Entretien avec Jean Roke Patoudem, réalisateur, producteur/distributeur et directeur de Douala Série

Vous êtes un des organisateurs du Festival Douala Série. Pouvez vous nous dire quelles sont les grandes étapes de votre parcours personnel? 

Né à Dschang, dans le pays Bamiléké, je suis réalisateur, producteur et distributeur de films. À l’âge de 23 ans, mon père m’offre une caméra super8, un cadeau qui deviendra le point de départ de ma carrière cinématographique. Grâce à cet outil, je réalise un long métrage et un court métrage, parcourant jusqu’à Lagos, au Nigéria voisin, pour me procurer les bobines inversibles nécessaires. 

En 1990, je m’installe en France, où je fonde PATOU FILMS INTERNATIONAL en 1992, et plus tard, en 2011, CAMEROON STUDIO au Cameroun. À travers ces entreprises, j’entreprends la production et la réalisation de deux courts métrages mémorables : « PÈRE INCONNU » en 1993 et « MALIK » en 1995. En outre, je me lance dans la production et la distribution de dizaines de films africains, contribuant ainsi de manière significative à l’essor de l’industrie cinématographique du continent. 

Mon intérêt pour le monde de la musique me conduit rapidement à explorer le domaine des clips vidéo. En tant que passionné de musique, je réalise plus de vingt clips vidéo, dont douze pour l’artiste congolais Werrason, issus de l’album « ÇA SONNE ». En 2008, je réalise le documentaire captivant «ANNIE FLORE BATCTHIELLILYS, SUR LA ROUTE DES ANGES », suivi de deux autres documentaires marquants : « GUITO B, N’ABANDONNE PAS » en 2009 et « BAL DE LA BASTILLE » en 2010. 

Mon engagement cinématographique ne s’arrête pas là. En 2013, je crée le concept novateur de LA NUIT DE LA SÉRIE AFRICAINE lors du FESPACO, et en 2023, j’inaugure DOUALA SÉRIE, le Festival Panafricain de Série de Douala. Parmi mes œuvres récentes figurent la série « AISSA », le court métrage « PRIVATE INVESTIGATION » en 2017 et « ELVIS KEMAYO, L’IDÔLE YÉYÉ » en 2022. Je pense demeurer une figure emblématique de l’industrie cinématographique africaine, continuant de marquer mon empreinte à travers ses créations variées et ma contribution inestimable au domaine du cinéma et de la musique. 

Nous sommes au lendemain de la première édition du festival. Quelles étaient les ambitions de cette première édition ?  

Le Festival Panafricain de Série de Douala, qui s’est déroulé du 15 au 18 novembre 2023, a consolidé son statut en tant qu’événement d’envergure panafricaine. Des professionnels de tous horizons et de toutes générations sont venus célébrer l’innovation et la créativité avec enthousiasme, et je les remercie en tant que Directeur du Festival. 

En ce qui concerne nos ambitions, nous souhaitions organiser cette manifestation à l’image de l’Afrique audiovisuelle, et nous avons réussi. Cependant, pour être honnête, nous avons été agréablement surpris par le succès, tant les attentes étaient élevées. Il est également important de souligner que 8 pays sur 10 étaient en compétition, ce qui témoigne du dynamisme de l’Afrique dans la production audiovisuelle. Au-delà de cela, je tiens à exprimer ma gratitude envers le public qui a répondu présent. 

Pourquoi avoir choisi de mettre en lumière les séries africaines ? pourquoi mettre l’accent sur les séries et non sur les films ? 

Pour les films, il y a déjà le FESPACO à Ouagadougou et les ÉCRANS NOIRS à Yaoundé. Mais comme nous voulions une thématique à l’image de « La nuit de la série africaine » que j’avais créée par le passé, il était évident pour nous que ce festival soit uniquement dédié aux séries ; un genre qui fait aujourd’hui la fierté du continent africain, d’une part pour la fidélité de ses téléspectateurs et, d’autre part, pour la starisation des actrices et acteurs. Il faut également souligner que les séries, celles qui échappent au financement occidental notamment, épousent davantage le contexte africain. Et c’est tant mieux ainsi. 

Quel bilan pouvez-vous faire ?

Selon les retours des invités, partenaires, formateurs, membres du jury, professionnels des séries télévisées et du public, la première édition de Douala Série a été un succès, nous positionnant ainsi en tête des festivals de toute nature confondue en Afrique. 

Quels ont été les grands temps forts ?  

Les deux soirées d’ouverture et Clôture sur tapis rouge à l’images du festival de Cannes, les ateliers de formations : Actorat et Production soutenus par Canal+University, l’atelier Critique de Série soutenu par Vivendi Create Joy, le colloque international sur le streaming avec le soutien de l’Unesco. La projection de Douala sérié Kids avec Canal+Impact. 

Est-ce qu’il y aura une seconde édition ? 

La 2ème édition du Festival Panafricain de Série de Douala aura lieu du 20 au 23 novembre 2024. Douala Série est un festival annuel. 

Quel regard portez-vous sur le développement de la production en Afrique francophone subsaharienne ?  

En plus d’être Directeur du festival, je suis aussi membre du comité de sélection, mon regard sur le développement de la production en Afrique francophone subsaharienne est optimiste. 

Nous avons reçu plus de 150 séries inscrites tout genre confondu. Je suis convaincu que l’avenir réside dans nos œuvres qui reflète notre culture véritable, à condition que les producteurs francophones choisissent de délaisser les commissions dépourvues de vision pour privilégier les préachats télévisuels et d’autres financements privés. Cette transition vers des sources de financement plus dynamiques et axées sur le marché peut stimuler la créativité et favoriser la production d’œuvres de qualité qui répondent aux attentes de notre public tout en contribuant au rayonnement de l’industrie audiovisuelle africaine

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