Entretien avec Angela AQUEREBURU Directrice générale de la SRTB

Adweknow : Le gouvernement béninois, sous l’impulsion du Président Talon, a pris de nombreuses initiatives dans les médias et le numérique : lancement d’A+ Bénin, fin de la diffusion analogique, appels à projets, coproduction avec TV5MONDE et Mediawan, lancement d’une chaîne en langues locales… Comment la SRTB où vous venez de prendre vos fonctions de Directrice Générale, s’inscrit-elle dans cette vision ?

Angela Aquereburu : La SRTB est un acteur public central de cette dynamique ambitieuse portée par le Président de la République et son gouvernement. Notre rôle est clair : accompagner cette transformation en devenant un média public de référence, plus moderne, plus proche des populations et en phase avec les standards actuels. La mission qui m’a été confiée, c’est de faire entrer la SRTB dans le XXIᵉ siècle, en menant une réforme de fond, à la fois structurelle, éditoriale et humaine. C’est une vision qui s’inscrit dans l’élan général de modernisation du pays.

AWK : Moderniser la SRTB, concrètement, cela signifie quoi ?

AA : Cela signifie repenser notre organisation interne, renforcer notre gouvernance, réhabiliter nos infrastructures, redéployer nos moyens humains et éditoriaux, et surtout, reconnecter nos contenus aux attentes des publics, qu’ils soient au Bénin ou dans la diaspora. Il s’agit également d’identifier les talents internes, de favoriser leur montée en compétence, d’encourager la mobilité professionnelle. C’est un chantier d’envergure qui concerne l’ensemble de la maison.

AWK : L’environnement concurrentiel est important au Bénin, notamment avec les chaînes internationales et des chaines comme A+ Bénin. Dans ce contexte, quels sont les principaux atouts de la SRTB ?

AA : La concurrence est une réalité pour tous les médias, au Bénin comme ailleurs. Mais c’est aussi un moteur d’excellence. Depuis le lancement de notre nouvelle identité visuelle le 6 avril, nous avons impulsé une dynamique nouvelle, saluée par le public. Nous redéployons notre offre d’information, retravaillons nos émissions, développons notre présence digitale.

La SRTB, avec ses chaînes – Bénin TV, Bénin TV Junior, et bientôt Bénin TV Alafia – a une mission de service public : informer, éduquer, divertir. Nous ne sommes pas dans une logique purement commerciale. Le public ne vient pas chez nous pour la même chose que sur A+ Bénin, par exemple. Il nous attend sur les rendez-vous d’information, sur les magazines qui valorisent notre pays, sur les contenus culturels et identitaires. C’est là notre force.

AWK : Mais s’affirmer face à  la concurrence et produire aux standards internationaux, cela coûte cher. En avez-vous les moyens ?

AA :Je vous invite à regarder notre couverture en direct du Tour cycliste du Bénin : les images diffusées sur Bénin TV sont d’une qualité remarquable, comparables à celles d’événements majeurs comme le Tour de France. Cette réussite est le fruit d’une synergie entre la SRTB, la Fédération béninoise de cyclisme et le Ministère des Sports.

Les compétences existent, même si elles doivent évoluer. Les moyens techniques et financiers ont été mobilisés – ce n’est donc pas qu’une question de budget, c’est une question de vision, d’organisation et d’orientation des ressources. Le gouvernement béninois a investi, et aujourd’hui, ces efforts deviennent visibles à l’écran.

AWK : Le marché publicitaire au Bénin est encore relativement faible. Comptez-vous sur les  revenus publicitaires pour participer au financement des programmes ?

AA : Effectivement, le marché publicitaire béninois n’est pas encore aussi structuré que ceux de certains pays de la sous-région. Mais il existe. Pour la couverture du Tour cycliste, par exemple, la Loterie nationale du Bénin nous a accompagnés, et cela nous a permis de déployer des moyens conséquents.

Pour attirer les annonceurs, il faut des programmes attractifs, des audiences solides, et des mesures d’audience fiables. Nous allons travailler en lien avec les autorités pour disposer d’outils de mesure crédibles, afin de structurer progressivement un écosystème favorable à la publicité.


AWK :  En matière de contenu, quelle est votre approche éditoriale ?

Notre ambition est claire : positionner nos chaînes sur la scène régionale et internationale. Comme la RTI qui touche un public au-delà de la Côte d’Ivoire, nous voulons que Bénin TV ou Bénin TV Junior puissent intéresser un Sud-Coréen, un Belge, un Américain. Parce que nos contenus raconteront quelque chose d’universel à partir de notre singularité.

Je ne crois pas à l’uniformisation des formats. Je crois à l’universalité de l’émotion, portée par l’authenticité. Un programme touche parce qu’il est vrai, enraciné dans une réalité. C’est notre ADN, nos spécificités qui font notre force.

Regardez les chaînes sénégalaises ou ivoiriennes : elles sont suivies parce qu’elles proposent des contenus enracinés, pas parce qu’elles cherchent à être « universelles ». L’authenticité attire, quand elle est servie avec des standards techniques élevés.

J’ouvre ici une parenthèse personnelle : Mikoko, un film que j’ai produit, réalisé en langue locale, sur une histoire profondément enracinée, vient de remporter le prix du Meilleur Long Métrage au Seattle Black Film Festival. Cela montre que l’authenticité, quand elle est bien portée, peut toucher un public bien au-delà de nos frontières.

Quelles sont les nouveautés programmes de vos grilles ?

AA : Nous avons lancé plusieurs formats originaux. Des émissions telles que Le Trône (jeu), L’Islam en partage (religion) ou Guichets fermés (divertissement) sont d’ores et déjà à l’antenne, illustrant la diversité de notre grille et notre volonté de proposer des contenus adaptés à tous les publics.

Par ailleurs, plusieurs programmes ont été initiés avant mon arrivée, avec le soutien du gouvernement. Une trentaine de projets sont actuellement en cours de développement, incluant des magazines produits par des talents extérieurs. Nous allons aussi ouvrir une case dédiée au cinéma africain – des courts ou longs-métrages, fictions ou documentaires primés dans les festivals comme le FESPACO – pour les rendre accessibles au grand public.

AWK : Et avec la CAN qui approche, bientôt du football ?

AA : Je me bats pour cela ! Le sport est un levier essentiel pour la cohésion sociale, l’identité nationale et l’audience. Mais il faut le dire : les droits de diffusion sont extrêmement coûteux, y compris pour les matchs de l’équipe nationale. Nous travaillons à trouver des solutions pérennes, et j’espère pouvoir annoncer de bonnes nouvelles très prochainement.