Entretien avec Karine Barclais, fondatrice du Pavillon Afriques du Festival de Cannes

Propos recueillis à CANNES par notre correspondant Edouard CHAR

Karine Barclais est la fondatrice du Pavillon Afriques du Festival de Cannes  plateforme de promotion du cinéma d’Afrique et de sa diaspora qui fête sa 5ème édition

Elle a lancé  cette initiative en 2019 au travers  de sa société d’événementiel et de développement d’affaires immatriculée au TOGO et a accepté de faire pour ADWEKNOW un bilan de cette 5ème édition

Grâce à votre Pavillon Afriques, le festival de Cannes est depuis quelques années un nouveau rendez-vous pour les professionnels africains. Qu’est-ce qui vous a amené à créer ce pavillon?

C’est juste le pur hasard parce que je n’étais pas du tout dans le domaine du cinéma, il y a cinq ans je n’y connaissais absolument rien et j’ai fait cette première édition grâce à un concours de circonstances et puis après je me suis laissée prendre au jeu parce que j’ai vu le besoin qu’il y avait, l’enthousiasme que ça a suscité du premier coup et je me suis dit qu’il y avait vraiment quelque chose à faire, il y a des gens à aider, il y a matière … et voilà nous en sommes à notre cinquième édition maintenant.

Vous me disiez que l’année dernière vous aviez eu près de 3000 participants sur le pavillon, ça me semble extraordinaire et cette année vous avez fait encore mieux, comment vous caractériseriez cette édition?

On a fait un peu mieux cette année. Cela inclus les personnes qui nous suivent sur les réseaux sociaux, sur notre plateforme mais on a eu un peu plus de monde parce qu’en fait il y a beaucoup de personnes qui reviennent, ça veut dire qu’ils y trouvent leur compte parce c’est un vrai investissement de rester quelques jours à Cannes. 

Donc s’ils viennent, s’ils reviennent ça veut dire qu’ils y trouvent leur compte. Ensuite ils en parlent beaucoup à leurs amis donc il y a des gens qui viennent en délégation, ceux qui montrent leur film ici par exemple, ils invitent leurs amis, ils viennent avec l’équipe du film, ils viennent avec l’encadrement du film donc tout de suite il y a le nombre qui grandit, d’autant plus que cette année on a fait beaucoup plus de films que d’habitude.

Donc vous présentez à la fois des films et en même temps vous organisez un cycle de conférences, ce cycle de conférences vous l’établissez comment ?

Et bien !  je suis la seule à décider donc c’est parfait, personne ne conteste mes choix.

En fait je consulte beaucoup, je parle beaucoup aux cinéastes et je leur demande ce dont ils ont besoin et je fais le programme en fonction de ça. Le ministère des affaires étrangères est intervenu à deux reprises, une fois via l’ambassade de France au Sénégal qui a fait la présentation d’un nouveau programme pour aider les cinéastes, ensuite via l’envoyé spécial pour les diasporas Catherine Georges-Joseph et donc là on a des choses assez pointues. L’OIF  est également intervenu sur les fonds, cela fait trois/quatre ans qu’ils interviennent chez nous. Nous avons eu également des présentations sur l’intelligence artificielle avec une masterclass sur le sujet, une autre sur la façon dont on peut aider les femmes,

Par ailleurs nous avons chaque année un événement sur la coproduction, cela dure toute une journée parce que nous souhaitons vraiment faire grandir le nombre de coproductions entre les cinéastes africains, les cinéastes américains, les cinéastes des Antilles aussi peut-être. Nous avons également un panel sur la distributio et un autre sur le financement.

En un an la situation de la France en Afrique a beaucoup évolué, est-ce que cela a affecté votre activité?

Non, je me contente de faire ce que je sais faire, c’est à dire mettre des gens ensemble, ça je l’ai toujours fait toute ma vie, mais derrière quand même il y a le fait de vouloir que l’Afrique se développe et qu’elle puisse être maître de ses ressources. Les ressources minières ont été accaparées par d’autres pays, il ne faudrait pas que ce soit la même chose avec la culture, parce que ça en prenait le chemin. La culture c’est une richesse comme n’importe quelle autre richesse et il faut absolument que les gouvernements s’en rendent compte et qu’ils protègent cette culture comme nous même nous le faisons en France.

J’admire vraiment le modèle français de protection de sa culture pour ça.

Beaucoup d’acteurs, de producteurs, de professionnels afro-américains  viennent au Pavillon Afrique, ce n’est sûrement pas par hasard, comment analysez-vous cette situation ?

Je crois tout simplement qu’ils se sentent bien chez nous parce qu’il y a une vraie envie d’Afrique chez eux, ils ont envie de retourner vers leur continent-mère, ils ont envie de travailler avec l’Afrique. Il y avait par exemple Angela White qui a projeté son film Nine, c’est un thriller surnaturel avec Chris Attoh qui est très connu au Ghana, qui est ghanéen mais qui vit maintenant à LA.

Il y eu aussi une actrice américaine qui nous racontait que la première fois qu’elle devait aller en Afrique, son agent lui a dit surtout n’y va pas : c’est mal payé et en plus il faut faire des vaccins et elle a dit voilà j’y vais et c’est ce film qu’elle a fait en Afrique qui l’emmène à Cannes. Juste après la projection une productrice dans l’auditoire lui a dit « je vous vois bien dans mon prochain film ». C’est une productrice italienne donc peut-être qu’elle va tourner un film en Italie donc voilà le genre d’histoires que j’aime et que j’aime initier.

Vous offrez donc des opportunités aux cinéastes africains qui viennent ici aussi chercher des contrats, des supports et de l’aide ?

Voilà c’est vraiment ça, on dit souvent que la meilleure chose qu’offre le Pavillon Afriques c’est le networking, un networking d’un niveau incroyable.

Ce matin il y avait le directeur adjoint à la culture de l’UNESCO qui était là et il y a quelqu’un dans l’auditoire qui lui dit  « ça fait du bien de vous voir de si près parce que souvent vous êtes tout là-bas on ne peut pas vraiment vous parler et maintenant vous êtes là »  et ils lui ont du coup déversé tout ce qu’ils avaient sur le cœur par rapport à la manière de travailler de l’UNESCO et c’est ce qui est absolument incroyable.

L’année dernière il y avait une américaine qui disait que les financiers américains qui étaient là chez nous, jamais elle n’aurait pu les croiser aux Etats-Unis, elle n’aurait pu avoir affaire qu’à leur assistant/secrétaire mais chez nous ils sont accessibles et en train de parler à tout le monde.

Au regard de la situation dans différents pays africains, diriez-vous que vous restez plutôt optimiste pour le développement du cinéma en Afrique ?

Je crois que le cinéma va continuer à se développer et ceci quelle que soit la situation politique. C’est vraiment indépendant de la situation politique dans le sens où des artistes qui ont quelque chose à dire vont le dire de toute façon, quelles que soient les circonstances, même si les politiques peuvent aider les cinéastes à travailler dans de meilleures conditions. Mais justement pendant cette masterclass sur l’intelligence économique, notre intervenant disait qu’il fallait créer avec les réalités de son milieu. Selon lui en Afrique, les gens sont beaucoup plus avancés sur certains points : il faut juste arrêter de vouloir recopier le modèle occidental.

Et je crois que si on a plus de personnes qui disent ça, on va arriver à quelque chose.