Doublage et sous titrage: l’intelligence artificielle, menace ou opportunité pour l’Afrique ?

La circulation des œuvres audiovisuelles et cinématographiques quel que soient leurs pays de production, est basée sur le fait qu’elles puissent être comprises par les publics auxquels elles sont destinées. Pour cela les sociétés de distribution de programmes utilisent 2 outils indispensables pour faciliter l’accessibilité des programmes : le sous-titrage qui consiste à insérer les textes des dialogues de l’œuvre dans la langue du pays et le doublage qui consiste à remplacer la voix d’origine par une voix parlant la langue souhaitée. 

Le sous titrage présente l’avantage d’être relativement peu coûteux et facile à mettre oeuvre techniquement. Néanmoins il nécessite pour le téléspectateur un effort de lecture qui peut perturber le visionnage du programme. Il sous-entend également que les téléspectateurs savent lire. 

REDBEE département interne de la BBC jusqu’en 2005 et qui fait partie désormais du groupe Ericsson s’est spécialisée dans ce domaine depuis près de 20 ans, en surfant sur l’obligation imposée dans de nombreux pays de sous titrer tous les programmes y compris les programmes diffusé en direct. De très nombreux outils ont ainsi été créés et améliorés au fil du temps par les ancêtres de l’intelligence artificielle

Celle-ci permettra dans un avenir proche de gravir une marche de plus en étant également capable de modifier ou reproduire des voix et permettre de doubler des programmes sans l’intervention de comédiens. 

Des start-ups comme Eleven labs, Resemble AI ou Respeecher travaillent par exemple, sur la possibilité de faire parler un acteur dans n’importe quelle langue avec synchronisation des lèvres et visent ainsi le marché du doublage au Cinéma et dans l’Audiovisuel

En Europe, le doublage est une industrie importante qui fait vivre de nombreux comédiens  souvent spécialisés dans ce domaine.

Cette avancée technologique menace l’activité de ces comédiens qui pourraient se retrouver au chômage à cause de ces nouveaux outils. De plus la question des droits d’utilisation de ces technologies qui s’appuient sur la voix des acteurs même du film doit être discutée.

Une réglementation européenne est déjà en cours de discussion sous la pression des associations de comédiens.

En Afrique , cet apport technologique peut bouleverser tout le secteur audiovisuel : l’Afrique est riche de centaines de langues et 50 d’entre elles sont parlées par plus de 1 million de locuteurs.

Les programmes en langues locales sont rares mais quand ils existent, ils font le succès des chaines qui les diffusent car ils correspondent aux attentes des téléspectateurs : MARODI TV a bâti son énorme succès au Sénégal sur des productions en Wolof, CANAL+ lance depuis 4 ans chaque année une nouvelle chaine en langue locale…

Pour une chaine de télévision ou un distributeur , être capable, pour un coût modique, de sous-titrer ou de doubler en plusieurs langues africaines un programme permettrait de lui donner un écho inédit, et d’augmenter son audience dans de fortes proportions en fidélisant des personnes qui ne savent pas lire ou d’autres plus à l’aise dans leur langue maternelle que dans les langues officielles. 

Comme pour toute avancée technologique, cela générera de nouvelles questions à la fois techniques, politiques ou même philosophiques : la langue est en effet  un instrument de communication mais c’est aussi un facteur d’identité culturelle et de cohésion sociale. 

Cette nouvelle possibilité contribuera -t-elle à lutter contre l’illettrisme ? favorisera-t-elle la cohésion sociale ou au contraire renforcera-t-elle chacun dans sa communauté ? …

L’avenir proche nous le dira car la technologie quant à elle, avance à grands pas. 

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