Entretien avec Olivier Marchetti, Directeur de Création de AG PARTNERS DAKAR

Rencontre avec le directeur de création de la campagne « Dajé, Ànd, Gagner ! » primée à plusieurs reprises pour son approche novatrice.

Depuis plus de 50 ans, l’Union européenne intervient au Sénégal. Avec la campagne « Dajé, Ànd, Gagner ! »  qui signifie se « rencontrer, collaborer et gagner »  l’UE a opéré avec l’agence AG Partners Dakar / Publicis une rupture majeure : nouvelle stratégie, nouveaux formats, nouveaux visages, et un ton résolument jeune.

Pour comprendre cette transformation, nous avons rencontré Olivier Marchetti, Directeur de Création qui revient – au nom de toute l’équipe d’AG Partners qui a travaillé sur le sujet – sur la genèse du projet, les choix artistiques, les défis stratégiques et les résultats inédits obtenus auprès du public sénégalais. 

Cette campagne récompensée par de très nombreux prix : African cristal festival, Pitcher festival, LUUM awards…, est à voir ici :

Qu’est-ce qui a motivé le lancement de cette campagne d’envergure ?

L’Union Européenne avait un vrai problème de visibilité. Dans un contexte où d’autres pays interviennent énormément au Sénégal, il devenait important pour elle de rappeler son rôle et ses actions.

C’est dans le cadre de la stratégie Global Gateway que la décision a été prise :
ne plus communiquer simplement projet par projet, et commencer à communiquer sur le partenariat de l’Union européenne elle-même, sur son action, sur sa vision.

Ce n’était pas la première fois qu’un contrat de communication était lancé, mais celui-ci avait une ambition beaucoup plus forte : toucher les jeunes, les 15–35 ans, qui sont la cible prioritaire.

Quels étaient les enjeux spécifiques au contexte sénégalais ?

Nous avons mené des études qualitatives et quantitatives très approfondies sur la perception de l’Union européenne. Ça a été le fondement sur lequel nous avons appuyé notre travail.

Beaucoup de jeunes associent l’Europe à la France, et la France à l’Europe. Avec la montée du sentiment anti-français ces dernières années, cette confusion avait des conséquences directes sur la perception de l’UE.
Nous devions donc ré-éclaircir tout ça : montrer ce qu’est réellement l’UE, ce qu’elle fait, et surtout en quoi c’est bénéfique pour les jeunes sénégalais.

Comment avez-vous construit la stratégie créative ?

Nous avons opéré une rupture totale de ton, à la fois sur la forme et sur le fond.
Nous avons proposé d’arrêter les messages du type : « L’Union européenne fait ceci, finance cela. »
À la place, nous sommes allés chercher des bénéficiaires réels, qui racontent eux-mêmes comment un projet soutenu par l’UE a changé leur vie.
Par exemple nous avons rencontré à Ziguinchor des jeunes formés à Dakar en informatique. Ils avaient un peu de mal à DAKAR comme beaucoup de jeunes diplômés, puis un projet de l’UE leur a permis de revenir en Casamance, de monter une exploitation agricole, de se former et de créer une nouvelle vie réellement épanouissante.
Aujourd’hui, ils gagnent plus qu’à Dakar et ils sont heureux dans leur village.

Ce sont ces histoires vraies que nous avons mises en avant.

Ce sont ces éléments qui ont été reconnus par les prix ?

Il y a deux niveaux : le fond et la forme 

La forme, c’est le ton, l’esthétique, la culture urbaine.

Pour la forme justement, nous avons travaillé avec Bilou XIV, un beatmaker très connu de la scène rap sénégalaise, et avec un peintre urbain très respecté, Tampidaro.
Nous avons créé quelque chose de très dynamique, très clippé, qui ne ressemble à aucune communication institutionnelle. C’est souvent cela qui a plu aux Jurys qui nous ont récompensés.

Et sur le fond quels résultats avez-vous obtenus ?

Le fond, c’est le choix des bénéficiaires réels, la sincérité, l’identification. 

Les résultats ont largement dépassé les objectifs. Pour notre campagne digitale, nous visions environ 25 millions d’impressions ; nous en avons obtenu 104 millions. Du jamais vu au Sénégal.
Nous avons également mené une enquête post-campagne avec KANTAR pour mesurer la perception, et là les résultats ont été spectaculaires :

Des taux d’engagement record, jusqu’à 26 %.

Une attention mesurée à 95 %*.

Une « bonne impression » de la campagne à 99 %*.

Une perception améliorée de l’UE auprès des jeunes (83 %*).

Quels médias avez-vous utilisé prioritairement ? 

Nous avons utilisé la télévision, mais le cœur de la stratégie était essentiellement digital et principalement les réseaux sociaux, parce que c’est là que sont les jeunes et que le Sénégal est la locomotive digitale de l’Afrique de l’Ouest.

Nous avons également travaillé avec deux influenceurs très populaires : Doudou et Faynara.
Ils sont allés à la rencontre des bénéficiaires, ont tourné des vlogs de 15 à 30 minutes, ont raconté leurs histoires en profondeur.
Cela a créé un dialogue authentique, loin du format publicitaire traditionnel.

Qu’est-ce qui a permis la mise en œuvre de ce projet très novateur ?

Une agence seule ne peut rien faire si le client ne suit pas.
Là, il y a eu une vraie symbiose avec l’équipe de la DUE. Ils avaient conscience des limites de leur communication traditionnelle et iIs étaient prêts à prendre des risques, à adopter une modernité et une rupture de ton qui effraie souvent les annonceurs.

Comme je l’ai dit, nous avons aussi mené beaucoup de tests en amont et en aval de la campagne: focus groups, pré-tests, post-tests…  et l’UE l’a accepté ce que nos clients du privé  qui ont les yeux fixés sur les ventes, hésitent parfois de financer, 

Cette campagne est-elle appelée à être reproduite ailleurs ?

Oui, c’est déjà devenu une best practice pour l’Union Européenne. L’objectif est de décliner ce modèle — pas les contenus, mais l’approche — dans d’autres pays où elle intervient.