Entretien avec Nathalie Bobineau, Directrice du développement international de France Télévisions

Merci de nous recevoir sur votre stand du MIP. Pourriez -vous, pour commencer nous décrire votre stratégie de développement sur l’Afrique francophone et éventuellement anglophone

Nous avons pour principe de ne jamais travailler de façon exclusive avec aucun opérateur et sur aucun territoire. La mission de France Télévisions est de mettre en œuvre le déploiement la plus large possible dans un cadre légal, organisé et prévu. On  ne s’interdit  pas de travailler avec quiconque souhaite distribuer les chaînes France Télévisions et bien entendu la reprise de nos chaînes ne peut se faire qu’à des conditions payantes.

Naturellement l’Afrique de l’Ouest et toute l’Afrique francophone est pour nous une terre d’accueil historique, mais nous avons aussi  depuis quelques années maintenant une présence forte en Afrique lusophone, en Angola et au Mozambique. La dernière terre à conquérir reste l’Afrique anglophone. Nous y sommes un peu présent à travers notre accord avec CANAL+, mais c’est vrai que nous aimerions  bien y intensifier notre  déploiement.

Peut-on dire que votre  business model c’est à la fois la vente en direct et des accords avec les opérateurs ?

Nous ne faisons jamais de vente directe. Nous nous appuyons toujours sur des opérateurs car nous sommes dans un principe de retransmission de notre signal. Nous ne faisons jamais de B to C mais exclusivement des accords de reprise avec des acteurs pan-territoriaux comme CANAL+ , Startimes, New world plus récemment  ou  des opérateurs locaux comme ZAP pour l’Angola ou TéléStar pour le Niger.

Et avec CANAL+ vous avez un seul deal ou bien un contrat pour chaque territoire ?

Nous avons un deal unique pour l’Afrique continentale et parallèlement nous avons un contrat supplémentaire pour Madagascar et Maurice et encore un autre contrat pour la présence les CaraÏbes et Haiti. Tous ces contrats sont pluri annuels et la collaboration avec CANAL+ se passe extrêmement bien car c’est un partenaire historique avec lequel on s’entend très bien.

Pouvez-vous nous donner une idée de l’initialisation et de l’audience de France Télévisions en Afrique ?

En ce qui concerne l’audience, ce sont des données difficiles à obtenir. Il y a quand même quelques sociétés d’études qui se sont installés sur le continent comme Kantar et qui  mesurent l’audience de la télévision mais avec des questionnaires en one to one. Pour notre part nous préférons travailler sur des informations  qui sont des cumuls d’abonnés, car les opérateurs ont obligation par contrat de nous déclarer mois par mois, le nombre d’abonnés, recevant nos chaines .

Cela nous permet sur tous les territoires de connaitre à peu près le volume de gens qui reçoivent la chaine et potentiellement nous regardent.

Sur le plan global,  sur les trois continents sur lesquels nous sommes présents- Europe Afrique et Moyen-Orient nous sommes présents dans une soixantaine de pays et nous cumulons 55 millions d’abonnés.

TV5Monde ou France 24 sont également présents à l’international et en Afrique en particulier. Est-ce que vous travaillez en coordination avec eux ?

Ce sont nos cousins donc nous avons une entente filiale qui est bien présente. Néanmoins,  chacun a une mission bien définie. En fait France 24 a une très bonne implantation locale en Afrique en matière d’information, TV5 diffuse un contenu généraliste qui reprend d’ailleurs une partie de nos programmes avec aussi une implantation historique. Et nous, nous sommes vraiment présent en expliquant qu’on propose de regarder la télévision comme si on était en France . Cela permet de fournir un accès au service public français à des conditions locales de marché. Comme je vous l’ai dit, quoi qu’il arrive notre obligation est d’être en payant car nous devons rémunérer les ayant droits pour notre expansion territoriale alors que France 24 sont des chaînes d’initatives internationales dont les droits sont entièrement libres pour le monde entier.

L’Afrique francophone traverse de nombreuses perturbations en ce moment. Est-ce que cela affecte votre activité ?

C’est effectivement un moment délicat de l’histoire mais ce qui est sur c’est que justement parce que nous restons  une offre généraliste et une offre de service public telle que proposée en France, nous avons une neutralité qui nous permet de continuer à être présent dans des pays où d’autres médias français se sont fait bousculer, voire sortir -provisoirement je l’espère-.

Ce qui est important aussi pour nous c’est de continuer à dire aux populations qui nous regarde depuis très longtemps que l’accès à la télévision et à l’offre de France Télévisions est permis et que c’est important et plutôt agréable de continuer à la regarder

 

Le fait que vous ne produisiez pas de contenu spécifiquement africain vous protège d’une certaine façon mais est-ce que par capillarité vous pourriez aussi être atteint par ce type de mesures ?

Ce n’est pas le cas mais cela pourrait arriver.  Je crois vraiment que dans la mesure où nous ne sommes  pas physiquement présent avec des bureaux sur le terrain, il y a comme une sorte de distance et un petit recul…. Et puis c’est touchant, mais quand  on se déplace dans cette zone-là de l’Afrique, les gens parlent encore d’Antenne 2 et de FR3. Il y a quelque chose de culturel et historique qui a créé un lien avec les populations d’Afrique de l’ouest

Par exemple les émissions religieuses du dimanche matin sont fondamentales pour beaucoup de monde.

Globalement quelle est la part de l’Afrique par rapport aux autres continents dans votre activité ?

Nous sommes vraiment en train de gagner du terrain : l’Afrique représente aujourd’hui un peu plus d’un tiers de notre activité.

Mais nous sommes contraint de rester dans un cadre juridique un petit peu restreint et nous pouvons évoluer qu’avec les usages , c’est la raison pour laquelle nous avons récemment imaginé un produit  souple qui accueille nos chaines et que nous avons appelé France Télé GO . Au départ nous l’avions imaginé avec 2 O, parce que on voulait  « garder l’œil ouvert »

C’est une application pour mobile managée par les opérateurs dans les pays que nous sommes en train de déployer. Nous avons démarré avec Orange Tunisie au mois de février dernier et nous poursuivons notre  approche des opérateurs pour qu’ils embarquent cette application dans les stores qu’ils gèrent eux même. Ensuite nous lançons l’offre auprès des abonnés de chaque opérateur, à des conditions de marché. Par exemple en Tunisie il existe des abonnements quotidiens, hebdomadaires et mensuels et nous proposons une offre mensuelle à 3 euros par mois.

Nous objectif est de contractualiser d’ici la fin de l’année avec  3 à 5 opérateurs supplémentaires avec lesquels nous sommes en contact au Maroc, sur l’ile Maurice…Nous faisons ce travail en collaboration avec Orange car comme avec CANAL+, il y a une logique de marque française et Orange est une entreprise très bien implantée en Afrique avec des filiales autonomes que nous connaissons maintenant très bien.

Avez-vous d’autres points qui vous tiennent à cœur ?

Nous avons aussi dans nos missions de relancer les principes éducatifs en particulier avec la plateforme LUMNI qui est un site gratuit, ouvert à l’international et qui est un support utile aussi bien pour les enseignants que pour les élèves. Cela fait partie des outils de France Télévision que l’on doit mettre en avant et promouvoir.

propos recueillis par notre correspondant Edouard CHAR