On ne présente plus Alain Gomis.
Acteur, scénariste, réalisateur, producteur …Il a fait l’objet de multiples distinctions entre autres au Fespaco en 2013 et en 2017 pour ses films Aujourd’hui et Félicité et au festival de Berlin pour le film Félicité (Ours d’Argent),
Il nous parle aujourd’hui de son nouveau défi : l’ouverture prochaine d’un pôle entièrement consacré au cinéma : le Centre Yennenga à DAKAR
Pouvez-vous nous présenter les activités du Centre Yennenga ?
En cours de construction, le Centre Yennenga est un projet de pôle culturel dédié au Cinéma. Ce projet est le fruit d’une année d’ateliers et d’activités organisés autour du cinéma. Ralentis par la crise du Covid-19, nous avons tout de même réussi à porter le projet et nous structurer. Aujourd’hui nous avons officiellement annoncé l’ouverture prochaine du Centre Yennenga, infrastructure de post-production de films et de formation à la post-production. Un projet soutenu par la Mairie de Dakar. Nous prévoyons une ouverture pour le mois de juillet et le début des formations pour le mois de septembre prochain.
Qu’est-ce qui a motivé le lancement d’une telle structure ? Quelles en sont les ambitions ?
Pendant plusieurs années, j’ai pu observer mes propres difficultés dans la fabrication des films et dans les relations de co-production avec l’Europe principalement. Beaucoup de jeunes manquaient de moyens sur le continent, ce qui les freinait beaucoup dans la réalisation de leur projet de film notamment au niveau de la formation.
Pour les films d’un certain budget, la post-production est souvent faite à l’international, en Europe ou au Canada et cela coûte cher. Nous souhaitions donc que cette activité de post-production puisse être faite sur le continent.
Notre volonté est d’offrir plus d’autonomie et d’indépendance éditoriale aux porteurs de projets cinématographiques sur le continent pour qu’émerge un cinéma plus local.
Comment se dérouleront les formations ?
Le premier cycle accueillera 25 étudiants sur une période de deux ans, pour une formation aux métiers de montage image, montage son, mixage et étalonnage. Nous choisirons des candidats qui se sont formés seuls, qui ont suivi une formation ou qui ont exercé dans le milieu.
Au-delà des formations, quelles seront les activités du Centre Yennenga ?
Nous souhaitons donner une dimension « Ciné-club » au Centre car au-delà du fait de faire des films, il faut aussi pouvoir les voir et en discuter. Nous mettrons également en place des activités de mentorat pour accompagner d’autres projets dans le domaine. Nous souhaitons également mettre en place des activités permettant de sensibiliser les publics au cinéma.
Ces dernières années, beaucoup de films ont été faits pour être amenés ailleurs mais le cinéma peut aussi rayonner localement avant de penser aux représentations à l’international.
En termes de financement … ? Pouvez-vous compter sur un soutien du gouvernement sénégalais ?
Au-delà du soutien de la mairie de Dakar, nous bénéficions d’une aide l’Etat à savoir une aide de la DER (Direction de l’Entreprenariat Rapide). Enfin, nous percevons également un financement de l’AFD qui nous permet de nous équiper et de financer les deux premières années de formation car celle-ci sera gratuite.
Le Sénégal est devenu un hub en matière d’audiovisuel, quel regard portez-vous sur cette dynamique ? Pouvez-vous présenter un état des lieux de la production cinématographique au Sénégal ?
Il se passe beaucoup de choses à Dakar en matière de cinéma. Quant à l’audiovisuel, notamment au regard de tous les projets de séries, la production sénégalaise est très dynamique.
Les sociétés de production locales nous inspirent dans la mesure où certaines ont réussi à trouver un modèle économique viable sur un circuit court avec des projets diffusés largement. Dans le cinéma, nous sommes sur des modes de production très coûteux et nous devons essayer de réduire ces coûts. Pendant un moment, nous nous sommes dit que le problème venait de l’exploitation puisque les salles de cinéma avaient peu à peu fermé leurs portes. Aujourd’hui, les salles obscures rouvrent mais n’ont pas de productions locales à montrer. Ensemble, nous devons donc trouver une plus grande adéquation de l’économie du cinéma avec son contexte.
Les salles de cinéma au Sénégal ont dû fermer pendant la période de crise sanitaire, elles devraient rouvrir prochainement. Au-delà de ce contexte inédit, les multiplexes qui se sont installés au Sénégal s’adressent à une petite partie de la population et qui plus est, à une petite partie de la population dakaroise. De par leur localisation et le prix des entrées, tout le monde ne peut avoir accès au cinéma. Il me parait important de repenser le modèle de l’exploitation. Ces initiatives participent certes au dynamisme mais à l’heure actuelle, le cinéma ne touche pas les publics des quartiers, des différentes villes, des différentes régions …