Entretien avec Nancy Aka, Directrice commerciale, marketing et communication des cinémas Majestic en Côte d’Ivoire

Nous avons réalisé une interview en 2018. 5 ans après, quel bilan pouvez-vous faire de vos activités en CIV ?

C’est un bilan assez positif dans l’ensemble même si nous avons connu des hauts et des bas dans notre activité surtout durant la période COVID qui a été critique car nous n’avions pas de films et nous avons subi une fermeture de salle pendant 6 mois en 2020. Nous avons ressenti le contrecoup de la pandémie jusqu’à fin 2021. Il a fallu se réinventer durant la période pour assurer un minimum de service. Nous en avons profité pour remettre au goût du jour des classiques du cinéma international et local. Cette période a été propice pour pousser les autres services que nous proposons aux clients B2B, entre autres les locations de salles et l’évènementiel en maîtrisant les jauges de places pour respecter la distanciation sociale. Cela nous a plutôt bien réussi et nous a permis d’utiliser nos salles au maximum de leur potentiel, car elles sont finalement des salles polyvalentes. Durant ces 8 années, nous avons ouverts notre premier multiplex dans la commune de Yopougon où nous proposons des programmes variés et divers grâce à nos 3 salles pour le plus grand plaisir des cinéphiles de la commune et ceux des alentours.

Comment avez-vous géré l’arrivée de la concurrence avec Pathé notamment ?

Nous attendons la concurrence car cela signifie que le secteur est porteur et que la demande est forte si Pathé et Gaumont décident de s’y installer. De plus, il ne fait pas bon d’être en situation de monopole trop longtemps car on ne se sent pas challengé sur la qualité de services et de prestations que nous fournissons aux populations. Pour cette raison, nous sommes prêts à accueillir un concurrent et non des moindre, Pathé, qui a plus de 100 ans d’expérience dans l’exploitation cinématographique en Europe.

D’ailleurs, nous accompagnons des initiatives nationales qui souhaitent s’ouvrir au métier d’exploitant. Il y a quelques mois via une initiative de l’Ambassade de France, nous avons participé à la formation d’une cohorte d’entrepreneurs culturels à la pratique de notre métier. Nous leurs avons expliqué notre manière de faire qui peut être parfois différente de celles des grands groupes. Pour nous, c’était  quelque chose d’important car nous souhaitions partager nos best practices pour devenir exploitant en tenant compte de nos réalités africaines mais surtout les inciter à rejoindre l’aventure pour dynamiser le secteur. Nous sommes convaincus que c’est avec un marché concurrentiel que nous pourrons structurer le secteur et faire entendre notre voix dans les plus hautes sphères de l’Etat. Seuls, nous pouvons parler, c’est vrai, mais à plusieurs nous pouvons parler plus fort !

Aujourd’hui, en quelques chiffres, que représente le réseau Majestic en Côte d’Ivoire (nombre de salles, taux de fréquentation …) ?

Nous avons 6 salles sur l’ensemble du réseau pour 4 sites : Majestic Ivoire, Majestic Prima, Majestic Sococe, Majestic Ficgayo pour un total de 1480 sièges sur l’ensemble du réseau. Nous entendons nous développer davantage sur le grand Abidjan mais aussi à l’intérieur du pays afin d’offrir à toute la population ivoirienne, une expertise locale d’un cinéma aux standards internationaux. En taux de fréquentation, nous sommes de retour sur des jauges d’avant COVID  avec une fréquentation avoisinant les 25,03% ce qui signifie que nos salles sont remplies au quart de manière continue . La taux de fréquentation mondiale est de 30% nous ne sommes pas loin des jauges mais à vrai dire, nous sommes ouverts 7/7 Jours et nous sommes  du vendredi au dimanche , à moins qu’il y’ai un blockbuster international comme Black Panther ; The Woman King ou encore Avatar ou tout simplement  Africain comme le gendarme de Abobo ; Les 3 lascars ; Dans la peau d’un caïd etc.. En ce moment,  les séances semaines sont elles aussi pleines et nous enchainons les sold out. Malheureusement la production africaine mais surtout ivoirienne en longs-métrages commerciaux qui respectent les critères de qualité attendus n’est pas foisonnante mais depuis 8 ans, le nombre de films a augmenté. On voit passer beaucoup de films d’auteurs qui n’intéressent pas forcément notre public qui est jeune et à des goûts précis en termes de cinéma. On le sait avec l’expérience. On a pu observer les genres qui fonctionnent et on espère que les films africains en tiendront compte dans les productions qu’ils proposent aux salles.

 

Est-ce que vous bénéficiez toujours d’un partenariat avec les studios Marvel ? Qu’est-ce que cela implique ? quelle place donnez-vous au cinéma africain dans votre programmation ?

Nous sommes toujours en contact avec les studios via nos distributeurs mais sur l’opération Festival Marvel, nous étions en partenariat avec The Walt Disney Company France avec qui nous avons organisé le premier Marvel festival d’Abidjan. C’était une très belle expérience que nous réitérerons surement à l’avenir et sous des formes innovantes pour permettre à toute la population de prendre part  et de vivre une expérience cinématographique inédite et exclusive. Le cinéma africain a une place prépondérante dans notre programmation. Nous avons des créneaux horaires et des jours sur des salles qui ne bougent pas et sont uniquement dédiés aux films africains. De plus nous avons une tarification spécifique 2000 F CFA et 2500 FCFA ( en fonction de la salle) pour permettre à toutes les couches de la population de venir dans nos salles découvrir nos acteurs et nos histoires dans le confort et la sécurité. Nous sommes un cinéma citoyen ivoirien, par les Ivoiriens pour les Africains.

AlloCiné a récemment lancé une déclinaison en CIV. Comment voyez-vous l’arrivée d’un tel acteur sur le marché ivoirien ? 

C’est une aubaine car cela vient enrichir et donner de la visibilité aux productions surtout les productions locales. On aurait souhaité que des initiatives africaines proposent le même type de service. Il y a des projets en cours et cela augmentera de manière significative la visibilité des salles afin de véritablement vulgariser le loisir cinéma qui est encore trop peu intégré dans les habitudes de consommation locales.

 

 

Vous amorcez une phase de développement active. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Oui nous l’amorçons, nous sommes en discussion avec des espaces pour accueillir de nouvelles salles. Vous en saurez plus très bientôt. Nous n’allons pas dévoiler toute notre stratégie mais notre but est de maintenir notre place de leader sur le marché mais surtout d’être au plus proches des populations.