A la télé sénégalaise, le héros de la série « le Virus » est un méchant 

Il y a eu les femmes séductrices ou bafouées de « Maîtresse d’un homme marié », le rédacteur en chef d' »Idoles » confronté aux réalités du pouvoir… la dernière série TV sénégalaise propose un héros pas glamour mais bien de son temps : « le Virus ».

La ressemblance avec des évènements existant ou ayant existé est tout sauf fortuite : « le Virus », succession de fictions courtes diffusées tous les soirs depuis fin avril par la chaîne privée ITV et sur les réseaux sociaux, est
totalement inspiré par le Covid-19 qui sévit ici aussi.
« Le Virus » se veut récréatif comme les productions aux multiples saisons qui cartonnent sur les télévisions du pays, mais aussi pédagogique. Le personnage inventé du docteur Diouf qui intervient à la fin de chaque épisode sera peut-être mieux entendu que ses véritables confrères en blouse blanche en s’appuyant sur les courtes séquences imaginées dans la vie quotidienne des foyers sénégalais.

La scène tournée aujourd’hui dans un appartement d’un quartier résidentiel de Dakar est en prise directe avec la réalité du moment. Le Ramadan, comme dans la vraie vie, y touche à sa fin. Le dernier jour du mois sacré de jeûne, les enfants frappent aux portes pour quémander de l’argent.

Trois fillettes bien habillées comme de tradition tombent sur un chef de famille qui leur claque la porte au nez. Il peste contre ces parents qui laissent leur progéniture traîner dehors par les temps qui courent.

« On a voulu faire des téléfilms de cinq à huit minutes pour montrer ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire pour échapper au coronavirus. Nous avons jugé que c’est plus efficace de le montrer en allant au-delà des messages habituels comme + lavez-vous les mains+, +éternuez dans votre coude+,
+évitez les rassemblements+ », dit le réalisateur Mohamed Moustapha Kanté, masque sur le visage parmi les caméras, les projecteurs et les câbles.

 

« Dérives » audiovisuelles 

La série de 30 épisodes en wolof, langue parlée au Sénégal, a commencé en même temps que le Ramadan et passe à l’heure de la rupture du jeûne. Ce moment où les Sénégalais sont friands de sketches est propice à la sensibilisation dans un pays où la contagion reste relativement limitée, mais où l’inquiétude est présente quant aux capacités du système de santé.

Les autorités ont déclaré près de 3.000 cas de contamination et plus de 30
décès. Dans un épisode du « Virus », un jeune homme s’en prend à sa soeur trop absorbée par les réseaux sociaux pour se préoccuper des mises en garde officielles jusqu’au jour où elle est elle-même atteinte.

« Les messages varient en fonction des jours », dit le docteur Diouf, Alioune Thiam à la ville, masqué et ganté. Il évoque les retours des téléspectateurs, comme celui qui « nous a dit qu’il ne savait pas que la diarrhée faisait partie des symptômes ».

Le ministère de la Santé observe avec intérêt. « Nous avons reçu beaucoup de productions et des synopsis sur le coronavirus. Nous sommes en train de voir comment travailler avec ces maisons de production dans le cadre de la sensibilisation », dit sa porte-parole, Mme Ngoné Ngom.

Une autre autorité de surveillance veille au grain : le Conseil national de régulation de l’audiovisuel. Il a prévenu que la profusion de programmes télé et radio réalisés pour le Ramadan ne devait pas susciter de « dérives » comme la dérision anti-religieuse. Elle ne doit pas non plus donner lieu à « tout ce qui ressemblerait à de la stigmatisation de victimes du coronavirus ».

AFP