travers
un vaste réseau de clients diversifiés : des chaînes TV en Afrique et à travers le monde, des
plateformes SVOD, des agrégateurs de contenus pour les compagnies aériennes.
RTI Distribution se positionne aujourd’hui comme le principal exportateur de programmes de
fictions ivoiriennes à travers le monde. RTI Distribution, c’est aussi la vente du signal des chaînes (RTI1, RTI2, LA 3, les radios aux repreneurs satellites et plateformes VOD et SVOD) ainsi que la commercialisation des archives appartenant au groupe RTI.

Le digital prend une importance de plus en plus grande en Côte d’Ivoire. Comment prenez-vous en compte cette évolution qui peut à la fois être une menace ou une opportunité pour l’audiovisuel ? Produisez-vous des contenus spécifiquement pour le web ?


Il est effectivement prévu, dans le cadre de notre stratégie de développement du DAS Digital, la
production et la commercialisation de contenus adaptés au digital.
et pour l’industrie audiovisuelle en Côte d’Ivoire et pour le Groupe RTI en particulier, l’essor du
numérique présente de nombreuses opportunités:

  • conquérir de nouveaux publics qui se détournent des médias traditionnels
  • Proposer des nouvelles formes de commercialisation des contenus digitaux
  • Tisser de nouvelles relations avec les producteurs et les nouveaux circuits de distribution :
    centrales de production et d’achats de contenus, plateformes pour la diffusion de ces contenus…
    Notre principal défi réside néanmoins dans la formation et le recrutement des ressources
    compétentes dans la production et la commercialisation des contenus digitaux.

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