Entretien avec Ken Kakena, co-fondateur de Wizall Money

Ken Kakena commence sa carrière en Côte d’Ivoire en tant que consultant dans un cabinet de conseil en management, spécialisé en transformation digitale. Il travaille par la suite avec de nombreux opérateurs télécoms qu’il accompagnera dans le développement de leurs offres de services financiers sur mobile.

Pendant ces années d’activités, il est en contact avec des opérateurs télécoms, des établissement financiers (banques et assurances) et également avec une troisième typologie d’acteurs : des commerçants, des entités ayant des réseaux de distribution et industriels, tous concernés par des flux de transferts d’argent.

Fort de ces expériences, il décide de créer en 2015 Wizall Money avec Sébastien Vetter, une troisième voie pour le mobile money

 

Qu’est-ce qui a motivé le lancement d’une telle activité ?

Face aux opérateurs télécoms et aux banques, nous souhaitions créer une offre de service plus inclusive, avec plus de simplicité et une tarification plus économique. Aujourd’hui Wizall est implanté dans quatre pays : Sénégal, Côte d’Ivoire, Burkina Faso et Mali. Nous espérons poursuivre notre déploiement panafricain dans 5 à 6 autres pays d’ici 3 ans.

 

 

Comment Wizall fonctionne ?

Wizall est un opérateur de Mobile money qui propose des solutions de paiements électroniques. Lancé au Sénégal en 2015, Wizall Money propose aux particuliers un service innovant de Mobile Money et aux organisations une solution simple et sécurisée de paiement de salaires et de factures.

Ce qui diffère avec notre service, c’est que nous reposons sur un modèle B to B to C. Au-delà des particuliers, notre solution cible des entreprises/gouvernements/corporations/ONG/diaspora. A l’origine le marché du mobile money fonctionnait selon ce modèle : le dépôt d’argent était gratuit mais le transfert et le retrait d’argent étaient payants, selon une grille où les montants les plus petits étaient les plus taxés.

Aujourd’hui, nous proposons une offre de service de paiements de masse destinée aux entreprises : les acteurs paient un service mais toutes les transactions, réceptions et retraits de leurs bénéficiaires sont gratuits. Wizall propose ainsi une interface pour procéder à de très nombreuses opérations dont le paiement des salaires par exemple et ce, quel que soit l’opérateur mobile du bénéficiaire, qu’il est un compte Wizall ou non. Si le bénéficiaire n’a pas de compte, il reçoit un code d’accès par sms lui permettant de retirer son argent dans l’un de nos nombreux points de retrait.

Pour nous le B2B est une voie d’engagement de marché : en signant une société, on touche tout son réseau de fournisseurs, de salariés et on se construit un réseau de distribution basé sur des transferts d’argent réguliers.

Nous avons lancé un service simple d’accès, simple d’utilisation, sécurisé et économique. La réception du transfert d’argent est gratuite

Comment cette offre de service est-elle perçue de manière générale ?

 Wizall Money est perçu de différentes façons :

  • Pour les entreprises, il s’agit d’une alternative au « cash » qui réduit leurs risques opérationnels, de sécurité.
  • Pour les bénéficiaires, c’est un outil de bancarisation : recevoir de l’agent en « cash » entretient la pauvreté. Comment épargner, prévoir l’avenir et m’assurer quand je suis payé en liquides ? Dans cette optique, on entretient l’informel et cela conduit à l’exclusion financière et sociale. Le Mobile Money est en ce sens une formidable alternative : il permet de s’inclure gratuitement dans le système financier, de s’inclure dans la société.

Au regard des commerçants et des agriculteurs, ils sont le poumon économique des pays mais ils ont aussi en situation de vulnérabilité car ils n’évoluent que sur le marché informel. Un marché sans aucune sécurité physique ni financière, qui n’octroie aucune liberté aux personnes et aux business permettant de développer son activité et de créer davantage de valeur.

 

Comment expliquez-vous le faible taux de bancarisation en Afrique francophone subsaharienne ?  

C’est un sujet difficile à appréhender mais je pense que le problème réside dans l’offre proposée aux populations. Je pense que l’offre de service proposée notamment par les banques et les assurances est trop chère et inadaptée. Si les populations refusent ces offres, c’est qu’elles ne sont pas adaptées à leurs besoins. Je pense qu’il y a également un problème d’information et d’accessibilité.

 

Parmi les banques et les opérateurs télécoms, comment se démarquer sur le marché du mobile money ?  

Notre force réside dans notre parcours client, simple et ergonomique. Deuxièmement, notre accessibilité : au Sénégal, nous comptons 13 000 points de distribution contre 60 à 80 agences pour le plus gros réseau bancaire de Côte d’Ivoire. L’accessibilité passe également par les partenariats pour créer des écosystèmes dans les pays avec des acteurs légitimes et reconnus par leurs communautés. Par exemple les stations-services qui sont le cœur d’une localité : connues de tous. Enfin, la tarification est un élément largement différenciant.

Nous sommes très ancrés au Sénégal car nous y sommes présents depuis 2015. Nous sommes bien accueillis en Côte d’Ivoire car c’est un marché très dynamique. Au Mali et au Burkina, nous venons de commencer. Il n’y pas de facteur culturel qui soit bloquant, selon les pays, pour le développement de nos activités. Notre modèle est pertinent pour les 4 pays dans lesquels nous sommes implantés.

 

Quelles perspectives de développement ?

Depuis que le groupe BCP est entré dans notre capital de façon majoritaire (2018), après le groupe Total (2015), nous avons de grandes ambitions en termes de développement de services, au-delà de notre développement géographique. Nous souhaitons nous positionner comme un acteur panafricain d’inclusion financière. Pour cela, nous souhaitons que nos « wallet » soient multi-devices. Aujourd’hui, on accède à un portefeuille électronique via notre application mobile mais à partir de cette semaine, les utilisateurs pourront y accéder avec une carte. Cette carte va nous permettre de nous développer d’un point de vue géographique, de développer nos services mais également de nous développer sur d’autres chaines de valeur.

La carte Wizall s’adresse à des clients qui n’ont pas de smartphones et qui souhaitent grâce à la création d’un compte, faire des transactions. Aujourd’hui, le développement de la finance digital en Afrique s’est articulée autour du mobile mais le téléphone a des limites. Nous souhaitons aujourd’hui sortir de ce carcan en développant des nouveaux usages.

Cette carte Wizall (payante mais très économique au regard du marché) va permettre aux sociétés qui ont besoin d’identifier les acteurs avec lesquels elles interagissent pour plus de garanties et de sécurité et savoir qui sont les acteurs avec lesquels elles travaillent. Ces sociétés pourront donc identifier leurs personnels et fournisseurs, les rémunérer via cette carte et adosser à la carte des avantages pour améliorer leurs conditions de vie ou de travail.

En termes de produits financiers, nous souhaitons être en avant-garde sur le nano-crédit et ce, d’ici la fin 2020. Nous développerons également des produits de nano-assurance et l’épargne individuelle et communautaire. Depuis 2008, le mobile money a eu un très fort impact sur les paiements électroniques et les transferts entre personnes mais il est temps d’aller plus loin et de permettre la financiarisation de l’écosystème africain.

Nous avons également lancé un « wallet » pour la diaspora qui permettra les transferts d’argent entre les membres de la diaspora et leurs proches.