Entretien avec Baya Ciamala – Co-Fondateur de BAZIKS

Baya Ciamala travaille pour l’une des plus grandes radios du pays, Radio Okapi en tant qu’animateur-producteur tout en menant à temps partiel le pilotage de Baziks basée en RDC. Co-fondateur de la startup, il porte l’ambition d’accompagner la structuration de l’industrie musicale en Afrique, en partant de la RDC, grâce au streaming.

Pouvez-vous nous présenter vos activités ?

Lancée en 2016, Baziks est à la fois la marque globale d’une application et le nom d’une startup musictech africaine. Basée à Kinshasa, Baziks offre aux amoureux de la musique locale la possibilité d’écouter des centaines de milliers de morceaux tirés de l’immense répertoire de la musique congolaise et africaine. Si l’application a été lancée en 2016, Baziks Partners SAS, société mère, n’existe que depuis 2019 et n’est opérationnelle que depuis 2021. Nous nous spécialisons notamment dans le développement de solutions technologiques adaptées au marché africain de la musique. Nous organisons et produisons des événements et du contenu. Enfin, nous éditons des plateformes digitales à destination d’une audience de passionnés de culture africaine en générale et de culture congolaise en particulier.

Pouvez-vous nous présenter BAZIKS ?

Le coeur de business de Baziks est le streaming avec une plateforme née d’une conviction forte : le numérique peut jouer un rôle capital dans la monétisation de la musique locale et ce, à grande échelle, tout en améliorant les revenus des créateurs de contenu comme les artistes, les producteurs, les éditeurs… Nous nous sommes inspirés du succès de Napster en 1999 et de Myspace en 2003 pour ce projet mais nous n’avions pas encore les compétences ni les ressources pour nous lancer. C’est seulement en 2012 que nous avons créé notre blog de téléchargement de musique mp3, l’un des premiers au pays. Ce blog a connu un certain au-delà de nos frontières. De ce succès, nous avons pu participer à des grands événements comme AfricaCom à Cape Town en 2015 ou African Music Development Programme en Côte d’ivoire en 2016 pour échanger et partager notre expérience.

A l’occasion de ce marathon d’évènements, nous avions déjà mis le cap sur le streaming pour suivre la mouvance et la montée en puissance de ce nouveau modèle. Le premier prototype a été lancé en 2016 et nous avons été désignés comme lauréats du prix musique en ligne du Digital Lab Africa en Afrique du Sud devant un jury composé des géants du domaine de la musique, à l’instar deTRACE TV et Believe Digital. Deux entités qui ont par la suite choisi de devenir des mentors. Quelques temps après, nous avons développé une version commerciale de notre application déployée en RDC en 2021.

A ce jour Baziks représente plus de 15 000 téléchargements avec un double business model : nous proposons un abonnement dit Freemium incluant un accès gratuit à toute la musique via l’application, financé par la publicité d’une part et de l’autre côté nous proposons aussi un abonnement payant dit Premium qui permet à nos utilisateurs de bénéficier de fonctionnalités supérieures comme l’offline. Notre positionnement est unique et axé sur les problématiques de l’industrie musicale africaine. Nous avons remporté cette année le prix POESAM (prix orange entrepreneur social de l’année 2021)  en RDC. Toutes ces récompenses nous donnent la foi et la force de continuer à croire en notre projet.

Pourquoi avoir choisi de lancer un tel service ?

Lorsque nous avons accompagné, début 2000, la scène de musicale émergente à Kinshasa, nous avons constaté que nous avions tout à disposition pour faire émerger nos talents : l’accès dans les médias locaux et même internationaux, des scènes dédiées, des artistes hip hop au même niveau que des grandes stars de la rumba … Il y a eu à la même période un foisonnement des homes studio, des studios de production de clip vidéo en 3D mais aussi et surtout un véritable engouement. Nous avons donc choisi de développer la distribution phonographique sur le numérique pour rendre la commercialisation de la musique émergente au pays réelle.

Nous nous sommes lancés tôt sur le marché en tant qu’acteurs de l’espace francophone africain. Et cela nous a donné quelques avantages. Aujourd’hui, l’environnement tend à être plus mature. Notre expertise et la montée en puissance du numérique nous donnent beaucoup d’espoir pour le développement et la structuration d’une industrie du streaming  musical sur le continent.

 

Quelles sont vos ambitions ?

Aujourd’hui, il existe une multitude de plateformes de streaming et tout le monde propose  la même chose. Nous, nous voulons devenir la première plateforme de streaming 100% dédiée à la musique locale, au continent et à la diaspora africaine. Notre ambition est d’apporter une part de notre existence et de notre expérience en tant qu’africains, de nous réapproprier nos cultures, de les valoriser tout en encourageant la production locale par la consommation locale sur une plateforme locale. Et quand je dis local je fais référence au « Made in Africa ». Ce qui devrait également contribuer à la diversification de l’offre streaming dans ce monde de plus en plus globalisé.

Pouvez-vous dresser un bilan de vos activités depuis la création de Baziks ? Où en êtes-vous aujourd’hui ? Quelles vos perspectives de développement ?

Le bilan est positif, nous avons commencé avec un blog de téléchargement mp3 puis lancé un prototype fonctionnel d’une application de streaming imaginée et conçue par des africains. Pour nous, Baziks est le symbole d’une jeunesse africaine dynamique et engagée sur un continent qui bouge. Nous avons évolué au niveau des accords avec la société de gestion collective des droits d’auteurs et des droits voisins,  la Socoda en RDC, grâce à un premier accord conclu en 2018. Cela nous a permis d’enrichir notre catalogue de contenu premium. Nous accélérerons aujourd’hui les discussions avec les maisons de production et d’édition ainsi que les artistes indépendants notamment concernant l’exploitation de leurs catalogues pour lancer notre offre à grande échelle en RDC. Nous souhaitons toucher près de 100 000 000 d’habitant dont 21 000 000 d’internautes.

En parallèle nous nous déployons en Afrique centrale, un marché d’environs 163 495 000 habitants avec le soutien de l’écosystème gabonais via le programme StartX 241 porté par Ogooué Labs et l’accélérateur Héméra (France, Bordeaux).

Notre bilan est donc positif à ce stade notamment en termes de maillage mais le défi reste de pousser à l’utilisation massive de cette innovation et ce, dans un délai très court.

Quelles opportunités offrez-vous aux artistes et créateurs de contenus musicaux ?

Nous offrons quasiment la même chose que toutes les plateformes : une rémunération au prorata du nombre du stream sur un marché que les artistes ont du mal à contrôler jusqu‘ici. Nous les accompagnons aussi sur la partie visibilité sur nos réseaux sociaux, dans l’événementiel, et à travers des connexions professionnelles.

Nous essayons aussi de pousser les artistes à devenir de véritables musicpreneurs. C’est-à-dire de donner les clés et les compétences pour s’organiser en tant que label, contrôler la vente phygital de leurs œuvres auprès de leurs fans via un système de carte d’abonnement dénommé Pass Miziki. Concrètement au lieu de se contenter de 1500$ pour environ 300 000 streams, un artiste ayant 300 000 fans engagés sur les réseaux sociaux peut gagner près de 268 200$ par abonnement mensuel vendu à 1,49$ à titre d’exemple. Nous comptons évoluer rapidement dans la tokenisation pour permettre aux artistes et créateurs de contenu d’améliorer leurs revenus.

Avez-vous conclu des partenariats stratégiques pour le développement de vos activités ?

Nous avons développé des partenariats avec les acteurs de l’écosystème local : il y a d’abord la FINTECH MaxiCash avec qui nous développons nos Pass Miziki.

Enfin en tant que gagnant du POESAM 2021 en RDC, Baziks bénéficie d’un package en termes d’accompagnement de la part de l’opérateur mobile Orange.

 

L’Afrique francophone est de plus en plus courtisée par les majors de l’industrie de la musique. Quel est votre point de vue ? comment imaginez-vous le développement de l’industrie musicale sur le continent ? En particulier dans un contexte de fort développement du numérique ?

L’arrivée des majors est une très bonne chose pour les artistes, les créateurs et l’industrie musicale africaine car cela prouve que le marché est attractif d’une part et que les majors peuvent apporter encore plus de crédibilité dans le secteur. Bref, nous considérons que les plateformes constituent un avantage extrêmement important car plus nous essayons d’évoluer vers la qualité de nos services pour séduire le public, plus les majors nous font confiance et peuvent miser sur nous pour atteindre nos utilisateurs. C’est donc tout naturel que nous manifestons notre ouverture pour des partenariats win-win.