Entretien avec Yves Bigot – Président Directeur général de TV5Monde

TV5MONDE a pour vocation de promouvoir la culture et la création francophone sous toutes ses formes. Sa spécificité : diffuser des œuvres en français, qu’elles soient belges, françaises, suisses, québécoises ou canadiennes ou issues du continent africain, les faire rayonner partout dans le monde et accompagner la création par des productions ou co-productions originales, des achats et préachats.

L’Afrique compte une population francophone très importante. Quelle place cette région tient-elle par rapport aux autres régions du monde pour TV5 Monde ?


TV5 Monde a une couverture mondiale et nous disposons de 8 chaines généralistes pour assurer cette couverture. Avec 50 millions de téléspectateurs sur les 60 millions que compte TV5 Monde, TV5 Monde Afrique est de loin la plus regardée de ces 8 chaines.
C’est également celles de nos chaines pour laquelle nous développons le plus grand nombre de programmes spécifiques. Nous ne laissons aucun genre de côté : information, magazines, séries, cinéma, documentaires, programmes pour la jeunesse, webcréations…
Notre principal enjeu est de créer des contenus de qualité et de les faire rayonner en Afrique
Notre ambition est également de faire connaitre la production d’Afrique francophone au-delà du continent, à travers le monde, d’en assurer la promotion et la consommation. Notre but c’est de créer de la demande autour de ces programmes, et cette demande existe nous l’expérimentons tous les jours


TV5MONDE est très actif dans son soutien à la production en Afrique francophone. Quelles sont les principales sources de financement pour les producteurs qui viennent vous présenter des projets ?


Les projets qui sont soumis à TV5MONDE, bénéficient de sources de financement diverses.
Elles peuvent être privées, publiques ou venant d’institutions internationales comme le Fonds Image de la francophonie de l’OIF… TV5MONDE a pour vocation de promouvoir la culture et la création francophone sous toutes ses formes. Sa spécificité : diffuser des œuvres en français, qu’elles soient belges, françaises, suisses, québécoises ou canadiennes ou issues du continent africain, les faire rayonner partout dans le monde et accompagner la création par des productions ou co-productions originales, des achats et préachats.

Nous portons une attention particulière aux projets soutenus par leur pays d’origine, directement par des financements publics et/ou par le biais des chaînes nationales des pays de production. Il est très important pour nous de travailler main dans la main avec les diffuseurs nationaux, qu’ils soient publics ou privés.

TV5MONDE est par ailleurs partie prenante dans deux fonds de soutien incontournables : TV5MONDE a renouvelé son partenariat avec le Fonds pour la Jeune Création Francophone en synergie avec le CNC la FWB, WBI, la SODEC, Téléfilm, SACD, SACD Belgique, Film Fund Luxembourg. Ce fonds, alloué au premières et deuxièmes œuvres audiovisuelles (Cinéma, documentaires, fictions, séries, programmes jeunesse) accompagne les projets en développement et en production des pays du sud. Ce fonds, administré par Générations Films (Burkina Faso) est destiné à soutenir la production des jeunes talents issus d’Afrique francophone. L’engagement de TV5MONDE porte sur l’acquisition de 75% des œuvres soutenues en production.

Enfin, Le Fonds Francophonie TV5MONDEplus, a été créé en 2021 en association avec l’Organisation Internationale de la Francophonie à l’initiative du Gouvernement du Canada, rejoint par ceux de la France de la Suisse et du Québec. Ce fonds cogéré par TV5MONDE et l’OIF a soutenu en production ou en finition au total 32 projets sur les deux premières années (2021-2022). La sélection est composée de longs métrages, courts métrages, documentaires, séries de fiction et d’animation. Au financement de ces projets de qualité s’ajoute l’apport de TV5MONDE en préachat ou coproduction. Pour cette troisième année, la commission qui s’est tenue les 15 et 16 juin dernier a retenu 12 projets dont 11 en production.
Nous sommes bien sûr, également attentifs aux projets soutenus par d’autres fonds, d’autres subventions, qui sont cumulables avec ces deux fonds.

En matière de fiction, quelle distinction faites-vous entre le cinéma et la fiction audiovisuelle ?

Le cinéma africain est un cinéma qui a une grande histoire et de remarquables auteurs inspirants.
La qualité des projets et de la production est la clé de la réussite. L’investissement que nous faisons pour chaque film est beaucoup plus important que pour une série et nous préachetons chaque année entre 15 et 20 longs métrages. Nous avons une relation suivie avec les cinéastes africains que nous soutenons de films en films. C’est le cas de Moussa Touré, Alain Gomis, Mahamat-Saleh Haroun, Mati Diop, Boubacar Diallo et bien d’autres … C’est pourquoi nos préachats sont souvent en compétition ou primées comme au dernier Festival de Berlin avec Sira d’Apolline Traoré, étalon d’Argent au FESPACO et sélectionné au prochain Festival de Toronto, ou encore avec Or de Vie de Boubacar Sangaré, en compétition officielle au Festival de Cannes avec Banel et Adama de Ramata Toulaye Sy, en sélection « un certain regard » avec Augure de Baloji ou encore Mambar Pierrette de Rosine Mbakam sélectionné à la Quinzaine des cinéastes. Pour les films populaires, le grand succès du film Les Trois Lascars de Boubacar Diallo et plus récemment de Marabout chéri de Khady Touré et Luis Marquès démontrent que la diversité est plébiscitée par le public.

Et pour les séries …


Là-aussi nous ne raisonnons pas en termes de volume mais en termes de qualité des projets.
Il est très important pour nous de travailler avec tout le monde : avec les pays d’Afrique de l’ouest et d’Afrique centrale mais aussi de l’Océan indien dans lequel il y a une forte population francophone. Nous entretenons de très bonnes relations avec les chaines publiques comme la RTI, la RTS, l’ORTB, la CRTV, la MBC, la RTNC…. Mais aussi avec les diffuseurs nationaux privés.
Le financement d’une série dépend de nombreux facteurs : le nombre de territoires couverts, les droits sur les différents supports, le budget et le plan de financement, s’il s’agit d’un préachat, ou d’une coproduction. Il n’y a pas de règle à proprement parler, nous faisons de la dentelle et travaillons chaque projet comme un cas unique, suivant également si nous sommes le seul diffuseur ou si nous travaillons en synergie avec d’autres diffuseurs.
Pour donner néanmoins une fourchette, l’investissement de TV5MONDE oscille entre 45% et 90% du budget global d’un projet de série.


Pouvez-vous nous donner quelques exemples de projets soutenus par TV5MONDE ?


Sans être exhaustif, je citerais les préachats qui sont la suite des saisons à succès comme Allo Tribunal (saison 3) (60 Ep x 26’ / Côte d’Ivoire), Parents Mode d’Emploi (Saison 7 et saison 8 (200 Ep x 3’ / Gabon) ou de nouvelles séries comme Une Femme à Kosyam (6 Ep x 52’ / Burkina Faso) ou Ankara l’Héritage des Nanas Benz (16 Ep x 26’ / Togo) et Wara. Enfin nous finalisons actuellement 6 coproductions et nous venons de lancer en exclusivité sur TV5MONDEplus Ici C’est Babi (41 Ep x 16’ / Côte d’Ivoire).

Le manque de formation est une des faiblesses souvent mise en avant lorsqu’on parle de production en Afrique. Quelles sont les actions que TV5 Monde mène dans ce domaine ?


Nous n’avons pas de ligne budgétaire spécifique pour la formation puisque dans l’audiovisuel public c’est le domaine de CFI. Néanmoins nous participons non pas à la formation mais à la professionnalisation du secteur car la plupart des gens avec lesquels nous travaillons sont déjà formés. Participer à la professionnalisation c’est accompagner au quotidien les auteurs, les réalisateurs, les producteurs, les comédiens, les scénaristes du début à la fin du processus et cela contribue à augmenter le niveau de connaissances de chacun.
Professionnaliser c’est également mettre en contact des participants de plusieurs pays. En tant que chaine panafricaine, nous essayons toujours d’avoir des castings internationaux pour nos séries et nous faisons beaucoup de coproductions tripartites et quadripartites

En ce qui concerne le numérique, est ce que vous produisez des programmes spécifiques pour votre plateforme TV5MONDEplus ?


L’ère du tout numérique et l’évolution de la consommation des médias renforcent notre stratégie d’hyper distribution. Nous diffusons nos programmes sur toutes les plateformes : CANAL+, STARTIMES, en IPTV, sur la TNT… et bien sûr sur TV5MONDEplus notre plateforme gratuite. De plus, l’Afrique est le seul continent à disposer d’une application TV5MONDE Afrique. Bien sûr nous produisons des contenus spécifiques pour le digital néanmoins, plus globalement, notre objectif est de faire connaitre les programmes que nous produisons au plus grand nombre à travers tous les supports.


L’animation est-elle un secteur important pour TV5Monde Afrique ?


Oui car elle nourrit également notre chaîne jeunesse TIVI5MONDE. Nous avons intensifié très sensiblement la présence de la chaîne dans la production de programmes africains pour la jeunesse en particulier des programmes de grande qualité ludo- éducative notamment, comme Nubu et Yara (Saison 2), Gabaô, Le Roi Keita (Saison 2), Kenda (Saison 2), Conte Nous (saison 5), ou de nouveaux projets, en cours de production, comme L’AfriK en contes, Noah de Coco que nous lancerons en 2023 et 2024. Au total près d’une vingtaine de programmes d’animation ont été lancés ces trois dernières années incluant la poursuite des saisons initiées précédemment.

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