Entretien avec Angela Martins, cheffe du département Culture de la commission de l’Union africaine

Angela Martins, originaire du Mozambique travaille à la Commission de l’Union Africaine en tant que cheffe du département Culture depuis 2009. Cette année, l’Union Africaine, en collaboration avec l’Agence Culturelle Africaine (ACA), parraine la 3ème édition du Pavillon Africain organisé du 7 au 16 juillet, dans le cadre du Festival de Cannes 2021.

Convaincue que le cinéma est un puissant vecteur de rayonnement international pour un pays, l’Agence Culturelle Africaine offre une nouvelle fois une vitrine au cinéma du continent avec l’organisation du Pavillon Africain.

A cette occasion, Angela Martins partage sa vision de l’industrie africaine du 7ème Art et revient sur l’importance du déploiement de la Commission africaine de l’Audiovisuel et du Cinéma (AACC).

Quelles sont les ambitions de l’Union africaine pour le développement de la culture ? Quelles sont les actions mises en place ? 

L’objectif principal du programme Culture de l’Union africaine est le développement de politiques continentales pour les arts, la culture et le patrimoine. Nous supervisons et soutenons également la mise en œuvre de ces politiques dans les États membres, en étroite collaboration avec les institutions culturelles panafricaines opérant dans divers domaines des arts et de la culture à travers le continent. Le soutien que nous recevons des États membres ainsi que des organisations internationales nous permet d’obtenir d’excellents résultats.

Vous participez à la prochaine édition du Festival de Cannes. Qu’attendez-vous de cet événement ?

Le Festival de Cannes sera l’occasion pour nous de présenter notre travail et les projets que nous menons. Ce sera également l’occasion pour nous de créer des synergies, d’obtenir des soutiens pour aller plus loin dans nos projets en particulier cette année, puisque 2021 a été placée par l’UA sous le thème « Art, culture et patrimoine » permettant de promouvoir les valeurs culturelles africaines comme levier de développement. Notre participation sera également l’occasion de promouvoir la politique de l’Union africaine en matière d’audiovisuel et de cinéma, représentée par la Commission africaine de l’Audiovisuel et du Cinéma (AACC). L’objectif étant de faciliter la ratification de son statut par les Etats membres de l’UA et de sa mise en application pour que chaque Etat membre développe des structures appropriées aux niveaux national, régional et continental.

Quel regard portez-vous sur l’industrie du cinéma en Afrique francophone ?

L’industrie cinématographique et audiovisuelle en Afrique a un grand potentiel de développement, mais il reste encore beaucoup à faire pour exploiter ce potentiel. Pour l’Union africaine, la création de la Commission africaine de l’audiovisuel et du cinéma est une étape essentielle et indispensable à cet égard.  L’AACC est chargée de coordonner les programmes et les activités axés sur le développement et la coordination du secteur cinématographique sur le continent, y compris la production, le marketing et la distribution. Cependant, cette institution doit être pleinement opérationnelle pour lui permettre de jouer son rôle. Il est également nécessaire de revitaliser et de développer davantage de plateformes de diffusion de films et de mise en réseau, telles que le FESPACO, qui contribueront également au développement de l’industrie.

Quel est votre point de vue sur le système de financement du cinéma ? Comment l’Union africaine et les gouvernements pourraient-ils aider les producteurs à bénéficier de ressources supplémentaires ?

Le statut de la Commission Africaine de l’Audiovisuel et du Cinéma envisage la création d’un Fonds pour le cinéma africain qui devrait stimuler le développement du cinéma sur le continent. Le financement du cinéma en Afrique est un domaine dans lequel nous sommes à la traîne par rapport à d’autres régions, une situation aggravée par la pandémie de COVID-19. La création de l’AACC Film Fund pourrait être un point de départ pour mettre en place des programmes de production cinématographique. Certains États membres de l’UA proposent déjà de tels programmes, mais il reste encore beaucoup à faire.

Quel pourrait être le rôle de l’Union Africaine pour développer/mettre en œuvre des formations professionnelles aux métiers du cinéma  ?

La Commission Africaine de l’Audiovisuel et du Cinéma qui est une agence spécialisée de l’Union Africaine, aura pour mission de renforcer les capacités de production cinématographique des pays mais aussi le marketing et la distribution. Il est urgent de rendre cette institution opérationnelle pour mettre en œuvre son mandat tel qu’il est inscrit dans ses statuts et qui, selon nous, contribuera également à la croissance du secteur de l’économie créative africaine. Le gouvernement du Kenya a d’ailleurs proposé d’héberger l’AACC.

Les États africains ont beaucoup de problématiques à traiter mais qu’en est-il de la culture ?

La déclaration par les organes politiques de l’Union africaine de 2021 comme année des arts, de la culture et du patrimoine montre l’engagement des dirigeants du continent à faire croître le secteur et à assurer sa contribution à l’économie du continent et au bien-être des artistes. Il est vrai que le secteur des arts, de la culture et du patrimoine doit rivaliser avec d’autres secteurs qui relèvent de besoins fondamentaux, mais il appartient aux décideurs politiques et aux artistes de renforcer le potentiel du secteur et de le rendre de plus en plus pertinent, de créer des synergies avec les autres secteurs. Il ne fait aucun doute que nous pouvons aller plus loin ensemble. La pandémie de COVID-19, par exemple, nous a rappelé le rôle important que les arts et la culture peuvent jouer dans la lutte et la prévention de l’infection virale et de la désinformation sur les vaccins.