Vous venez d’être nommé Directeur des relations extérieures du groupe GF productions, premier groupe d’humour francophone. Quelles sont les activités de ce groupe qui envisage de mettre en place un développement africain ambitieux ?
Le premier grand festival qui a été monté par le groupe Grégoire Furrer productions : c’est le Montreux Comedy Festival qui existe depuis plus de trente ans. Aujourd’hui c’est une très grosse machine qui rayonne dans l’ensemble de la Francophonie grâce à l’humour, et qui est le vaisseau amiral d’un flottille d’autres Festivals dispersés sur trois continents.
Depuis quatre ans le groupe a sensiblement accéléré sa dynamique de développement : nous produisons aujourd’hui huit festivals dans le monde principalement dans le monde francophone. Le développement du groupe lui imposait d’exprimer clairement la cohérence de sa stratégie et d’acquérir une visibilité institutionnelle. C’est en effet un groupe qui s’est démultiplié à bas bruit en construisant festival après festival à partir d’une véritable vision, celle de Grégoire Furrer pour lequel l’humour est un art majeur, l’art qui se développe le plus rapidement et qui touche nos contemporains dans toute leur diversité, toutes les classes d’âge réunies. C’est en particulier l’un des rares genres qui touchent les jeunes générations. Nous avons un public qui est universel et… de 7 à 97 ans.
D’où l’importance de l’Afrique … ?
Exactement. L’Afrique est extrêmement importante pour notre développement parce que l’Afrique est jeune et aussi extrêmement connectée. La réalité c’est que l’industrie des Telecom s’est développé de façon exponentielle sur toute l’Afrique. Aujourd’hui pour toucher le public africain on a plus de chance d’y arriver avec un smartphone qu’au travers des médias traditionnels.
Il faut savoir que le groupe a fait depuis plusieurs années le choix du développement numérique. Nous sommes aujourd’hui la première plateforme de diffusion de sketchs, de stand-up ou de spectacles d’humour sur Internet avec 50 millions de téléchargements d’humour par mois et cela croît sans cesse. C’est aussi cet amplificateur numérique de leur talent que nous offrons aux humoristes africains.
Comment envisagez-vous le développement du groupe ?
Le développement du groupe s’appuie sur deux piliers : le pilier historique constitué par les grands rendez-vous des festivals qui permettent d’obtenir de la visibilité, un ancrage sur le territoire, de recruter de nouveaux talents, de faire de la détection pour trouver les prochaines générations d’humoristes et le deuxième pilier de notre développement, c’est justement le développement numérique avec la mise à disposition du public de tout le formidable catalogue d’humour qui se constitue à chaque événement depuis plus de 30 ans.
Exemple de cette action en deux volets inséparables : nous avons repris et relooké récemment le festival « performance d’acteurs » qui existait depuis plus de 30 ans et qui a lieu fin juin début juillet à Cannes. Il s’appelle maintenant« Big Perf » et propose en plus des grands galas multi-artistes « comme à Montreux », la découverte via le numérique des nouvelles formes d’humour comme les holoshows, l’expérience du Comedyverse et l’exploration de l’humour sur le Metaverse…Tout ce qu’on développe aujourd’hui en matière technologique qui nous permet de proposer de l’humour sans frontières dans un espace virtuel où chacun peut circuler. Nous produisons par ailleurs des masters classes pour les jeunes Cannois qui voient dans le stand up leur moyen d’expression favori. Cela nous permet de faire des sélections, pour aider les meilleurs humoristes à entrer dans le métier et de les faire tourner afin qu’ils viennent s’agréger aux talents reconnus déjà présents dans nos festivals dans le monde entier.
Comment êtes-vous implantés en Afrique aujourd’hui?
L’Afrique est au coeur du développement du Groupe, qui invente beaucoup son avenir et sa croissance en Afrique, qui expérimente ici les nouvelles dynamiques porteuses en matière d’humour aussi bien que les nouvelles solutions de distribution. Depuis plus de quatre ans nous sommes à Abidjan grâce au festival Dycoco qui est le rendez-vous du rire de toute l’Afrique de l’Ouest et qui nous permet aussi de détecter les talents sur tout le continent à travers un concours « Mon premier Montreux » qui circule de pays en pays. Par exemple la dernière finale vient d’avoir lieu à la fin du mois d’octobre à Kinshasa. Cela nous permet de découvrir les pépites de l’humour africain et de les accompagner pour qu’elle brillent de toutes leurs facettes. Aujourd’hui il se passe quelque chose de phénoménal dans l’humour à Abidjan et c’est indispensable d’être ici, branchés sur cette énergie positive !
Et le vainqueur fera le festival de Montreux …
Bien sûr ! Mais surtout il passera six mois dans une structure que nous faisons grandir depuis trois ans et qui s’appelle l’académie de l’humour africain, installée dans un lieu de stand up, un comedy club créé à Abidjan même, à Cocody, le… Dycoco. Chaque artiste sélectionné peut alors se perfectionner avec des ateliers d’écriture, de mise en scène, d’interprétation, afin de pouvoir faire rire le public européen. Il s’agit de lui permettre de mettre en avant la part d’universel de son talent propre, et de sortir des références trop étroitement locales : ce qui fait rire en Côte d’Ivoire, au Togo ou au Congo, peut faire rire partout, mais il faut atteindre une dimension universelle de l’humour, maîtriser les codes des différents publics que l’on souhaite toucher. Et la Francophonie est un horizon formidable pour tous ces artistes.
Allez-vous développer d’autres événements en Afrique ?
Notre idée c’est de développer ensuite l’humour africain à partir de plusieurs zones de détection de rayonnement des talents du continent.
De manière assez naturelle nous avons identifié trois grandes zones centrées sur Abidjan bien sûr pour l’Afrique de l’Ouest, où se situe le Dycoco, Académie de l’humour africain mais également Kinshasa pour l’Afrique Centrale et Alger pour l’Afrique du Nord.
Grégoire Furrer a la certitude que l’Algérie est un formidable pays d’humour et qu’il faut arriver à faire rayonner les talents d’Algérie hors du pays voire hors du continent. L’Algérie a un potentiel très grand, on le voit avec tous les talents algériens ou franco-algériens ou algéro-français C’est un potentiel que nous souhaitons exploiter pour permettre à l’Algérie de rayonner. Le pôle algérien devrait aussi servir de fédérateur pour le Maghreb avec un « mon premier Montreux » régional, dépassant les frontières.
Et la vision « francophone » de Grégoire Furrer est aussi ce qui a amené l’OIF à programmer pour la première fois lors du prochain Sommet de Djerba une soirée de « pré-ouverture » du Festival du Montreux Comedy Festival : une manière de saluer l’importance de l’humour comme un art majeur francophone !
La finale de « Mon premier Montreux » qui a eu lieu à Kinshasa a-t-elle été diffusée sur des chaines de télévision africaines ?
Le groupe conclut des accords ponctuels en fonction des galas. Nous avons un accord avec CANAL+ qui perdure et qui est très solide, mais nous avons également un accord avec la RTS par exemple parce qu’on est en Suisse, de même que les humoristes du Dycoco travaillent avec toutes les chaînes de Radio ou de télévision ivoiriennes. L’humour ne se met pas en cage, il répugne à l’exclusivité, il circule sur les réseaux sociaux et il est d’autant plus puissant qu’il est répété, revu et reconnu. Tous les autres spectacles s’épuisent assez vite, la puissance de l’humour est que chaque nouvelle diffusion le charge d’un peu plus de puissance. La grande vadrouille, combien de rediffusions? Pour ce qui concerne l’Afrique on n’échappe pas à cette règle : par exemple le gala panafricain du Festival Dycoco d’Abidjan a été diffusé sur Canal+ Afrique et le gala de Big Perf à Cannes a été diffusé sur la chaîne Comédie+. A chaque fois il peut y avoir un accord spécifique en fonction des galas, du public visé, de la salle, des talents, des choix artistiques…
Nous n’avons pas d’output deal comme on dit dans l’audiovisuel, avec un seul acteur de diffusion, mais cela peut venir car certaines plateformes ont aujourd’hui une stratégie éditoriale mondiale à laquelle l’humour répond parfaitement. Il se peut qu’on signe l’année prochaine un output deal avec une plateforme numérique internationale! Pourquoi se l’interdire, si cela permet de mieux financer la détection, la formation et la promotion des humoristes ?
Il y a trois ans vous avez par ailleurs créé le « club Nouveaux Mondes » dont vous êtes le Délégué général. Y a-t-il des synergies entre ce club et votre nouveau rôle chez GF productions
Oui bien sûr! Le club Nouveaux Mondes est un Groupe de réflexion (un Think tank) qui a pour objectif de faire dialoguer les leaders des pays développés et des pays émergents dans le domaine économique, politique mais aussi culturel en Afrique, en Amérique, en France et en Europe. C’est une dynamique qui croise celle du développement de l’humour à travers les trois continents où le Groupe créé par Grégoire Furrer est implanté ! Quand on observe la Francophonie aujourd’hui, dans sa richesse et sa diversité, on est frappé par sa jeunesse et par sa capacité de création. La Francophonie, ce n’est pas seulement les grand messes des Chefs d’Etat, c’est aussi la manière dont nous, peuples francophones, nous dialoguons et nous rions ensemble. Parce qu’au coeur des valeurs de la Francophonie réelle, il y a le sourire de Voltaire et l’humour de Coluche, qui sont peut-être les armes le plus fortes dans le monde d’aujourd’hui.
Y a -t-il une dimension entertainement dans ce club ?
Difficile de l’éviter, dès lors que les Industries Culturelles et Créatives sont à l’avant-garde de l’économie de la mondialisation. Les industries culturelles sont aujourd’hui un atout de rayonnement et un vecteur de développement économique et d’emploi, comme le démontrait brillamment Françoise Remarck, la Ministre de la culture et de la Francophonie de Côte d’Ivoire. Il faut donc adapter les formations et les financement de nos cultures pour qu’ils répondent aux besoins des nouveaux formats et outils de diffusion qui changent à une vitesse rapide. Il faut qu’on utilise, pour les produits culturels qui naissent en Afrique, leur dimension internationale et qu’on s’habitue à penser au marché international comme à notre débouché naturel. Et cela est possible quand on connaît la situation des autres marchés, quand on connaît aussi les acteurs dans le reste du monde de cette mutation économique dont on ne voit encore que les prémices. Adaptabilité, agilité, compréhension réciproque et enjeux partagés : le Club Nouveaux Mondes est depuis la première heure au coeur du combat numérique.
La Coupe du Monde qui aura lieu dans un mois est déjà l’objet d’intenses relations entre l’Afrique et l’Europe. Est-ce que vous allez proposer quelque chose de particulier pour cet événement ?
Nous nous concentrons sur ce qui pourrait être proposé pour la CAN en matière de rayonnement culturel au service de l’humour ivoirien, voire africain, puisqu’Abidjan est la plaque tournante de l’humour ouest-africain.
D’un côté nous aurons le rassemblement des sportifs de tous le continent, mais à côté, dans le versant culturel de la CAN, nous devons faire en sorte que les humoristes aient leur place. Pour une compétition aussi fraternelle et pacifique que possible : une rencontre pour rire.