Entretien avec François Thiellet, Président de Mediawan Africa

Diplômé d’HEC en 1977, François Thiellet commence sa carrière dans le Groupe de la Caisse des Dépôts et Consignations en tant que Chef de projet puis Chargé de mission à la direction générale du Groupe. Jusqu’en 1989, il organise et gère de grands projets de développements régionaux : Océan Indien (La Réunion, Madagascar), Afrique Francophone (notamment Cameroun, Guinée Conakry, Mali, etc.). Par la suite, il devient Administrateur de sociétés filiales dans le secteur du développement et de l’audiovisuel.

En parallèle de ces activités,  il créé TamTam Production (productions exécutives pour Ushuaïa, etc.) et LPMS  (studios de postproduction).

Puis entre 1989 et 2001, il est Directeur Général de filiales dans le secteur audiovisuel (création et direction générale de MCM, MCM Africa, Muzzik/Mezzo, et prend en charge le lancement opérationnel de  Fashion TV .

Il créé et dirige le premier bouquet de chaînes françaises pour l’Afrique Sub-Saharienne (Portinvest/Le Sat). A partir de 2001, il dirige le développement mondial de la distribution de la chaîne (top 5 des chaînes les plus diffusées dans le monde, hors Chine). En 2004, il créé et préside Thema, première société européenne de distribution de chaînes dans le monde et d’édition d’offres ethniques  (filiales aux USA, Canada, Russie, Singapour), éditeur de chaînes pour l’Afrique Sub-Saharienne (notamment Nollywood TV et Novelas TV), avant de céder la société au Groupe Canal + en 2016.

Depuis 2021, il est le Président de Mediawan Africa. Parallèlement, il a créé et financé le Fonds de dotation Abraham Hannibal dédié à l’accès à l’éducation en Afrique francophone et dans l’Océan Indien.

Mediawan vient de racheter Côte Ouest Audiovisuel.  Quelles sont les tenants et aboutissants  de cette acquisition ?
A la création de Mediawan Africa, nous avons défini un plan stratégique axé sur les trois métiers que Mediawan entreprend déjà en France et partout dans le monde :  Produire, distribuer et éditer.

Nous avons commencé avec Keewu pour l’activité de production, déjà bien implantée au Sénégal. Nous avons continué à construire cette activité et nous commençons à avoir une base de production significative qui est déjà une belle réussite et qui va s’étendre encore.

Concernant les autres activités, distribuer et éditer, Côte Ouest était le partenaire idéal avec déjà quelques productions, une très belle activité de distribution et une forte compétence dans l’édition, avec des chaines comme Nina Novelas et Afro Novelas, des  services avec KIWI, et une petite offre délinéarisée. Côte Ouest nous semblait ainsi une excellente opportunité de compléter les deux autres dimensions et de permettre le développement de Mediawan Africa.

 

Revenons sur la production, est-ce que ça veut dire que KEEWU concentrera tous les projets où est-ce que vous envisagez d’autres acquisitions dans ce domaine ?

 

Nous travaillons actuellement à la forme que notre développement va prendre, mais nous aurons plusieurs lieux de production. Côte Ouest nous permet d’avoir une base logistique pour produire en Côte d’Ivoire et nous regarderons également un autre lieu dans un autre pays d’Afrique. Cela complètera notre dispositif mais nous tiendrons compte bien entendu des marchés, des talents et de la situation géopolitique.

 

 Concernant le métier de l’édition, la question est un peu la même. Est-ce que l’idée c’est de s’appuyer sur ce que fait déjà Côte Ouest ou est-ce que ça peut passer par d’autres solutions ?

 

 Nous n’avons pas de position définitive là-dessus. A priori, nous avons plutôt tendance à nous appuyer sur Abidjan. Il y a des investissements à faire qui se feront certainement dans le cadre de Côte Ouest. J’ai été fortement impressionné lors de mon séjour à Abidjan par l’équipe, qui est jeune, passionnée, enthousiaste. Un de nos premiers objectifs est de réussir un transfert de compétences entre les équipes parisiennes et les équipes ivoiriennes.

 

Canal + international et Mediawan ont signé un accord stratégique il y a quelques années, est ce que la participation de CANAL+  dans Côte ouest est à mettre en relation avec ce partenariat ?

 

CANAL+ est un partenaire historique avec lequel nous travaillons beaucoup. Nous avons développé de nombreux projets en commun, néanmoins ici l’histoire est totalement différente : nous sommes très heureux d’avoir l’appui de CANAL + qui va permettre de renforcer Côte Ouest grâce à la mise à disposition de son catalogue. Mediawan est opérateur, et Canal+ International un partenaire minoritaire dans la structure qui va racheter Côte Ouest .

 

Ce n’est un secret pour personne, les chaines en Afrique francophone n’ont pas beaucoup d’argent. Quels sont vos leviers pour vous développer ?

 

 Notre idée est de continuer à développer l’Afrique sub-saharienne : nous continuerons bien sûr à fournir les chaines nationales qui sont nos clients historiques mais notre développement se fera également sur l’Afrique anglophone, l’Afrique du sud, l’océan indien, Madagascar…Nous souhaitons faire circuler nos productions et nous avons l’intention de développer des projets qui puissent voyager, permettre des exploitations en numérique en Europe : c’est notre mission de producteur et de distributeur.

 

Voyez-vous Netflix et les streamers qui s‘activent beaucoup en ce moment en Afrique anglophone comme des menaces ?

 

 Bien sûr, les streamers viendront un jour en Afrique francophone mais pour moi, ce sont des clients : nous avons développé de services délinéarisés mais les streamers comme Netflix sont dans une autre catégorie. Notre vocation est d’être un partenaire des opérateurs, c’est pourquoi nous ne ferons pas a priori de B to C, qui est un métier totalement différent et très complexe que j’ai déjà expérimenté avec Théma.