La question de la mesure d’audience en Côte d’Ivoire est au centre des débats, reflétant un enjeu crucial pour l’écosystème audiovisuel et publicitaire du pays. Ces dernières mois, la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA) a intensifié ses mises en garde contre les initiatives de mesure non encadrées, alors même que le paysage audiovisuel évolue sous l’impulsion de nouvelles technologies et partenariats.
En vertu de la loi n°2017-868 modifiée par la loi n°2022-979, la HACA détient le monopole légal de la mesure d’audience des médias audiovisuels. Dans ses communiqués des 18 juillet et 20 septembre 2024, elle a rappelé que toute mesure réalisée sans son encadrement est considérée comme illégale. Elle impose également des conditions strictes pour les études réalisées sur des parcs privés, notamment la validation préalable des méthodologies et la confidentialité des données.
Ces rappels sont intervenus dans un contexte où des acteurs comme Médiamétrie et CANAL+ Advertising, continuent de proposer des solutions de mesure alternatives. Ces initiatives, bien qu’innovantes, se heurtent à la volonté de la HACA de centraliser et de certifier toutes les données d’audience, afin d’éviter une fragmentation du marché et des conflits d’interprétation.
L’Innovation technique en première ligne
AFRICAMAT développé par CANAL+ADVERTISING et Médiamétrie illustre la capacité d’innovation dans le domaine de la mesure d’audience. Ce système, basé sur les décodeurs de CANAL+, permet d’enregistrer les audiences à la seconde près au niveau des foyers. Médiamétrie complète ces données techniques par des enquêtes approfondies pour estimer l’audience individuelle. L’outil, bien que limité aux abonnés de CANAL+, offre une vision dynamique et granulaire des comportements des téléspectateurs. Cependant, les résultats restent destinés à un usage interne, ce qui limite son impact sur le marché publicitaire en dehors des clients de CANAL+ ADVERTISING.
Une absence de mesure consensuelle qui pèse sur le marché
L’absence d’une mesure consensuelle et unique, promise par la HACA depuis deux ans, crée une situation d’attente prolongée. Alors que l’appel d’offres pour sélectionner un opérateur de mesure est, selon nos informations, en phase finale, la mise en œuvre effective d’un système robuste pourrait encore prendre des mois. Pendant ce temps, les chaînes et annonceurs se trouvent privés de données fiables et communes pour guider leurs décisions stratégiques.
Cette situation fragilise les chaînes locales, notamment face à des acteurs internationaux mieux outillés. Elle handicape également le marché publicitaire ivoirien, qui manque d’indicateurs fiables pour attirer des investissements significatifs. L’annonce récente de Médiamétrie de cesser ses études déclaratives sur la TNT ivoirienne, après 12 ans de présence, illustre les frustrations générées par ce contexte réglementaire complexe.
Vers une solution durable
Pour restaurer la confiance et stabiliser le marché, une mesure d’audience unique, robuste et certifiée est essentielle. Elle devra répondre aux attentes des chaînes, des annonceurs et du régulateur, tout en s’appuyant sur des méthodologies solides et transparentes. La collaboration entre les acteurs privés et publics et la HACA sera déterminante pour surmonter les défis actuels.
En attendant, des initiatives comme AFRICAMAT ou Africascope (KANTAR) continueront de combler partiellement le vide, tout en mettant en lumière les opportunités offertes par les avancées technologiques. Cependant, seule une solution reconnue par tous pourra réellement structurer et dynamiser le secteur audiovisuel ivoirien. Les décisions à venir de la HACA, notamment sur le choix de l’opérateur de mesure, sont donc attendues avec une impatience croissante par l’ensemble des parties prenantes.