Entretien avec Luc Armel Mady Ngouo, JRI pour HEMISPHERE MEDIA AFRICA

Pouvez-vous nous présenter votre métier ? 

J’ai commencé mon parcours professionnel en 2016 chez « Maline production », une société de production audiovisuelle basée dans la ville de Douala, en tant qu’assistant-réalisateur aux côtés du promoteur et réalisateur franco-centrafricain Guy Thierry Alima. Cette entreprise était spécialisée dans la production de films institutionnels, de spots publicitaires en multi caméra via ATM Blackmagic 4K. Il existait enfin un volet location de plateau de tournage destiné aux productions externes.

En 2017 j’ai intégré une maison de production audiovisuelle spécialisée dans la production cinématographique de court et long métrage du nom de « Cordia prod ». J’officiais en tant que cameraman/monteur et assistant réalisateur dans cette entreprise. Cela m’a permis de me former au processus de création de films de fictions, de documentaires ou encore de séries télévisées.

En juin 2019, nouvelle aventure, cette fois avec « Hémisphère Média Africa » comme journaliste reporter d’image. Notre mission : la production de contenus audiovisuels journalistiques ( reportages news, magazines, directs…) afin d’alimenter les éditions de médias internationaux  tels que Tf1, Arte, France 24, France 2, TV5Monde, Canal +…sur l’ensemble du continent!

Mon amour pour l’image remonte à mes années de lycée. J’avais un appareil photo dont je me servais beaucoup. Plus tard j’ai opté pour une formation professionnelle qualifiante en montage et réalisation à l’institut universitaire Isem-ibcg de Douala au Cameroun. Dans cet établissement j’ai appris les bases du montage et de la réalisation. Cela m’a permis d’acquérir ou d’améliorer rapidement mes compétences en la matière. Mais je suis une personne curieuse et autodidacte. J’ai également beaucoup appris grâce internet, en regardant des tutoriels.

Quelles sont vos principales missions ? 

En tant que journaliste reporter d’images, je travaille au sein d’une rédaction avec des journalistes. Nous proposons des idées de reportage d’actualité ou de magazines pour nos diffuseurs. Une fois l’idée proposée, nous devons la faire valider par nos coordinateurs éditoriaux qui les proposeront aux différentes chaines de télévision. Après leur ultime accord, nous enclenchons le processus de tournage. Nous préparons notre venue sur le terrain avec nos interlocuteurs.

Une fois sur le terrain mon rôle consiste à faire de la captation d’images, aérienne et terrestre pour raconter au mieux les histoires que vous verrez sur votre petit écran, et ce, en proposant le maximum d’idées de plans au journaliste avec lequel je fais équipe. Le tournage terminé nous retournons au bureau et immédiatement, on se met à la post-production. Le montage peut alors commencer. Nous devons tenir en tenant compte de délais de fabrication parfois assez courts. Lorsque le sujet est monté puis validé par nos responsables éditoriaux, nous procédons à l’envoi du « Prêt à diffuser » (PAD) à nos diffuseurs.

Quels sont les enjeux de votre métier ? Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous devez faire face au quotidien ?

Les enjeux sont énormes d’autant plus que nous faisons un travail quotidien d’information de masse via nos diffuseurs comme France 24 ou TV5 Monde dont nous avons en charge la correspondance au Cameroun. Dans nos pays, ces médias sont parfois mal perçus par les populations ou les autorités, car accusées de servir les intérêts de la France. A chaque diffusion il nous faut faire très attention de bien collecter, vérifier, analyser scrupuleusement les informations fournies par nos sources. Parfois les sujets sont très sensibles et un reportage peut avoir d’importantes conséquences sur les acteurs que nous mettons en lumière.

En ce qui concerne les difficultés, il y en a plusieurs. Par exemple, le fait de travailler essentiellement pour des chaines françaises en Afrique. La portée de nos reportages ayant une résonance internationale, il arrive qu’il nous soit interdit de tourner par les autorités en fonction de la complexité et de la sensibilité de certains sujets. Autre difficulté, certaines des personnes que nous souhaitons mettre en avant de nos reportages, et qui parfois détiennent des informations capitales, ont peur des représailles en fonction de la nature du sujet. Ces personnes refusent de parler face caméra ou que nous les suivions pour raconter leurs histoires.

Depuis vos débuts, quelles grandes évolutions a connu le métier de « JRI » au Cameroun ?

Le métier de journaliste reporter d’image au Cameroun reste encore mal connu, et je dirais que c’est « Hémisphère Media Africa » qui innove dans ce domaine. Dans notre société il existe un exigeant processus de production qui nous permet de délivrer des productions aux standards internationaux. L’expérience de nos responsables, en l’occurrence M. Patrick Fandio, le directeur général de l’entreprise, nous permet d’évoluer. Les médias locaux n’ont pas les mêmes exigences techniques et éditoriales que nous. Les productions faites au Cameroun lorsqu’on fait un tour d’horizon rapide, laissent encore a désirer. Mais je crois qu’en s’inspirant de sociétés comme nous, les médias locaux pourront aussi améliorer la qualité de leurs contenus.

Qu’est-ce qui vous passionne dans votre métier ?

Ce qui me passionne dans mon métier c’est l’imprévu et l’aventure !  Mais aussi le contact avec les gens que l’on rencontre car nous allons à la source de l’information quel que soit l’endroit où elle se trouve. Sur le terrain on ne sait jamais à quoi s’attendre mais nous avons des objectifs clairs…nous devons terminer chaque tournage avec ce qui pourra nous permettre de monter et de diffuser un bon sujet. Jusqu’ici nous avons toujours tenu ces objectifs.

Une anecdote ? le jour où pour la première fois, j’ai enfilé un gilet pare-balle, un casque et des lunettes antibalistiques. Nous partions en tournage dans les régions anglophones du nord-ouest et du sud-ouest du Cameroun. Sur place se déroule une guerre depuis plusieurs années. Sur la route, au passage de notre convoi sous escorte militaire, on se faisait tirer dessus par des rebelles anglophones. Ce jour-là j’ai eu la peur de ma vie !

Un conseil ? je dirais qu’il faut être passionné par son travail, car celui-ci est très chronophage.