(Propos recueillis par Edouard Char pour Adweknow au MIPCOM )
Tout le monde – ou presque – connait Côte Ouest. Pouvez-vous en quelques mots présenter votre société ?
JL: Côte Ouest c’est autour de 25 000 heures de contenu en catalogue. Je dis « autour » parce que ça évolue en permanence. Nous avons majoritairement du contenu en français et en anglais, mais nous proposons aussi plus marginalement des langues comme le turc ou le portugais. En ce moment, nous suivons de près la tendance coréenne. Nous commençons à nous intéresser au contenu coréen pour ne pas rater le coche. En termes de genres, nous avons bien sûr beaucoup de novelas, car nous travaillons historiquement avec Globo, qui est un gros partenaire pour nous et qui est très présent au MIP en ce moment.
Et en dehors de Globo, avec quels autres partenaires travaillez-vous ?
JL: Côte Ouest, c’est avant tout une société dont l’ADN est africain. Historiquement, nous avons beaucoup travaillé avec MultiChoice, une référence dans le secteur et un très gros partenaire en Afrique du Sud,. Et plus récemment, nous avons commencé à travailler avec CANAL+ pour le marché francophone. Cette collaboration s’est mise en place au cours de l’année, et on distribue maintenant leurs « Originals » ainsi que d’autres titres qui sont diffusés sur A+. CANAL+ souhaite garder la primauté sur le marché francophone africain, mais ils nous permettent de commercialiser leurs titres en dehors de cette zone, ce qui est une belle opportunité pour nous et pour les producteurs africains.
Vous distribuez donc toutes leurs productions originales, c’est ça ?
JL: Oui, nous distribuons leurs Originals, et aussi tous les autres titres diffusés sur A+, qui sont souvent produits par des producteurs africains. C’est une belle opération pour nous, mais surtout pour les producteurs. Ça leur permet de générer des revenus après la première diffusion sur Canal+, ce qui les aide à financer de nouvelles productions et à continuer de nourrir l’industrie audiovisuelle en Afrique francophone.
En matière de production, Mediawan produit aussi pour des chaînes.
JL: La production n’est pas vraiment le cœur de métier de Côte ouest. Nous sommes principalement une société de distribution. Cependant, nous avons une société sœur, Keewu, basée au Sénégal, qui s’occupe de la production. Ils sont très actifs dans le domaine de la production en Afrique de l’Ouest, notamment au Sénégal et dans d’autres pays. Ils ont travaillé sur des projets importants, comme Black Santiago Club et Lex Africana, et collaborent souvent avec CANAL+ pour des productions locales. Nous, de notre côté, nous distribuons leurs contenus.
Vous n’avez donc que peu de projets de production chez Côte Ouest ?
JL: Exactement. Nous produisons très occasionnellement, quand un projet particulier nous intéresse. Par exemple, nous avons produit la série Hospital IT qui se passe au Togo pour les deux premières saisons. On réfléchit à une troisième saison, mais on est encore en train de chercher les financements nécessaires. C’est une série de grande qualité, diffusée sur TV5 et NewWorld TV, réalisée par Angela Aquereburu , qui est vraiment une réalisatrice emblématique du Togo. Personnellement, je l’apprécie énormément, à la fois sur le plan professionnel et personnel. On espère pouvoir distribuer cette série en dehors de l’Afrique.
Est-ce que vous parvenez à distribuer ce genre de contenu à l’international ?
JL: C’est un peu confidentiel pour le moment, mais nous avons de très bons espoirs. C’est d’ailleurs un de mes objectifs personnels : faire découvrir le cinéma africain à l’international. C’est un cinéma d’une qualité incroyable, mais qui reste encore trop méconnu. Même en Afrique, il est souvent limité à certaines zones. Le cinéma africain francophone, par exemple, a du mal à percer dans les pays anglophones du continent. Nous essayons de créer ces passerelles et de promouvoir ces œuvres à l’international. Certaines séries commencent à être récompensées dans des festivals internationaux, donc la qualité est là. Il s’agit maintenant de convaincre les diffuseurs de prendre le pari.
Côte Ouest a rejoint Mediawan il y a 18 mois. Quel bilan tirez-vous de cette intégration ?
JL: Le bilan est très positif. Il a fallu un peu de temps pour s’adapter aux normes et procédures du groupe, mais maintenant, tout fonctionne très bien. Travailler avec Mediawan nous apporte un véritable soutien, que ce soit en termes d’expertise ou de business. Même si Mediawan est moins présent en Afrique que sur d’autres continents, ils nous apportent des connaissances précieuses sur les marchés en dehors de l’Afrique, et cela nous aide beaucoup à développer notre catalogue à l’international.
Mediawan a une grande expérience des marchés internationaux. Ils savent quel type de contenu peut fonctionner sur telle ou telle plateforme, et ils nous aident à cibler les bons diffuseurs pour nos titres africains. C’est un réel avantage pour nous.
Et les acquisitions récentes, qu’en est-il ?
JL: Là, vous me prenez un peu de court, parce que je suis au MIP en ce moment avec ma responsable des acquisitions, qui a dû faire des acquisitions aujourd’hui même et dont je n’ai pas encore connaissance, Mais de manière générale, on acquiert beaucoup de titres Globo, car ils produisent énormément. On essaie aussi d’acquérir davantage de titres africains, notamment via Canal+ et Mediawan . Nous avons fait de belles acquisitions chez Sony et puis nous recevons tous les jours des propositions de la part de producteurs africains. C’est un travail quotidien d’analyser ces offres pour voir quels titres pourraient intéresser quels diffuseurs. Ça prend du temps, mais ça fait partie de notre métier.
La France a récemment vu ses relations avec plusieurs pays africains se détériorer. Comment cela impacte-t-il vos affaires ?
JL: Oui, on le ressent, surtout dans des pays comme le Burkina Faso, qui est mon pays d’origine d’ailleurs. On parle beaucoup de montée du sentiment anti-français, mais je dirais que c’est plus une opposition aux politiques françaises qu’une hostilité envers les Français eux-mêmes. En termes de contenu, il y a un véritable désir en Afrique de consommer local, qui se traduit par des lois protégeant l’industrie audiovisuelle locale. Pour nous, cela complique un peu la tâche, car vendre des titres d’un pays africain à un pays voisin est parfois paradoxalement un défi, surtout lorsque des lois favorisent la production nationale.
il y a la protection légale, mais il y a aussi une protection par la langue. Dans certains pays, les langues vernaculaires sont très importantes, et cela peut être compliqué de vendre un titre français ou anglais à une chaîne qui va diffuser en Wolof par exemple, ou dans d’autres langues vernaculaires.
Il y a également un désir de retourner aux sources de manière culturelle comme au Burkina Faso par exemple. Les Burkinabés attachent beaucoup d’importance à consommer du cinéma burkinabé. Et ils ont la chance d’avoir un cinéma de très grande qualité. Mais du coup nous avons un peu moins de valeur ajoutée dans cet écosystème-là.
Avez-vous dû adapter votre stratégie en conséquence ?
JL: Oui, nous prenons cela en compte dans notre approche. Nous devons nous assurer que le contenu proposé est adapté aux goûts et aux attentes des publics locaux, tout en respectant les législations en place. Cela nous pousse à affiner notre marketing et à mieux cibler nos clients.