Florence de Bigault est Directrice d’AFRICAP la structure lancée par IPSOS pour mieux accompagner ses clients dans leur développement sur les marchés africains.
Basée à Paris, l’équipe AFRICAP dirigée par Florence de Bigault apporte son expertise de ces marchés en transformation rapide, pilote les études et suit les terrains locaux avec le réseau Ipsos présent dans 14 pays Africains.
Depuis une dizaine d’années chez Ipsos, Florence de Bigault a longtemps travaillé pour les marchés en Asie ou au Moyen Orient avant de se recentrer sur l’Afrique et se définit comme une spécialiste des marchés à l’Export.
Pouvez- vous nous présenter en quelques mots l’activité d’IPSOS AFRICAP ?
IPSOS est présent dans 84 pays dans le monde dont 14 sur l’Afrique. Nous avons aujourd’hui, près d’un millier de collaborateurs présents sur place et depuis un an, un bureau dont je suis en charge, Ipsos Africap, qui est présent en Europe, basé à Paris pour être évidemment plus près de nos clients, puisque la plupart des centres de décision de nos clients sur le marché africain sont en Europe.
Notre rôle est de faire le lien entre ces clients, leurs besoins et notre réseau, qui est un des plus gros réseaux d’étude aujourd’hui en Afrique : nous collectons de l’information en milieu urbain comme en milieu rural, auprès des cibles B2C (ménages, entreprises, institutions…), analysons cette information et fournissons les éléments de compréhension aux entreprises.
Nous avons notre propre réseau dans une quinzaine de pays et travaillons avec des partenaires sur les autres marchés.
Dans cette Afrique qui est en train de décoller économiquement, il y a une évolution vers une vraie société de consommation qui est en train de se mettre en place, à l’échelle du continent.
Ce thème de l’émergence des classes moyennes que vous avez étudié récemment et qui est souvent repris, c’est donc pour vous une réalité et pas comme le prétendent certains un mythe.
Le marché africain est un marché émergent, les classes moyennes en Afrique, ont un pouvoir d’achat similaire à celui qu’on trouve en Amérique Latine, ou dans certains pays d’Asie. On a un milliard 200 millions d’Africains, et aujourd’hui les classes moyennes représentent entre 9 et 18% de la population selon les pays.
L’Afrique pullule d’initiatives et de projets. Le développement d’un institut d’étude comme IPSOS est en soi un indicateur de ce qui se passe en Afrique à l’échelle du Continent.
Nous avons mis en place une très grosse étude syndiquée, ouverte à tous les souscripteurs : AFRICAN LIONS, qui a comme objectif de suivre dans le temps ces nouvelles classes en Afrique, et de pouvoir donner des standards de comparaison en termes d’équipements, d’habitudes de consommation, d’attitudes et de valeurs, de pouvoir d’achat.
L’Afrique est aujourd’hui constituée de marchés qui se développent avec une société de consommation qui est en train de grossir. Cette société n’est pas encore en correspondance avec ce qui se passe en Europe, mais est tout à fait de même nature que ce qui se passe au Vietnam, en Indonésie, au Pérou…
Ces classes moyennes africaines, ont des budgets de classe moyenne de pays émergents, elles sont aujourd’hui largement sorties de la zone de survie, elles sont dans une logique d’acquisition, de consommation, et notamment de consommation de médias, de loisirs, d’informations, de connaissances, etc. D’où par exemple, un vrai attrait pour les biens culturels et le divertissement : on voit aujourd’hui en Afrique une croissance des gens qui vont s’abonner à des télévisions payantes, acheter des livres, aller à des concerts, etc..
Quelles sont les domaines d’activité dans lesquels vous avez, à court terme, des projets d’études ?
Nous avons chez Ipsos, depuis quelques années, développé pour les pays d’Afrique de l’est une étude qui s’appelle AMPS et qui est devenu un outil de référence. Nous avons décidé de dupliquer AMPS sur la partie francophone (voir encadré)
Il faut savoir que l’Afrique Francophone qui était un peu à la traine de l’énergie et du dynamisme économique de l’Afrique anglophone est en train de bouger très fort : ces 3 dernières années l’Afrique de l’Est a une croissance de 3/ 3,5%, alors que l’Afrique francophone en est à 5-6% voire 8 ou 9% pour des pays comme la Côte d’ivoire, le Sénégal ou la RDC.
Quand comptez-vous lancer cette étude ? et quelles sont ses spécificités vs les études existantes ?
C’est lancé, c’est notre actualité du jour. La commercialisation a commencé. Le terrain débutera dans quelques semaines.
Cet outil va permettre d’accompagner le boom du marché publicitaire résultant du développement des médias lié en particulier à la TNT au niveau de chacun des pays. De plus il fournira aux annonceurs et aux opérateurs qui sont à la mesure du continent d’avoir des informations solides et cohérentes aussi bien sur l’Afrique anglophone que sur l’Afrique francophone
Et dans les autres secteurs, quels sont vos autres projets ?
Aujourd’hui la consommation alimentaire occupe, et c’est assez caractéristique des pays émergents, une place importante dans la consommation des ménages.
Nous réalisons la seule étude de cette envergure AFRICA M FOOD qui sera disponible en novembre et qui nous permettra d’évaluer et de comprendre ce qui change sur la tables des Africains en matière d’usages et d’habitudes sur 50 grandes catégories alimentaires.
De nombreux clients en particulier du secteur distribution/fastfood veulent connaitre la photo actuelle mais s’interrogent aussi sur ce qui va bouger.
Concernant cette étude nous travaillerons sur les consommateurs urbains car les choses changent beaucoup en milieu urbain en Afrique du point de vue de la consommation domicile/hors domicile, du type de produit, de l’ouverture à d’autres gouts, d’autres saveurs …
Cette étude fait-elle suite à une demande des fabricants ou bien est-ce une initiative d’IPSOS pour prendre position sur ce marché.
C’est une réponse à une demande. En Afrique on peine à trouver les données pertinentes, actualisées. On est face à des entreprises qui décident de manière empirique notamment parce qu’on est multi marché et qu’il peut y avoir des fortes amplitudes liées à des aléas. Mais en Afrique comme partout, on a besoin de données précises pour pouvoir décider, agir ou réagir.
Les échanges que nous avons avec nos clients aboutissent au raisonnement suivant :
Comme ils ont besoin de disposer de données précises et actualisées le plus rapidement possible mais que le recueil des données coûte cher, les entreprises sont amenées par notre intermédiaire à développer des collections d’études syndiquées. Pour des données de base les clients sont disposés à partager de la donnée quitte à réserver des budgets ad hoc pour des études plus stratégiques.
Partant de ce constat et souvent avec une base de clients qui est prête à démarrer on effectue ensuite un travail commercial pour chercher les autres clients.
Pour conclure pouvez-vous nous parler de votre vision sur le développement du téléphone et des réseaux sociaux en Afrique.
Le téléphone pour les africains c’est un moyen de pallier à des difficultés. Le grand point noir de l’Afrique concerne le manque d’infrastructures. Il y a aussi une urbanisation galopante avec des difficultés de circulation, peu de transports en commun et le téléphone permet de garder le contact avec le village mais aussi avec celui qui est parti au Canada ou celui qui est coincé à l’autre bout de la ville dans un embouteillage.
Cela permet à toute une génération d’être ouverte au monde. En même temps qu’il y a une demande d’africanité, il y a une demande pour être dans le train du Monde.
Le téléphone, Internet et les réseaux sociaux permettent de faire les 2 : continuer à être dans le village africain mais aussi être en contact avec le Monde.
Cela pallie au déficit des infrastructures mais aussi des services. Le système bancaire en Afrique est très peu ouvert aux particuliers. Ce sont donc développées des applications qui permettent via son téléphone de pouvoir payer, économiser ou transférer de l’argent.