Lex Africana produite par votre société de production Shimazu productions et KEEWU Production (Mediawan Africa), coproduite avec Canal+ International et distribuée par Mediawan Rights, sera diffusée sur CANAL+ Première à partir du 22 avril. Vous l’avez créé, vous y tenez le rôle principal, vous en êtes le producteur avec Alexandre Rideau (Keewu).
Comment fait-on pour convaincre partenaires, producteurs et diffuseurs de rejoindre un projet aussi novateur ?
Seydina BALDE : Tout simplement en faisant valoir son expérience : j’avais déjà produit un long-métrage d’action tourné à Hong Kong que j’ai vendu à Lionsgate.
J’avais cette expertise qui manquait en Afrique, et mes capacités de producteur ont convaincu CANAL+ et Alexandre Rideau qui était déjà à la recherche de ce genre de projet.
J’avais vu la série SAKHO et MANGANE il y a quelques années qui avait été produite en Afrique par Alexandre avec une qualité premium. J’ai ensuite eu la chance de tourner à DAKAR dans 000, une série américaine grâce à laquelle j’ai pris conscience que de nombreux sénégalais avaient les capacités de production nécessaires. Fort de ces constats, je me suis dit que c’était le moment de sortir PAX AFRICANA – qui était le nom de la série à l’origine et qui mettait en scène un héros africain à la James Bond, avec une vraie substance, et qui prévoyait de véritables scènes d’action.
Pourtant les chaînes raffolent des séries romantiques, des télé-novelas alors que LEX AFRICANA est une série d’action.
Alexandre RIDEAU : Je suis surpris par les idées préconçues sur les goûts du public africain. Il y a peu d’études d’audience qui permettent de savoir précisément ce que les spectateurs attendent. Un bon exemple, c’est celui des télé-novelas. Quand Côte Ouest a commencé à distribuer des télé-novelas, on a pensé que le public n’aimait que ce genre de programmes, mais il n’y avait que peu d’alternatives qui lui étaient proposées. Puis de petits producteurs burkinabés, maliens, sénégalais ont réussi à produire des séries différentes, et le public a été au rendez-vous. Il n’y a pas de raison pour qu’en Afrique de l’Ouest ou en Afrique francophone, les choses soient très différentes de ce qui se passe en Afrique du Sud ou au Nigeria. La véritable raison pour laquelle les gens ne consomment pas ce genre de série d’action locales, c’est parce qu’elles n’existent pas.
Nous avons mis un point d’honneur à montrer qu’il est possible de produire une première série d’action premium en Afrique, et nous espérons conquérir l’audience. Quand on sait que la chaîne ACTION (qui a préacheté la série et qui la diffusera en seconde fenêtre) est une des chaînes les plus regardées sur les bouquets CANAL, il n’y a pas de raison que LEX AFRICANA, tournée à DAKAR avec des acteurs africains, ne rencontre pas son public.
Il est donc possible de produire une série d’action de qualité en Afrique !
Alexandre RIDEAU : Avec SAKHO ET MANGANE, nous avions commencé à former des cascadeurs. La matière, les talents étaient là, il fallait investir en temps, en formation, en énergie pour produire des images de qualité premium. Avec LEX AFRICANA on a poussé les curseurs un peu plus loin et j’espère que la prochaine fois nous pourrons inclure des courses-poursuites en voiture, des combats à l’arme blanche et des scènes de combat plus longues et plus nombreuses …
Seydina BALDE: Je voudrais préciser que LEX AFRICANA est une série qui sera appréciée par les amateurs d’action, les hommes comme les femmes.
Nous avons tenu à ce qu’il y ait des personnages féminins forts qui accompagnent notre héros. Que ce soit sa mère, son amour de jeunesse ou Lauren, la médecin humanitaire avec laquelle il va nouer des liens, ce sont des femmes très puissantes qui sont au cœur du récit.
Alexandre RIDEAU : Effectivement. Il est très important pour nous, chez Mediawan Africa, de produire des œuvres d’une grande modernité, loin des clichés.
Comment s’est passé le tournage à DAKAR ?
Seydina BALDE : Cela a été un défi de tous les jours en particulier pour les scènes d’action. Il n’y a pas à DAKAR de studio climatisé comme à Hong Kong, où on peut tourner par n’importe quel temps. Tout a été tourné en extérieur, en décor réel, entre mai et octobre. Il y a beaucoup d’obstacles à surmonter pour produire en Afrique et en été, avec le climat, ça peut être parfois très compliqué. Cela a été un véritable challenge de produire à cette époque-là mais nous y sommes parvenus grâce aux efforts de tous.
Alexandre RIDEAU : Nous avons tourné en demi-journées des séquences qui durent plus d’une minute, ce qui est un record en soi ! A l’origine, pour chaque séquence d’action, 2 jours de tournage étaient programmés. Pour des raisons budgétaires, nous avons dû réduire le temps consacré aux répétitions et au tournage. On peut remercier Seydina et toutes les équipes d’avoir joué le jeu, avec une motivation intacte !
On entend souvent que les talents existent en Afrique et qu’il n’y a pas besoin d’aller chercher ailleurs ce qui existe sur place. Vous avez sollicité toutes les nationalités. A quel besoin cela répond-il ?
Seydina BALDE : Vous savez, je suis moi-même européen ; d’origine africaine, mais je suis né et j’ai grandi en France. Lorsque j’ai commencé à écrire la série et que nous en avons discuté avec Alexandre, nous avons décidé de faire une œuvre d’ambition internationale avec des talents reconnus à travers le monde.
Nous avons recherché des talents, majoritairement africains mais pas uniquement, qui apportent leur expérience, leur regard et qui font monter le niveau de la série au plus haut. Beaucoup sont des acteurs avec lesquels j’ai déjà joué dans le passé, et cela a compté dans le choix du casting.
Alexandre RIDEAU : Nous sommes là pour aider à structurer la filière audiovisuelle et l’une des manières les plus puissantes de le faire, c’est d’amener sur nos tournages des professionnels, quelle que soit leur nationalité, car les jeunes avec lesquels nous travaillons apprennent énormément à leur contact.
De plus, à une heure où partout dans le monde on parle beaucoup de diversité pourquoi se pose-t-on la question en Afrique ? ll y a en Afrique des gens de partout, de toutes les couleurs et les nationalités.
Une série africaine ne doit-elle être réalisée qu’avec des africains ? La réponse est non.
Il faut certes produire en Afrique des histoires qui reposent sur un storytelling africain, avec une écrasante majorité de talents africains dans les équipes techniques et artistiques mais il est important qu’il y ait aussi des acteurs ou des techniciens d’autres cultures.
Est-ce qu’il y aura une suite aux 6 épisodes qui ont été tournés et qui seront bientôt diffusés sur Canal+ Première ?
Seydina BALDE : Oui, LEX AFRICANA, a une fin ouverte. Nous avons bien sûr prévu une suite. Nous espérons revoir Gabriel Thiam dans d’autres saisons.
Alexandre RIDEAU : On peut imaginer que LEX AFRICANA, est une sorte de prequel qui met en scène la naissance d’un héros, un héros africain.
Les 6 premiers épisodes plantent le décor et le personnage et à partir de la fin du 6ème épisode, la saga est lancée. On peut imaginer des épisodes à travers le temps et l’espace, sur un grand nombre de thématiques à travers le continent. C’est un justicier qui vient réparer les torts. Nous allons explorer toutes ces pistes.
Avez-vous vocation à distribuer cette série internationalement ?
Seydina BALDE : Mediawan Rights, qui distribue la série dans le monde, croit beaucoup au projet et les versions internationales sont en préparation. C’est une série qui va voyager peut-être même au-delà du continent africain. Pour les pays anglophones aussi, ce sera la première fois qu’ils verront une série francophone de cet acabit. C’est très intéressant pour les collaborations du futur.
Alexandre RIDEAU : Lex Africana incarne parfaitement les synergies qui se mettent en place au sein du groupe Mediawan au service des projets.
Déjà, SAKHO et MANGANE avait bien marché à l’international et dans les pays anglophones. Nous avions la volonté en 2018 de montrer une série africaine qui utilise les codes américains. Avec LEX AFRICANA, nous avons mis le curseur autre part : c’est une série très sénégalaise dans son ADN. Ce n’est pas une série « américaine » mais on espère, compte tenu de sa qualité que ça fonctionnera à l’international.