Olivier Guillaume MADIBA est comme il le dit, un « pur produit » camerounais. Né au Cameroun, il poursuit des études dans le pays avant de se lancer dans l’entreprenariat à 21 ans avec une première startup spécialisée dans les sites web avant de créer Kiro’o Games. Les startups fonctionnent encore aujourd’hui et collaborent.
Qu’est-ce qui a motivé la création de Kiro’o Games ?
La raison a évolué avec le temps. En 2003, nous voulions seulement commencer avec un jeu amateur qui est petit à petit devenu assez intéressant pour être retenu par une société comme Ubisoft. En 2012, nous voulions créer un jeu de passionnés, un jeu indépendant. Nous étions motivés par l’idée qui, techniquement, nous permettait de créer un jeu d’African Fantaisie. Enfin, en 2016, au-delà du jeu vidéo, nous voulions créer un écosystème cross-media pour amener nos métiers à travailler en collaboration avec les infrastructures africaines. L’Afrique a besoin de grandes entreprises.
Aujourd’hui, Kiro’o Games compte combien de collaborateurs ? quels sont les postes clés ?
Nous aujourd’hui 12 personnes au sein du studio et nous recrutons actuellement 9 personnes. Nous comptons sur des programmeurs, des artistes pour les jeux vidéo et pour les bandes dessinées et des profils du marketing.
Concrètement quelles sont les grandes étapes de la création d’un jeu vidéo ? Sur quelles plateformes peut-on accéder à ces jeux ?
Créer un jeu vidéo relève du « miracle ». Ce n’est jamais un acquis, chaque jeu est un challenge et n’est pas garanti. Il y a d’abord une phase de concept par inspiration pure ou en réponse à un besoin du marché. Ensuite, nous créons des concepts, des prototypes jusqu’à tomber sur une alpha qui donne un aperçu du rendu final aux équipes marketing. Enfin, on monte une équipe pour le déploiement du projet. Nos jeux sont accessibles sur PC ou sur le mobile.
Est-ce que vos projets sont développés pour le public africain ?
Nos jeux sont développés pour l’Afrique et pour le monde. Nous avons comme ambition de créer du freemium en Afrique et du premium en Europe. Cela nous pose différentes contraintes techniques pour que les jeux soient accessibles et fluides sur le continent. L’œil du joueur européen plus demandeur est aussi très apprécié.
Au niveau de l’écriture du scénario, comment cela se passe ?
Pour écrire les scénarios qui passeront par l’étape de l’ingénierie narrative, nous nous donnons un objectif, celui de savoir ce que l’on veut que la personne ressente, pense et on vient construire l’histoire autour de cela. Il y a une grande part d’inspiration des grandes séries qui ont ce que l’on appelle des paradigmes d’écriture.
Dans le secteur de la production audiovisuelle, on évoque souvent le manque de compétences au niveau de l’écriture des scénarios. Dressez-vous le même constat dans votre secteur ? Est-ce que l’industrie se professionnalise ?
Il est vrai que le « gap » qui existe pour obtenir des personnes qualifiées dans le monde de l’écriture en Afrique est très compliqué. Le marché de la littérature n’a pas su s’imposer donc nous manquons beaucoup de références. C’est quelque chose sur laquelle nous, acteurs phares sur le continent, devront travailler pour améliorer la capacité d’écriture et cela nécessite de créer des codes locaux. Il n’existe que trop peu de bibliothèques en Afrique, il faut donc créer des cursus permettant de former davantage d’écrivains. Beaucoup ont la flamme d’écrire mais trop peu parviennent à en vivre.
Concernant votre financement, quel est votre business model ?
Notre business model repose sur du cross-media. Nous avons créé un « couloir » permettant à nos utilisateurs d’avoir accès à nos produits gratuitement et d’acheter ensuite des produits via l’application pour débloquer des bonus. C’est le modèle Freemium mais nous intégrons également de la publicité, du premium (sans publicité). Nous proposons également aux utilisateurs de s’imprégner davantage de l’univers d’un jeu vidéo en créant des BD.
Où en êtes-vous de votre développement aujourd’hui ?
Il existe 5 étapes clés pour arriver à créer une grande entreprise comme celle qui répond à nos ambitions. Pour cela, il faut d’abord créer une culture d’entreprise, former une équipe qui accepte cette culture et cette équipe formée techniquement peut ainsi créer de bons produits. Ces étapes, nous avons réussi à les franchir. Aujourd’hui, nous devons générer assez de ventes pour ne plus vivre de financements et espérer atteindre une base de 40 000 utilisateurs avant 2030.
Pensez-vous à l’adaptation cinématographique de certains de vos jeux vidéo ?
Dès l’instant où nous commençons à créer une marque, un jeu vidéo, nous essayons de faire en sorte de faciliter la conversion du projet en film ou dessin animé. Nous avions commencé un projet avec un studio qui a travaillé sur le projet MULAN de Disney mais hélas, la crise pandémique a eu raison du projet. Aujourd’hui nous travaillons avec le studio CHOUETTE pour la réalisation d’un projet de dessin animé.
Les usages du mobile se démocratisent largement sur le continent. Avez-vous développé des jeux vidéo sur mobile ?
Effectivement, développer les jeux vidéo sur le mobile en Afrique, c’est la voie à suivre. Nous avons aujourd’hui « Aurion KGF » à la « Candy Crush », développé sur le mobile et que nous avons créé pour devenir le jeu le plus fun et défoulant « made in Africa ». Nous avons aussi « Le responsable Mboa », le premier « Sims » africain. Le mobile est l’un de nos marchés clés pour notre évolution.
Vous êtes membre du Pan Africa Gaming Group (PAGG). Pouvez-vous nous en dire plus ?
C’est une initiative née il y a deux ans. L’idée est de mutualiser nos ressources pour affronter un marché africain très fragmenté. Chacun l’aborde de son côté. Notre initiative permet de faire converger nos savoirs et d’évoluer beaucoup plus vite. C’est un peu comme la Star Alliance des acteurs du jeu vidéo pour faciliter notre collaboration autour d’une même plateforme.
Le e-sport se développe de plus en plus sur le continent. Qu’en pensez-vous ?
C’est quelque chose que j’observe de loin. Sur le continent, le e-sport se développe bien mais essentiellement sur des jeux externes. Par contre, je pense que le jeu « social » a un réel avenir sur le continent africain. Un jeu « social » où l’on se retrouve à plusieurs. On parle aujourd’hui de Métavers, c’est une piste qui, sur un continent très « mobile », doit être explorée.