Entretien avec Honoré Essoh, fondateur de Studio 6

Honoré Essoh vient du monde des médias et plus précisément de la radio en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Il travaille depuis une dizaine d’années dans la production audiovisuelle. Il débute sa carrière en 2009, en collaboration avec le studio d’animation Afrikatoon. Mission pendant laquelle il est amené à écrire les scénarios des deux premiers longs métrages du studio. En 2014, il choisit de créer sa propre société de production d’animation, Studio 6.

Pouvez-vous nous présenter vos activités ?

Le Studio 6 est basé à Abidjan, à Yopougon. Quartier volontairement choisi car c’est là où j’ai commencé. Je suis très sensible au sujet de l’éducation et je souhaitais dès le début des activités, travailler avec des jeunes. Engagée depuis sa création dans l’éducation par le divertissement, Studio 6 produit du contenu pour la télévision, le cinéma et également du contenu institutionnel.

Quelles sont vos principales réalisations ?

En 2016, j’ai participé à un programme aux Etats-Unis qui m’a permis d’obtenir une bourse pour dispenser de la formation de jeunes en animation. Cela a permis d’initier une quinzaine de jeunes avec une expérience en dessin aux bases de notre métier et ce, pendant trois mois. Cela nous a permis notamment d’identifier certains talents.

Nous les avons intégrés à une équipe pour travailler sur un projet de série courte en prise de vue réelle, « Le Génie », une capsule humoristique diffusée sur A+ et Télésud.

A la suite de ce premier projet, nous avons travaillé sur un projet de long-métrage, « Génération décalée », initialement réalisé pour la télévision en co-production avec TSK Studio. Nous avions décidé de développer ce projet sur le modèle nigérian pour essayer de stimuler la création de contenu local et de concevoir des films en très peu de temps et avec très peu de moyens. Nous avons projeté le film en salle, au Majestic. C’était le premier film ivoirien projeté au cinéma mais cela n’a pas fonctionné malheureusement mais c’était tout de même une bonne expérience.

En 2016, nous avons développé notre propre projet d’animation, une série de 13 épisodes de 5 minutes : « Nubu et Yara » diffusée sur TV5Monde, Gulli Africa et distribuée par TRACE Content Distribution. Conçue sur un format de 13 épisodes de 5’.

Nous nous sommes ensuite lancés sur un autre projet plus complexe, « Bouyou », une série d’animation éducative de 26 épisodes de 7’ produite fin 2018 avec une diffusion en 2019 sur Tivi5 Monde. Nous avons également adapté Nuru et Yara en court-métrage pour la dernière édition du FESPACO qui récompensait pour la première fois la catégorie « animation ».

Que représente le secteur de l’animation aujourd’hui en Afrique subsaharienne ?

J’ai choisi de me lancer dans l’animation car je suis père d’une petite fille. Je l’ai vue regarder certains films d’animation qui m’ont un peu dérangé. Le contenu ne représentait pas les réalités locales. C’est de ce constat que je me suis rendu compte qu’il y avait un réel manque en contenu d’animation.

Nous sommes contents de faire notre métier mais nous sommes aussi très réalistes sur la situation. Nos jeunes ne sont pas suffisamment formés et cela se ressent dans les productions face aux projets qui viennent des pays comme l’Afrique du Sud, Madagascar ou encore la Tunisie. 

 

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez au quotidien ?

La formation est la première difficulté. Il y a très peu de cursus en animation en Côte d’Ivoire. Il est donc difficile de rivaliser avec des pays comme l’Afrique du Sud, la Tunisie ou encore le Ghana qui compte un certain nombre d’écoles spécialisées en animation. Pour construire et développer au mieux une industrie, nous devons développer la formation. Pour développer l’animation, nous devons former plus de talents pour développer plus de projets. C’est de cette façon que nous pourrons professionnaliser le secteur.

Au-delà du manque de formation, le financement est un obstacle. Je me suis lancé dans l’aventure en sachant que, sans subvention, ce n’était pas rentable et tenable sur le long terme. Pour compenser, nous faisons de la production de films institutionnels en parallèle. L’écriture de scénario nous permet également de financer nos projets. La présence des chaines telles que Gulli Africa ou encore TV5Monde qui achète nos productions est également quelque chose de salutaire contrairement à ce que nous proposent les chaines locales.

Pour le moment, tous nos projets sont conçus sur le même niveau de production mais nous devons évoluer. Nous essayons de dégager de l’argent grâce aux films institutionnels pour pouvoir financer davantage la formation et la production.

L’un de nos prochains projets s’intitule « Nimba ». Un projet de série qui nous a permis de remporter une bourse de développement grâce au fonds dédié à la jeune création francophone.  Cette bourse nous permet de développer le projet en co-production avec l’Europe, permettant ainsi un transfert de compétences entre nos équipes pour un projet de meilleure qualité.

Aussi, les rares fonds qui existent sont essentiellement focalisés sur la production. C’est dommage car selon moi, ces fonds devraient également cibler la formation et couvrir d’autres problématiques du secteur. Sinon, nous restons dans un cercle vicieux : il faut de la formation à tous les échelons du métier.

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