Entretien avec Charly Kodjo, fondateur de la société de production Instant2Vie

Charly Kodjo est le fondateur de la société de production Instant2Vie. Créée en 2014, la société s’est d’abord spécialisée dans la photographie, passion première de Charly Kodjo, puis s’est agrandie pour se consacrer à l’ensemble des métiers de l’image.

 

Pourquoi avoir choisi de vous lancer dans l’audiovisuel ?

Nous souhaitions raconter des histoires, c’est pour cela que nous sommes partis de la photographie pour nous développer sur l’ensemble des métiers de l’image. La société est donc devenue une vraie société de production de contenus audiovisuels notamment pour les marques et les organismes internationaux.

Nous constatons que les contenus africains ne sont pas très bien représentés et sont souvent racontés par des personnes qui ne sont pas sur le continent, par manque de qualité notamment. Nous voulions donc changer la donne et redonner la parole aux Africains ! Toujours dans cette perspective de développement, nous avons créé un label, le label « Conter l’Afrique », avec l’idée de raconter aux Africains et au monde entier, la réalité du continent selon les standards internationaux.

Pour cela, nous avons créé un département « Fiction » pour la production de séries TV et de longs-métrages populaires.

 

Quels sont les grands projets que vous pilotez ?

Nous avons terminé le tournage de la série « Ici c’est Babi », en partenariat avec TV5Monde et TRACE. Conçue sous un format de 41 épisodes de 13’, la série TV a pour objectif de mettre en image le désordre « esthétisé » de la ville d’Abidjan à travers des chroniques de vie. La date de diffusion est encore confidentielle.

En parallèle, nous avons récemment acquis les droits d’adaptation cinématographiques des « Frasques d’Ebinto », l’un des romans les plus populaires d’Afrique francophone. Nous allons en faire un long-métrage.

Vous soutenez également un projet de formation, le Creative Lab, pouvez-vous nous en dire plus ?

Quand nous avons décidé de nous lancer dans la fiction, nous avons fait un constat : en Côte d’Ivoire, il y a une réelle problématique en termes de ressources humaines. Beaucoup de jeunes sont passionnés mais n’ont pas accès à des formations pour se professionnaliser. C’est pourquoi nous avons choisi de lancer le Creative Lab, programme de formation des jeunes talents aux métiers du cinéma. Il s’agit d’une plateforme où nous formons les jeunes aux métiers techniques et où nous les invitons à participer à des projets de co-production.  Pendant quelques mois, ces jeunes travaillent à la réalisation d’un projet de court-métrage ou une courte série ensuite diffusée sur internet ou en salle. A l’issue du processus de formation, nous retenons les « meilleurs » candidats et les meilleurs projets. Pour la première édition, nous avons choisi 5 candidats qui sont intervenus ensuite sur la production de notre série « Ici c’est Babi ».

Nous venons de lancer officiellement la seconde édition de notre Creative Lab. A travers cette nouvelle édition, nous souhaitons former 50 jeunes dont 30 femmes originaires du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, du Togo et du Sénégal. La formation se déroulera en Côte d’Ivoire et se terminera par un stage, en collaboration avec nos partenaires tels que TV5Monde, l’Organisation Internationale de la Francophonie, le FOPICA, le FONSIC …

Pendant 4 mois, Abidjan deviendra une plateforme de formation des jeunes aux métiers du cinéma animée par des membres de notre équipe mais aussi des professionnels du milieu.

Nous avons une sérieuse problématique liée à l’emploi. Nos jeunes ne trouvent pas leur place sur le marché de l’emploi mais avant de trouver un emploi, encore faut-il qu’ils soient formés. Au-delà de la formation, nous voulons les intégrer un réel processus de création.

Quelle est votre vision du marché de l’audiovisuel en Afrique francophone ?

Le marché de l’audiovisuel est un marché en pleine croissance. Abidjan est devenue une plaque tournante de l’industrie audiovisuelle en Afrique de l’Ouest, notamment en matière de fiction. Mais il y a encore un pas à faire pour structurer davantage le secteur. Le financement reste le nerf. Chaque acteur, que ce soit les diffuseurs, les producteurs ou même les pouvoirs publics, chacune doit pouvoir proposer des approches concrètes de financement. Il existe plusieurs pistes aujourd’hui qui permettent à notre industrie de sortir son épingle du jeu et de rentabiliser les investissements. Mais il faut encore réfléchir pour trouver de nouvelles sources de financement mais aussi de nouvelles façons de produire pour trouver un modèle de rentabilité pérenne.

Nous pouvons constater que les choses évoluent dans le bon sens. Je suis ravi de voir que notre Premier Ministre a récemment rassemblé tous les acteurs du secteur audiovisuel ivoirien. C’est une première ! Cela montre que l’Etat a une réelle volonté de bâtir une industrie solide.

Nous connaissons tellement de contraintes en Afrique francophone que nous sommes obligés de nous réinventer et d’innover en permanence pour passer outre. Cela peut être vu comme une faiblesse mais en réalité, c’est ce qui fait notre force, la force de notre industrie et la force des histoires que nous souhaitons raconter. Cette force nous pousse à proposer des contenus qui correspondent à notre marché et qui répondent aux attentes de nos publics.

Comment percevez-vous l’arrivée sur le continent des grands acteurs du streaming mondial comme Netflix ?

Nous sommes dans une monde globalisé, c’est la réalité. Leur arrivée est une bonne chose pour les producteurs et notamment en termes de financement. Plus il y a de financement, mieux c’est pour les producteurs mais aussi pour les acteurs, les techniciens … Cela crée de l’emploi. C’est bénéfique pour les pouvoirs publics également car l’Etat pourra encadrer leurs activités et taxer ces acteurs. Pour le moment, ces acteurs comme Netflix se montrent encore timides. Nous attendons leur arrivée franche et massive en Afrique francophone. Nous devons aussi nous y préparer, et protéger nos acteurs locaux. L’Etat doit jouer son rôle et mettre en place des garde-fous.

Nous avons lancé une initiative en parallèle de notre label qui est une bourse « raconter l’Afrique » permettant d’aider financièrement les jeunes ivoiriens porteurs de projet dans des écoles de cinéma. Grâce à cette bourse, nous voulons aider les jeunes et les convaincre qu’ils existent de réelles opportunités dans leur pays et qu’il n’est pas nécessaire d’aller se former ailleurs.