Quel est votre parcours ? Quelles sont vos activités ?
Je ne connaissais rien au cinéma quand il a rencontré ma route. Je cherchais ma place entre la musique, l’écriture et la photo… J’avais réalisé quelques clips. J’étais sensible à « La culture », dans ce qu’elle apporte à chacun et particulièrement à nos communautés à l’identité morcelée.
A 20 ans, j’ai rencontré une productrice inspirante, qui m’a transmis sa passion et ses connaissances.
En 2018, je me suis installée en Côte d’Ivoire. Je mets depuis mon engagement et mes compétences essentiellement au profit de projets du continent. Je fais beaucoup de direction de production, mais je suis également scénariste, productrice, et réalisatrice.
Quels sont les grands projets sur lesquels vous avez travaillé ?
J’ai travaillé sur de nombreux longs métrages et séries. J’aurais du mal à les classifier. A Abidjan, on me connait surtout pour les séries MTV SHUGA et SKY GIRLS, mais j’ai aussi travaillé sur les productions exécutives locales des longs français et belges SEULES LES BETES de Dominik Moll, MON KET de François Damiens. J’ai aussi fait partie de l’équipe mise en scène de la série Canal+ MAMY WATA.
Pouvez-vous nous présenter votre métier de directrice de production ?
La direction de production consiste à définir un cadre solide et confortable pour que les désirs des réalisateurs et de la production puissent prendre forme dans les contraintes matérielles liées au projet. Nous sommes responsables financièrement et légalement de la bonne exécution du projet. Il faut connaitre chaque aspect de la fabrication d’un film, être à l’écoute des demandes de chacun pour prendre les meilleures dispositions humaines et financières qui permettront de mener le projet à son meilleur.
Je pense que les clés de ce métier sont la curiosité, l’écoute, l’empathie, la fermeté et la précision.
Comment vous êtes-vous formée à ce métier ? Avez-vous appris sur le terrain ?
Comme beaucoup, j’ai appris sur le terrain. On dit que la chance c’est quand la préparation rencontre l’opportunité. J’ai saisi la mienne. On m’avait proposé un petit job, je devais faire des photocopies et trier des papiers. Je détestais l’administratif mais j’adorais tout ce que je voyais et j’entendais dans ces bureaux où l’humain et l’art étaient au centre de toutes les préoccupations. J’ai voulu tout explorer, tout apprendre. Ce qui est merveilleux avec nos métiers c’est qu’on en fait jamais le tour, on a toujours de nouveaux défis, de nouveaux rêves à réaliser. Je continue depuis d’apprendre un peu chaque jour.
Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous devez faire face au quotidien ? Les plus grandes satisfactions ?
En choisissant la production de cinéma, on ne choisit pas un métier, on choisit un mode de vie, accaparant, possessif et jaloux. Il ne laisse pas beaucoup de place pour la vie personnelle et familiale. Nous avons des amplitudes horaires hors du commun et nous ne sommes jamais vraiment en vacances.
C’est un métier d’Alchimiste, d’Équilibriste. Il s’agit toujours de trouver la balance entre les différentes priorités. Art et Argent. Humain et Matériel. Rigueur et Souplesse. Intransigeance et Sensibilité.
C’est beaucoup de responsabilités, beaucoup d’abnégation et de travail pour une reconnaissance discrète.
Aussi, chaque projet est une mission et parfois les choses ne s’enchainent pas comme nous voudrions et nous n’avons pas d’entrées financières fixes.
En contrepartie, nous vivons des aventures passionnantes, faites d’art, de rencontres, de voyages…
Mais avec le temps, nos collègues deviennent notre famille et chaque projet abouti est un challenge relevé que nous portons comme une victoire collective et personnelle.
Depuis vos débuts sur le continent, comment voyez-vous votre métier évoluer ?
Depuis quelques temps, je développe plus de projets que j’en tourne. J’ai appris le cinéma avec des professionnels très exigeants et j’essaie de maintenir cette exigence dans mon travail pour proposer des contenus qualitatifs, qui peuvent être regardés n’importe où sans qu’on se fasse la réflexion : « C’est du low cost » ou « Les africains ont encore du chemin ». Aujourd’hui encore il est difficile de monter des projets ambitieux dans de bonnes conditions, mais nous nous battons pour ça !
C’est frustrant de voir tous les talents et toutes les histoires que nous avons à raconter se confronter à nos réalités financières. Le secteur est en pleine expansion, mais la quantité est favorisée sur la qualité et nous ne sommes pas toujours gagnants au change. Mais on se débrouille un peu.