Les chaînes de télévision sénégalaises et ivoiriennes à la conquête des réseaux sociaux

Entre 2020 et 2025, le paysage audiovisuel ouest-africain a connu une véritable révolution numérique. Au Sénégal comme en Côte d’Ivoire, la transformation des usages, portée par une explosion de la connectivité mobile, a poussé les chaînes de télévision à investir massivement dans les plateformes sociales pour séduire une audience jeune, connectée et avide de contenus courts, drôles ou interactifs. Ce dossier explore comment ces chaînes ont adapté leurs stratégies, quels contenus elles privilégient et quels résultats elles obtiennent dans cette nouvelle ère de la télévision 2.0.

La révolution des usages

Entre 2020 et 2025, la fréquentation d’internet a bondi de 26,6% au Sénégal pour atteindre 79% d’internautes quotidien et de 31,3% en Côte d’ivoire pour atteindre 55% d’internautes quotidiens.

Alors qu’en 2019, la suprématie de Facebook n’était contestée que par Whatsapp, en 2025 la situation est tout autre : Whatsapp est désormais la plateforme la plus utilisée aussi bien en Côte d’ivoire qu’au Sénégal, TikTok qui existait à peine en 2019 est suivi aujourd’hui par 82% des sénégalais et par 61% des ivoiriens. Facebook est tombé à 54% au Sénégal et se maintient à 80% en Côte d’Ivoire.

Ces disparités, davantage liées à l’histoire digitale et audiovisuelle des 2 pays qu’à des critères liés aux internautes, expliquent également la position des chaines de télévision dans le TOP 10 des plateformes

Côte d’Ivoire : l’audace des chaînes privées

L’arrivée de nouvelles chaînes comme NCI, Life TV, La 3 et A+IVOIRE a dynamisé le secteur. Elles occupent les premières places sur Facebook et TikTok, grâce à des contenus créatifs, souvent courts, interactifs et adaptés à la génération Z. Sur Facebook, ces chaînes privilégient la promotion par des bandes-annonces ou des affichettes des programmes à venir, ou des extraits courts de programmes déjà diffusés misant sur la viralité et l’engagement. Sur TikTok, elles surfent sur les tendances, les challenges et l’humour pour renforcer leur notoriété.

Ainsi les « nouvelles » chaines ivoiriennes NCI, LIFE TV, LA 3 et A+IVOIRE  occupent les premières places de Facebook et de Tiktok toutes chaines confondues

TOP 5 des chaines ivoiriennes et sénégalaises sur Facebook et TikTok

FACEBOOK                                                                            TIKTOK

(Nombre de followers ou d’abonnés- en italiques les chaines sénégalaises )                                           

NCI                  3 900 000                                           LIFE TV            2 600 000

LIFE TV            2 300 000                                           MARODI TV    2 400 000

LA 3                 2 300 000                                           NCI                  1 700 000

A+ IVOIRE       2 000 000                                           2STV                831 000

RTI INFO         1 800 000                                           A+ IVOIRE       721 000

Sénégal : la puissance du contenu long sur YouTube

Au Sénégal, YouTube est le royaume des chaînes locales.

MARODI TV qui a mis depuis de nombreuses années YouTube au cœur de sa stratégie bat tous les records  avec 7,7 millions d’ abonnés pour une population totale de 18 millions d’habitants. Six chaînes sénégalaises dépassent le million d’abonnés sur YouTube, alors qu’en Côte d’Ivoire, seule NCI atteint ce seuil.

Sur Facebook, les chaînes sénégalaises (RTS1, TFM, 2STV, SenTV) diffusent majoritairement des contenus longs : journaux télévisés, magazines, émissions en direct pouvant durer plusieurs heures. Cette stratégie vise à fidéliser une audience complémentaire à celle du petit écran.

TOP 5 YOUTUBE

(Nombre d’abonnés- en italiques les chaines sénégalaises )          

MARODI TV     7 700 000

TFM                2 940 000

2STV                2 660 000

NCI                  1 490 000

WALFADJIRI    1 450 000

Quels contenus pour quels objectifs?

L’analyse des contenus publiés sur les différentes plateformes met en évidence les disparités d’approche des chaines de télévision

Les unes n’utilisent Facebook que pour informer leurs abonnés des programmes et événements à venir et leur donner envie, via des bandes annonces ou des extraits de quelques minutes de leurs émissions passées ou à venir ; c’est le cas de NCI, de A+IVOIRE  de 7 INFO et de MARODI TV qui utilisent Facebook essentiellement comme un outil de promotion et de marketing.  

D’autres chaines publient systématiquement in extenso et en direct leurs émissions phares (JT, magazines) Ces chaines semblent plus à la recherche d’une audience complémentaire ou considèrent la diffusion de programmes en direct comme un service complémentaire à la TV

La RTI par exemple diffuse tous les jours le JT de 13h de RTI1 en direct.

C’est l’usage partagé au Sénégal puisque RTS1, TFM , 2STV et SenTV publient quasi exclusivement des contenus longs pouvant aller jusqu’à 2 ou 3 heures

Enfin d’autres chaines panachent et postent à la fois beaucoup d’émissions en direct et des bandes annonces ou des affichette de promotion de leur programmes à venir.

C’est le cas de Life Tv  et la 3 en Côte d’ivoire , ou Walfadjiri au Sénégal

Monétisation et défis économiques

La présence sur les réseaux sociaux n’est pas qu’une question d’audience ou de marketing : elle répond aussi à la quête de nouveaux modèles économiques.

Sur YouTube, la monétisation via le Programme Partenaire est déjà effective au Sénégal ; en Côte d’Ivoire, les négociations avec Google se poursuivent pour un encadrement optimal.

Sur Facebook et Instagram, la monétisation directe est encore limitée par les politiques des plateformes, mais les chaînes misent sur la visibilité pour attirer des sponsors et des annonceurs locaux. TikTok, quant à lui, reste surtout un levier de notoriété, même si les collaborations avec des influenceurs ouvrent de nouvelles perspectives commerciales.

Si WhatsApp est désormais la plateforme la plus utilisée, son exploitation par les chaînes de télévision reste balbutiante. Seule la RTS1 au Sénégal est identifiée comme pionnière, utilisant WhatsApp pour diffuser des informations et interagir avec son public. Ailleurs, l’expérimentation se poursuit, notamment autour des groupes communautaires ou de la diffusion de contenus exclusifs.