Entretien avec Colon Assany, chargé de la communication du Fickin Film Festival

Colon Assany est un jeune auteur-réalisateur RD Congolais. Depuis 2018, il travaille comme assistant à la réalisation dans plusieurs productions étrangères et locales comme Augure, Ima, HOA ou Amour à 200M. Actuellement, il travaille sur deux projets courts ayant tous bénéficié d’une aide au développement du Fonds Jeune Création Francophone. Je gère aussi la communication du Festival FICKIN depuis 2023 et est le cofondateur de Bonobo Studio, axé dans le gaming et l’animation.

Pouvez-vous nous présenter le FICKIN ?

Le festival international de cinéma de Kinshasa est un rendez-vous annuel pour la visibilité et la promotion de films congolais et une célébration des imaginaires d’ici et d’ailleurs. Un cadre d’échanges, de partage, qui permet de renouer le public kinois au grand écran. Lancé en 2014, Le festival est une initiative du producteur et réalisateur congolais Tshoper Kabambi qui voulait offrir à la mégapole de Kinshasa un festival digne. Pas d’infrastructures de cinéma, pas de dispositifs, il fallait donc commencer quelque part. Depuis son existence, le festival a toujours mis en avant les productions locales en accompagnant la création locale par le biais des ateliers de formation. Le festival joue le rôle d’un laboratoire de développement et participe à l’éclosion de nouveaux talents. Il participe également à l’éducation à l’image à travers ses programmes pour préparer les futurs consommateurs et faiseurs de films.

Quel bilan pouvez-vous tirer de la dernière édition ?

En dépit de plusieurs difficultés, nous pouvons dire que 75% de résultats ont été atteints. Les participants ont répondu favorablement à tous les programmes initiés par le festival. Avant le festival, avec le programme PREFICKIN TOUR qui consiste à des projections-débat dans les universités et centres culturels en milieu péri-urbain. Ou pendant le festival dans plusieurs programmes, projections, ateliers, master class, rencontres professionnelles, tables rondes. Près de 521 films venant du monde entier ont été inscrits. Et 121 films ont été projetés dans plusieurs sites durant huit jours. Comme à chaque édition, le festival a connu une affluence ascendante avec une participation de 8300 personnes environ. « Propulser le cinéma congolais » a été la grande thématique abordée lors de l’édition précédente. Cela s’est vu accompagné par le programme PREFICKIN. Y compris par les tables rondes entre les acteurs de la mode et de Maboke dit « Théâtre populaire ». Pour finir, le festival a lancé la première édition de FICKIN INDUSTRY. Un programme parallèle d’accompagnement des auteurs et de formation aux métiers de distribution et de production.

Comment se développe aujourd’hui le cinéma en RDC ? Quelles sont les failles de cette industrie ?

Le cinéma en RDC n’est pas encore un corps. Nous pouvons saluer les individualités qui se démarquent, mais aussi des initiatives privées et collectives qui se mettent en place. Aujourd’hui, c’est près de sept festivals de cinéma répartis entre Kinshasa, Lubumbashi, Goma et Mbuji-Mayi. Environ une trentaine de courts-métrages, trois longs-métrages, deux séries sont produites chaque année. Plusieurs défis sont à relever. Au niveau de l’éducation aux images, en passant par le développement, l’accès aux financements, les infrastructures, la distribution ou la diffusion des œuvres. Les enjeux se situent premièrement au niveau de la structuration et la mise en place d’une politique culturelle claire, particulièrement dans l’audiovisuel. Si l’état met en place un modèle du Tax Shelter appliqué en Belgique, cela contribuerait énormément à la naissance d’une industrie. Le Congo, avec ses 100 millions d’habitants, majoritairement jeunes et créatifs, est un terrain prolifique pour les industries culturelles et créatives. J’ose croire qu’avec les programmes d’incubation dans les ICC qui se lancent un peu plus ces trois dernières années, cela pourrait contribuer à la structuration des initiatives privées pour développer de solutions adaptées à nos contextes. Pour finir, je pense également qu’il est important de mettre sur pied les accords bilatéraux de coproduction avec les pays africains, européens ou américains.

Quel regard portez-vous sur les talents qui émergent en RDC et qui représentent l’industrie cinématographique locale ?

Je salue à nouveau les talents qui se démarquent. Aujourd’hui, plusieurs films des auteurs réalisateurs congolais circulent dans les grands festivals du monde comme Cannes, Sundance, Fespaco, Berlinales ou Venise et certains sont diffusés sur satellite. Il existe aussi une forme d’enthousiasme des jeunes qui veulent se lancer et apporter un nouveau regard. Des initiatives naissent de part et d’autres comme le cinéma en plein air avec Ciné sous les étoiles ou les projections dans les écoles avec Pole’Art Distribution. Mais il est urgent de poser de cadres pour pérenniser et miser sur la qualité, pour rivaliser chaque année dans les grands rendez-vous du cinéma mondial.

Selon vous, comment aider à vulgariser/exporter le cinéma congolais ?

Avant tout miser sur la qualité des œuvres dès la phase de développement. Ensuite, miser sur les coproductions locales, sud-sud et nord-sud.

Vous avez déjà annoncé les dates de la prochaine édition. Qu’en attendez-vous ? Quels en sont les contours ?

Le festival se déroulera en octobre. Les dates seront informées dans les jours qui viennent. Nous nous attendons à plus de films congolais avant tout bien sûr et une grande mobilisation du public kinois. Au-delà des activités classiques qui sont la projection et les ateliers, nous continuons à miser sur le programme parallèle de FICKIN INDUSTRY. Un dispositif dont l’objectif est de produire de producteurs et de distributeurs susceptibles de créer de concepts novateurs adaptés avant tout au contexte local et régional.