Entretien avec Juan Pirlot de Corbion, fondateur de YOUSCRIBE

Quand avez-vous créé YouScribe ?

YouScribe est né fin 2010, début 2011. Après avoir travaillé quelque temps dans l’édition et dans le e-commerce, je souhaitais rester dans l’univers de lecture et créer une plateforme numérique, un modèle de « bibliothèque » en streaming. YouScribe avait pour ambition d’être une bibliothèque en streaming accessible en France, via un modèle d’abonnement. Cette vision initiale a été maintenue mais, par la suite, beaucoup évolué.

 Pouvez-vous nous décrire vos activités ?

 YouScribe est une bibliothèque numérique ouverte, sur le modèle de Youtube, dans laquelle on peut publier ses propres ouvrages pour pouvoir constituer un catalogue à côté des publications des éditeurs.

Nous avons commencé à recruter des abonnés, progressivement, d’année en année. Notre principale difficulté résidait toutefois, dans la capacité à élargir notre catalogue à des éditeurs de plus en plus nombreux et avec des ouvrages récents. Fin 2016, nous nous sommes posé la question que se posent beaucoup de startups : comment passer à un niveau de croissance plus rapide, plus important et plus intéressant.

 

Quelle est votre stratégie de développement en Afrique ?

S’il existe une offre extraordinaire en France, avec 20 000 librairies, des grandes surfaces spécialisées, des acteurs du numérique, des bibliothèques en grand nombre (une bibliothèque pour 7000 habitants en moyenne), il n’en est pas de même sur le continent africain. Nous avons donc décidé de repenser notre modèle pour faciliter l’accès à la lecture en Afrique où on compte en moyenne une bibliothèque pour un million d’habitants.

C’est donc en 2017 que nous avons choisi de prendre un ce virage :orienter la quasi-totalité de notre développement vers les pays d’Afrique francophone. Nous restons très présents en France mais YouScribe est le plus utile dans des pays où il n’y ni librairie ni bibliothèque et où il existe une grande demande d’accès aux ouvrages dans le secteur de l’éducation et celui des loisirs.

Quel en est le modèle ?

Nous avons déployé deux modèles : un modèle B2C où nous vendons des accès à des particuliers et des modèles B2B à travers lequel nous vendons des accès à des entreprises. Pour le particulier, nous proposons des abonnements journaliers ou hebdomadaires (100 FCFA la journée et 500 FCFA la semaine) et pour le B2B (entreprises, écoles, partenaires), nous proposons des accès annuels.

Nous reversons 60% de nos revenus aux auteurs et ayants droits.

Nous avons conclu un partenariat avec l’Organisation Internationale de la Francophonie début 2019 ainsi qu’avec d’autres marqueurs de référence qui nous ont confortés dans le fait que nos marchés sur le continent étaient bien le cap qu’il fallait suivre.

Quelles ont été les principales difficultés auxquelles vous avez dû faire face ?

Pour réussir le B2C nous avons dû régler deux sujets décisifs : comment avoir accès à un très grand nombre de particuliers à un coût abordable pour les populations ? Pour cela nous avons la chance de nouer un partenariat stratégique avec le Groupe Orange (la division Orange Content). Ce contrat nous a permis de lancer le service « YouScribe proposé par Orange » dans 4 pays où l’opérateur est implanté avec des filiales mobilisées sur l’intérêt de favoriser l’accès à la lecture.

Deuxième enjeu : le paiement. Pour cela, nous avons noué un partenariat essentiel avec la société Digital Virgo, société française leader dans le domaine du paiement mobile et du marketing digital, et spécialisée en particulier dans le développement du mobile money sur le continent africain. Grâce à cela, nous proposons un paiement de nos abonnements directement par téléphone.

Nous avons commencé par le Sénégal en juillet 2019, puis la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le Burkina Faso et nous envisageons de nous développer dans 3-4 autres pays avec Orange et Digital Virgo au cours des prochains mois.

Le contenu local est un enjeu sur le continent africain. Comment avez-vous choisi de le prendre en compte ?

Nous avons dû rapidement faire à cet enjeu. Nous nous sommes donc empressés d’enrichir notre catalogue de contenus locaux. Nous comptabilisons aujourd’hui plus d’un million de références : livres issus d’éditeurs, titres de presse, livres audio, BD ainsi que des livres pédagogiques.

Nous enrichissons donc régulièrement notre catalogue d’ouvrages d’éditeurs africains, de titres de presse des différents pays et nous produisons également en propre, notamment pour les livres audio racontés par des Africains.

Pour le B2B, des acteurs comme la Société Générale au Sénégal, Majorel au Maroc, nous ont commandé des accès annuels à nos services pour récompenser des étudiants qui ouvrent un compte bancaire ou des salariés pour favoriser la formation professionnelle. Nous avons également lancé une belle opération avec CANAL+ dans 24 pays d’Afrique au mois de mai 2020 pour apporter une solution simple et bienveillante de lecture aux populations en situation de confinement.

Combien d’abonnés comptabilisez-vous aujourd’hui ?

Concernant le nombre d’abonnés, nous avons commencé tout petit (quelques centaines) puis aujourd’hui nous comptabilisons 500 000 abonnés. Notre ambition est d’atteindre le million d’abonnés à la fin du mois de décembre 2020.