Paulette Fotsing est la co-fondatrice de Wouri Entertainment. Après avoir travaillé plusieurs années chez Eiffage, elle développe une passion pour les disciplines artistiques et notamment la photographie puis fait ses premiers pas dans la vidéo. Il y a 7 ans, elle décide de créer avec Patrick Kengne Kamga Wouri TV , avec pour ambition de soutenir les producteurs camerounais locaux et de les aider à vivre de leurs créations.
Quelles sont vos activités et qu’est-ce qui vous a poussé à créer votre plateforme ?
Wouri Entertainment, est une entreprise créée en Juin 2016 et spécialisée dans le domaine de l’audiovisuel. Nous regroupons trois activités :
- Une activité de production avec un double objectif : le premier étant l’accompagnement des producteurs locaux dans la production d’œuvres cinématographiques, que ce soit du court ou long métrage, des feuilletons et séries, des documentaires ou émissions TV. Notre accompagnement peut être d’ordre financier ou technique grâce à la mise à disposition de matériel. Nous développons également la production de contenus en propre en nous appuyant sur des talents locaux. Nous avons ainsi collaboré avec des partenaires tels que A+ ou encore Nollywood.
- Une activité de distribution : elle concerne la commercialisation des contenus auprès de nos partenaires TV à qui nous cédons les droits de diffusion suivant des termes bien définis.
- Une activité de diffusion d’œuvres cinématographiques grâce à notre plateforme VOD. Nous souhaitions offrir de la visibilité aux talents en créant notre plateforme Wouri TV, leur permettre de se faire connaître en développant des contenus sur les réseaux sociaux, vendre ces contenus aux chaines de télévision partenaires.
Très vite, nous avons dû faire face à une grande difficulté à savoir, celle de la qualité technique des productions qui ne correspondaient pas aux standards et qui ne nous permettaient pas forcément de conclure des partenariats de diffusion avec des chaines TV. L’un des plus gros problèmes régulièrement pointés du doigt : celui de la qualité du son qui ne remplissait pas les critères internationaux. Face à ce constat, j’ai choisi de suivre une formation à la production audiovisuelle. Ainsi, j’ai pu acquérir toutes les bases techniques nécessaires. Nous avons par la suite vulgarisé ces compétences techniques indispensables en organisant des sessions de formation pour harmoniser le niveau de qualité des productions.
- Pourquoi est-ce important pour vous d’accompagner et de soutenir les producteurs locaux ?
Nous nous sommes vite rendu compte qu’en dépit du talent de nombreux producteurs locaux, très peu parvenaient à se démarquer et à faire aboutir leurs projets. Pourtant, les œuvres cinématographiques sont essentielles pour donner de la visibilité et faire rayonner un pays au-delà de ses frontières.
- Vous commercialisez également des contenus auprès de partenaires TV à qui nous cédons les droits de diffusion. Comptez-vous des partenaires locaux ?
Nous comptons aujourd’hui sur des partenaires panafricains tels que TV5Monde et CANAL+ mais aussi sur des chaines locales. Malgré cela, les difficultés restent importantes et notamment pour tout ce qui concerne le contenu.
- Pourquoi avoir choisi d’intégrer une activité de diffusion en VOD ? Comment se différencier de la concurrence ?
Aujourd’hui, nous sommes les pionniers au Cameroun en matière de VOD mais il faut pouvoir se renouveler rapidement si on veut perdurer dans le temps et multiplier le nombre d’utilisateurs à notre plateforme. Et pour soutenir cela, nous avons choisi de rentrer dans la production. Dans un premier temps, nous nous sommes lancés dans la co-production soit sous forme d’apport financier soit sous forme de soutien technique. Peu à peu, nous avons également développer du contenu en propre. Cela n’est pas encore suffisant mais nous y travaillons pour diversifier encore plus le contenu et aller le chercher au-delà des frontières.
- Comptez-vous des utilisateurs sur le continent ? Si oui, dans quels pays majoritairement ?
Aujourd’hui, nous comptabilisons principalement des utilisateurs issus de la Diaspora, les nostalgiques de la culture locale qui souhaitent se replonger dans la culture de leur pays.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le projet de série Ewusu sélectionné par l’OIF dans le cadre du Festival de Cannes ?
« Ewusu » signifie « sorcellerie » en langue locale. Avec mon collaborateur, nous avons choisi il y a quelques temps de rêver plus grand et de montrer que l’on pouvait faire encore mieux pour coller aux standards internationaux. Nous savons tous que pour faire un « bon film » aujourd’hui, il faut d’abord avoir un bon scénario. Pour avoir un bon scénario, il faut aussi un bon scénariste. Nous avons donc décidé de nous lancer un challenge : nous sommes entrés en contact avec Françoise Ellong pour l’écriture d’un scénario, dont la notoriété n’est plus à prouver.
Au Cameroun et en Afrique en général, il faut savoir que tout ce qui n’est pas expliqué relève forcément de la sorcellerie y compris tout ce qui relève de la psychologie encore très abstraite à l’échelle du continent. L’idée de ce projet était donc d’opposer les croyances africaines aux croyances occidentales pour mettre en évidence les points communs et les différences et « démystifier » un peu tout ça.
- D’un point de vue plus global, quel regard portez-vous sur le développement de la production au Cameroun ?
Nous avons parcouru beaucoup de chemin, nous avons beaucoup évolué. Nous avons beaucoup progressé. « Ewusu » est d’ailleurs la première création originale made in Cameroun. Nous en sommes très fiers ! Nous avons pris beaucoup de risques mais nous y sommes parvenus et c’est une réussite. C’est un premier projet d’envergure et de qualité internationale.