Aurèle Simo est le fondateur de Toovendi.com, plateforme d’annonces gratuites en ligne lancée au Cameroun et accessible en Côte d’Ivoire et en RDC. Ancien de chez Jumia et Afrimalin, il partage aujourd’hui sa vision du e-commerce en Afrique francophone subsaharienne.
Pouvez-vous nous décrire vos activités ?
J’ai travaillé chez Jumia et chez Afrimalin, deux grands acteurs du e-commerce en Afrique francophone. J’ai occupé respectivement les postes de responsable commercial – Cameroun et digital marketing manager du groupe Afrimalin. J’ai choisi de lancer ma propre plateforme en avril 2018, Toovendi.com.
Cette plateforme met en relation vendeurs et acheteurs pour conclure de bonnes affaires. Lancée au Cameroun, elle est opérationnelle en Côte d’Ivoire, en RDC et nous sommes en train de poursuivre notre déploiement avec l’ambition d’être présents dans 15 pays d’Afrique francophone subsaharienne.
En parallèle de ces activités, j’ai lancé une académie de formation aux métiers du numérique qui s’appelle Griotys Digital Academy. Nous sommes encore en phase de lancement pour ce qui est du Cameroun et nous souhaiterions étendre le projet à la sous-région.
Quel est le modèle économique de Toovendi.com ?
En termes de modèle économique, contrairement à Jumia ou Afrimarket, nous avons choisi de lancer une plateforme d’annonces gratuites. Les vendeurs peuvent ainsi mettre en ligne des produits gratuitement et lorsque les acheteurs recherchent des produits en ligne, sur les réseaux sociaux et moteurs de recherche, ils peuvent être mis en contact direct avec les vendeurs présents sur la plateforme. Nous ne prenons aucune commission sur les ventes ni de frais de création de compte. Nos recettes proviennent de l’achat d’espaces publicitaires et des annonces sponsorisées.
J’ai choisi ce modèle économique car j’ai compris, que sur le continent africain en général, beaucoup de personnes ne comprennent pas encore comment fonctionne la vente en ligne. De l’inscription, au référencement des produits ou encore à l’acte d’achat … tout cela peut paraitre encore très compliqué pour les populations et cela constitue donc un frein au développement du e-commerce. Face à ce constat, j’ai choisi de commencer par un site de petites annonces gratuites facile d’accès, que nous pourrons par la suite faire évoluer en un véritable marketplace. Je pense que les mentalités doivent encore évoluer pour que les marketplaces puissent se développer sur le continent.
Pour l’heure, la plateforme n’est pas encore rentable, nous continuons d’investir mais il faut se fier aux données et aux analyses du trafic généré par notre plateforme : le nombre de visiteurs ne cesse de croître et un taux de retour très important. Deux paramètres fondamentaux dans cette phase de croissance.
Comment vous différenciez-vous de la concurrence ?
Au regard de la concurrence, nous souhaitons nous différencier en faisant évoluer notre plateforme et dépasser le cadre des petites annonces. Je ne peux communiquer à ce sujet pour le moment. La première étape avec Toovendi, consistait à faire vivre la plateforme et faire que la marque soit reconnue des internautes. Nous développerons d’ici 2020 de nouvelles fonctionnalités, de nouveaux services …
Quels sont les enjeux du e-commerce au Cameroun et plus largement en Afrique francophone ?
Le e-commerce au Cameroun et en Afrique francophone en général, est un secteur très porteur. J’encourage beaucoup de jeunes à se lancer dans la vente en ligne sous réserve de choisir le bon modèle économique, celui qui correspond à notre environnement et à nos réalités. C’est l’un des premiers enjeux.
Il faut également veiller aux investissements réalisés pour cette plateforme de e-commerce. C’est l’une des raisons pour lesquelles des acteurs du e-commerce choisissent de se lancer sur le continent puis sont contraints de cesser leurs activités. Je pense que le succès des acteurs du e-commerce n’est pas uniquement conditionné par l’état du marché, encore très peu mature dans nos pays. Si l’on regarde les acteurs qui ont cessé leurs activités sur le territoire, à l’image de Cdiscount, Africashop, Afrimarket ou encore Yatoo en Côte d’Ivoire, tous ont réalisé de gros investissement pour développer leurs activités sur des marchés encore très petits, où un certain plafond de ventes permettant la rentabilité ne peut être atteint. Notamment du fait du faible taux de pénétration d’internet. Une problématique cruciale si l’on souhaite perdurer sur le marché. Les futurs entrepreneurs qui voudront se lancer, doivent selon moi, investir à hauteur du marché et des réalités.
Malgré ces difficultés de financement, je reste persuadé que le e-commerce à un avenir très prometteur.
Afrimarket et Yatoo.ci ont annoncé la cessation de leurs activités. Selon vous, Jumia est-il un concurrent trop puissant ?
Jumia parvient à se démarquer notamment grâce à son entrée récente en bourse à New York qui lui a permis de lever près de 200 millions de dollars mais les activités connaissent également des difficultés et peinent à atteindre le seuil de rentabilité.
Jumia a beaucoup de liquidités et investit énormément pour déployer ses activités. Le groupe réalise également beaucoup d’opérations sur le terrain qui permettent de faire évoluer les mentalités au sujet du e-commerce. Ce changement des mentalités et la prise de conscience des opportunités liées au e-commerce sont des facteurs qui conditionnent le développement du secteur.
Il faut que ces modèles qui « réussissent » tiennent le coup et continuent d’exister sur le marché. Petit à petit le marché va se structurer.
Vous avez assisté à la cérémonie de lancement de la stratégie nationale du commerce électronique au Cameroun, de quoi s’agissait-il ?
Le Ministère du commerce au Cameroun, en partenariat avec le Commonwealth, a choisi de réunir les acteurs du e-commerce opérant sur le territoire pour échanger et élaborer une stratégie nationale pour contribuer au développement du secteur. En effet, les pouvoirs publics ont choisi d’étudier ce marché encore nouveau, pour appréhender les besoins des internautes mais aussi des entreprises qui souhaiteraient développer leurs activités sur internet. En tant que porteurs de projets sur le commerce en ligne, nous avons pu rendre compte des problématiques que nous rencontrons au quotidien. De nouvelles lois devraient voir le jour en 2020 permettant également de protéger les acheteurs en ligne. Cette stratégie permettra ainsi de structurer et de favoriser la croissance du secteur au Cameroun.
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