Entretien avec Ibrahima Ndongo, concepteur-rédacteur au sein de l’agence Caractère

Pouvez-vous nous présenter votre métier ?

Je suis concepteur-rédacteur pour la publicité. Ce métier, communément appelé avec ses initiales CR, fait partie des métiers créatifs de la communication. Je l’exerce depuis quelques années dans une agence-conseil en communication. D’une manière simple, le concepteur-rédacteur est surnommé en général « Monsieur Mots » parce qu’il a en charge la partie rédactionnelle d’une campagne de communication. Cela ne rend pas forcément justice à ce métier parce que dans les faits, en plus de cette partie rédactionnelle, je m’occupe en amont de la partie conceptuelle des campagnes en posant des concepts et idées qui seront les bases créatives du travail qui sera fait afin de traduire concrètement les orientations stratégiques de la communication.

Quelles sont vos principales missions ?

Le concepteur-rédacteur participe à l’élaboration de la partie créative des campagnes de publicité. Pour chaque campagne, les créatifs reçoivent un « brief créa » qui est un condensé des orientations stratégiques de la campagne et qui résume simplement ce qui doit être dit et sur quels supports. A partir de là, leur rôle est de trouver le « comment » pour maximiser l’impact du discours auprès de la cible, le rendre facile à comprendre tout en trouvant l’approche la plus originale possible pour la diffuser.

Les créatifs travaillent alors en équipe avec plusieurs métiers parmi lesquels le concepteur-rédacteur. Ce travail commence par une réflexion globale à travers un brainstorming sur la base du quel le CR a en charge de poser les concepts et idées qui seront développés. Tout le travail fait dans une campagne de publicité est le fruit d’une collaboration entre plusieurs métiers mais d’une manière spécifique, le CR a pour mission de développer la partie rédactionnelle des supports de communication à proposer. Cela se traduit en général par la proposition d’un ou de plusieurs messages de campagne (accroche ou signature de marque) résumant en un bout de phrase l’idée des concepts, l’élaboration et l’écriture des synopsis de spots publicitaires télé et radio, la rédaction des annonces-presses et plaquettes commerciales, la rédaction des posts de publication dans le cas d’une communication digitale. En résumé, le CR gère toute l’écriture de la campagne.

Quelles sont les compétences à développer pour ce métier ?

L’attribut principal du CR, tout comme de tous les métiers qui participent à l’élaboration d’une campagne de publicité, est la créativité. Le CR doit être en mesure de développer des concepts et idées originaux et surprenants dans le bons sens du terme. Cette créativité et une réelle capacité à se renouveler à chaque campagne et pour chaque marque lui sont indispensables pour un traitement adéquat de toute sa charge de travail.

Au-delà de ce point, la compétence indispensable d’un CR est de pouvoir jouer avec les mots et d’avoir une bonne maîtrise de la langue de communication dans laquelle il doit s’exprimer. Cette capacité est incontournable dans ce métier étant donné qu’elle constitue le socle de tout le travail que le CR doit produire. Sans pour autant avoir le niveau d’un académicien, il doit avoir le sens de la formule et être capable de rédiger ses textes sans faire de fautes.

Quel parcours académique ou non académique avez-vous suivi pour y arriver ?

Après l’obtention de mon baccalauréat en série scientifique, j’ai poursuivi des études en Économie à l’université où j’ai eu une Licence en Analyse et Politique économique avant de faire un Master en Commerce et management des affaires internationales. Cependant, ayant toujours été attiré par des métiers créatifs, notamment ceux du cinéma dont je suis un grand fan, j’ai fait de sorte de me réorienter vers ce genre de métier pour pouvoir évoluer dans un domaine qui me passionnerait et me correspondrait plus. C’est là que je me suis mis, parallèlement à mon cours de Marketing en Master, à faire des recherches dans le domaine de la publicité. Dès que j’ai trouvé le métier de concepteur-rédacteur et que j’ai lu sa description, je me suis immédiatement projeté dedans parce qu’il me correspondait bien.

A partir de là, j’ai postulé dans des agences de communication ce qui m’a permis de décrocher un stage, faire mes preuves, apprendre les rouages du métier et devenir concepteur-rédacteur à part entière.

En somme, j’ai été formé sur le tas comme la plupart des personnes appartenant à ce corps. De manière large, il n’y a pas de formation académique spécifique pour devenir CR. Il suffit d’avoir les pré-requis, de la volonté et le reste vient avec de la pratique.

Travaillez-vous avec une équipe ? Collaborez-vous avec d’autres départements ?

Le CR travaille au sein d’un studio créatif composé en général de lui, d’un Directeur de création qui établit les bases créatives de chaque campagne et d’un Directeur Artistique qui est en charge de la partie visuelle, graphique et esthétique de la campagne. Ce studio créa peut être plus large selon la taille des structures pour aussi intégrer un animateur, un directeur de production et d’autres métiers créatifs selon les besoins et les ambitions de chaque campagne.

À défaut de pouvoir réunir toute cette équipe, le CR travaille au minimum avec un Directeur artistique ou un graphiste, sans le quel le travail du CR ne peut être concrétisé. Le tandem CR / Directeur artistique (graphiste) est un incontournable de la publicité.

Au-delà, le CR collabore avec les départements stratégiques, commerciaux et digitaux dans une parfaite synergie afin de délivrer un travail cohérent avec les orientations fixées en amont, conforme aux attentes des clients et adapté à tous les supports pour toucher toutes les cibles.

Quels sont les meilleurs aspects de votre activité ? Les principales difficultés ?

Ce que j’aime le plus dans mon travail c’est le fait de devoir me renouveler à chaque campagne et pour chaque marque. Chaque brief reçu représente un nouveau challenge parce qu’il faut à chaque fois trouver une manière nouvelle et originale de dire les choses. Cela permet d’exprimer ma créativité et de repousser mes limites afin de répondre aux attentes. Il n’y a pas de routine dans ce métier ou on peut dire que la routine, c’est le nouveau.

Cet aspect du métier de CR vient avec sa principale difficulté, celle du stress de la page blanche. En effet, il n’est pas facile de se renouveler chaque jour et pour chaque demande. Aussi, le fait de devoir toucher et faire agir une cible dont on ne peut jamais maîtriser totalement la perception et les attentes font qu’il y a une part d’incertitude dans mon travail qui, même après trouvé des idées dont je suis satisfait, fait planer un certain trac tant que la campagne n’est pas sortie et son appréciation par la cible confirmée.

Ces difficultés font malgré tout le charme de ce métier et le rendent exaltant et motivant avec des défis à relever chaque jour.

Auriez-vous une anecdote à nous raconter ?

Quand j’ai commencé à travailler, sur une campagne pour une marque de téléphonie mobile, j’ai été confronté à un dilemme qui a été difficile à résoudre. En effet, j’avais voulu utiliser une expression populaire en Wolof comme message de campagne. Le problème était que cette expression était en général utilisée dans le langage parlé et dans les médias mais une fois écrite avec la bonne orthographe en Wolof, il y avait une partie difficile à lire et à décoder pour le commun des sénégalais vu que cette langue est la plus parlée dans le pays mais très peu de personnes savent bien l’écrire et encore moins la lire. Donc j’avais dû finalement réécrire le mot pour le rendre plus lisible mais en ayant un pincement au cœur parce qu’étant conscient qu’avec ce choix je ne participais pas à mettre en valeur cette langue locale.

J’aime bien citer cet exemple et me le rappeler parce qu’il montre bien qu’il y a encore un gros travail de réflexion et de pédagogie à faire dans le milieu de la communication au Sénégal afin d’être plus efficace dans nos prises de parole et mieux maîtriser les impacts de chacun de nos choix.