Entretien avec Rodriguez Katsuva, co-fondateur de Congo Check

Rodriguez Katsuva est journaliste, formateur en fact checking, éditeur et co-fondateur du site Congo Check.

Pouvez-vous nous présenter vos activités ? 

Les activités de Congo Check relèvent principalement de la vérification de faits en République Démocratique du Congo mais nous étendons aussi nos activités à la République Centrafricaine. A l’horizon 2021 nous souhaitons nous développer dans cinq autres pays sur le continent. En parallèle, nous avons développé l’activité Congo Check Academy, un centre de spécialisation en journalisme. Nous offrons des formations de journalisme en continu à des professionnels sur des nouveaux outils de de production, de traitement et de diffusion de l’information. Enfin, nous lancerons prochainement notre propre radio d’information en continu.

 

Quand avez-vous lancé Congo Check ? Dans quel contexte ? Quelles étaient les motivations d’un tel projet ? 

Nous avons lancé Congo Check en 2017 en RDC, en pleine année électorale. Un contexte difficile car dans le pays, les élections sont émaillées par la manipulation de l’opinion publique et des hommes politiques. Ces périodes sont également des périodes très difficiles pour le pays puisque nous comptons beaucoup de massacres à l’arme blanche, beaucoup de morts au sein de la population, notamment dans la ville de Béni. De nombreuses fausses photos de ces massacres ont circulé à cette période : des photos prises dans d’autres pays avaient été utilisées pour illustrer la situation en RDC. Une façon de dissimuler la gravité des événements qui se déroulaient dans le pays. Enfin, beaucoup de médias internationaux qui sont les médias les plus suivis dans le pays, ont commis des erreurs dans le traitement de l’information en provenance de RDC. Nous voulions créer un média congolais, fait par des Congolais et pour les Congolais qui rétablit la vérité sur la situation réelle du pays.

 

Comment pilotez-vous le travail de vérification de faits ? Comment êtes-vous organisés ? Comment choisissez-vous les informations à vérifier ? 

Dans notre travail, nous nous concentrons principalement sur les informations diffusées sur le numérique. Nous avons ainsi développé plusieurs méthodes pour détecter les fausses informations :

  • Nous sommes aujourd’hui 23 journalistes, chargés de faire de la veille sur les médias traditionnels mais aussi sur les réseaux sociaux. Dès qu’une information qui semble fausse, est diffusée nous la partageons dans notre Newsroom virtuelle. Après approbation de la rédaction, nous confions à un journaliste plus « expert » du sujet traité, la mission de vérification de la véracité de l’information. Ensuite, nous diffusons et partageons massivement l’information vérifiée.
  • Nos lecteurs ainsi que nos communautés sur les réseaux sociaux peuvent également nous écrire pour attirer notre attention sur des fausses informations publiées sur le web.
  • Nous avons signé un contrat de partenariat il y a un an avec Facebook. Grâce à ce partenariat, Facebook nous envoie du contenu viral potentiellement faux que nous traitons ensuite.

Vous avez lancé Congo Check il y a deux ans, où êtes-vous aujourd’hui ? Votre équipe s’est-elle agrandit ? Votre lectorat est-il plus important ?

Nous étions trois journalistes à la création du média, aujourd’hui nous sommes 23. Nous avons également gagné en visibilité. Nous recevons plus de 14 000 visites par jour et nous sommes lus par des institutions publiques, la présidence, les ambassades … nous sommes largement sollicités pour notre travail même s’il est arrivé plusieurs fois de recevoir des menaces … La vérité dérange et il faut savoir que nos politiciens depuis la période électorale ont multiplié l’utilisation des Fake News pour s’attaquer à l’opposition. Les Fake News sont utilisées comme des armes dans une bataille d’opinion.

 

Collaborez-vous avec d’autres entités qui font également du fact checking  ?

Nous collaborons étroitement avec Africa Check, pionnier dans le domaine du fact checking en Afrique, qui nous a conseillé, dispensé des formations et qui nous a partagé de nombreuses opportunités.

 

Vous avez récemment remporté le Prix francophone de l’innovation dans les médias, qu’est-ce que cela représente ? 

Ce prix remis par l’Organisation Internationale de la Francophonie représente un accomplissement. Il s’agit d’une véritable reconnaissance de notre travail, de notre évolution et de tous les sacrifices que nous avons pu faire. Cela représente également un challenge : nous avons été choisis parmi tous les pays en compétition, nous nous devons de travailler dur pour redorer l’image des médias en République Démocratique du Congo. Ce prix permet également de renforcer notre autonomie. Nous n’avons jamais reçu d’aide du gouvernement et nous n’en voulons pas car nous souhaitons garder notre indépendance.

 

Quelles sont vos sources de financement ? 

L’intégralité de nos sources de revenus proviennent des cotisations des membres de Congo Check ainsi que des fonds propres injectés au lancement de l’activité. Nous avons par la suite développé des partenariats avec des entités qui n’ont aucune influence en RDC pour garder notre indépendance. Nous avons par exemple un partenariat avec Facebook pour qui nous vérifions des informations diffusées sur la plateforme.

 

Quelles sont vos ambitions pour la suite ? 

Nous souhaitons devenir l’agence de référence dans la vérification de faits en République Démocratique du Congo. Nous souhaitons également développer des partenariats entre la Congo Check Academy et des universités françaises pour « homologuer » nos formations et diplômes car nous souhaitons permettre à des jeunes professionnels qui n’ont pas suivi de formation académique de journalisme, de pouvoir faire ce métier.

L’information fiable peut sauver des vies, nous voulons donc continuer de sauver des vies dans les jours à venir.