Entretien avec Amadou Fall, fondateur de l’agence de Communication BrindiD

Pouvez-vous nous présenter vos activités ?

La mission principale de BrindiD est d’accompagner les annonceurs dans l’audit de leurs communications, la conception et la mise en œuvre de leurs stratégies de communication avec des impacts forts et durables, et enfin le transfert de certaines compétences aux équipes chez les annonceurs.

Nous avons pu constater dans les communications, à la fois du secteur privé et du secteur public, que les campagnes ou les actions ponctuelles visent à faire connaître un produit, une marque, un service ou un comportement. De ce fait, les consommateurs ont souvent le sentiment de voir les mêmes choses. On fait du copier-coller en se disant, à tort, que si cela marche pour les autres, cela marchera forcément pour nous.

Au vu des investissements qui sont faits, chez BrindiD nous pensons que la communication doit pouvoir induire des actes d’achat ou faire adopter des comportements de manière plus subtile et plus efficace. Cela passe d’abord par un audit exhaustif, des objectifs clairs et une stratégie originale qui vise avant tout à distinguer la marque, le produit, le service ou le comportement.

Qu’est-ce que l’on met derrière le mot « digital » en publicité ? 

Il est vrai que le mot digital, qui est de plus en plus utilisé, se résume pour beaucoup d’annonceurs à disposer de comptes sur les réseaux sociaux avec des contenus plus ou moins pertinents. Pour en venir au sens originel, le mot lui-même évoque dans le sens commun, tout ce qui a trait au numérique. En réalité c’est beaucoup plus large que cela.

Je le définis plutôt par toutes les opportunités marketing et communication qui permettent à une marque de créer une expérience pour ses cibles et ses prospects en utilisant toutes les technologies disponibles.

Aujourd’hui, l’évolution fulgurante de ces technologies entraîne la naissance du « phygital » qui n’est rien d’autre que le lien entre l’expérience physique et l’expérience digitale. Cela montre que le digital n’est aujourd’hui pas seulement un média, mais un réel monde virtuel. Initialement parallèle et finalement totalement imbriqué à la vie réelle.

L’exemple des nombreuses marketplaces sur le web le démontre. Les nouveaux commerçants démarrent leur business en créant une boutique virtuelle avant d’avoir une adresse physique, et se retrouvent avec 2 types de marchés qui sont en constante mutation. Les clients « numériques », avec un bon marketing digital, deviennent des clients physiques, et les clients physiques, avec une bonne expérience, intègrent les communautés digitales.

Quel rôle et quelle importance attribuer aux réseaux sociaux, au search et aux bannières ? 

Les réseaux sociaux sont de bons outils pour fédérer une communauté autour de centres d’intérêt mais s’ils sont mal utilisés, ils peuvent produire l’inverse des résultats escomptés. A titre d’exemple, selon le marché et le segment visés, une publicité trop tape-à-l’œil peut rebuter la cible qui se trouve agressée, harcelée. Bien que la marque réussisse à s’installer dans son esprit, le comportement souhaité ne sera jamais obtenu. Certains vont même jusqu’à faire des bannières alors que le site vers lequel on est redirigé en y cliquant n’est pas fonctionnel ou ne parle pas de l’information d’annonce.

Nous revenons donc au point de la stratégie qui est fondamentale avant de se lancer à l’aveugle. Il faut définir des objectifs, des cibles, et surtout des contenus pertinents qui servent la marque en faisant vivre une expérience aux prospects et clients.

Peut-on se passer du digital quand on est un annonceur ? 

Aujourd’hui, se passer du digital quand on vise à délivrer des messages  est une grande erreur. Les études montrent que les consommateurs passent plus de temps sur leurs smartphones que sur n’importe quel autre média, que ce soit la TV, la radio, la presse imprimée etc.

Le digital seul est-il suffisant aujourd’hui ou bien il est difficile de se passer des médias traditionnels ? 

Le choix des canaux de communication dépend de beaucoup de paramètres qui sont définis dans la stratégie. L’imbrication du monde virtuel et du monde réel est telle que l’expérience que l’on veut créer auprès de sa cible justifie l’utilisation des canaux. Selon la méthode Delta développée par PSI par exemple, le parcours journalier type du profil du prospect définit les canaux par lesquels les messages doivent passer.

Il y a 15 ans, les annonceurs ciblaient les jeunes à travers la presse imprimée entre autres, aujourd’hui, ce serait une aberration. Il y a donc lieu de réfléchir constamment à la complémentarité entre le digital et les médias traditionnels, de telle sorte que l’utilisateur ait la meilleure expérience possible

Quel budget moyen faut-il consacrer au digital pour faire une bonne campagne ? 

Tout comme le choix des médias, le budget dépend de plusieurs facteurs. Évidemment, il y a aura toujours des annonceurs qui raisonnent de manière simple en corrélant le budget investi et l’impact attendu, et il y aura toujours des agences qui voudront faire dépenser plus en promettant monts et merveilles, mais l’impact est beaucoup plus une question de stratégie que de budget.

Selon le secteur, les cibles, les objectifs et le concept proposé, une campagne à gros budget sans une bonne stratégie peut avoir les mêmes résultats qu’une campagne low cost avec une bonne stratégie.

Pouvez-vous nous présenter une campagne pertinente que vous avez pu observer ?

Je ne vais pas parler des campagnes sur lesquelles j’ai travaillé, mais s’il y en a une qui m’a interpelé de par la pertinence de la stratégie et du concept de communication, c’est celle du Groupe Kirène « engageons-nous à vivre mieux ». Au niveau du concept de communication, ils ont pu installer dans l’esprit des consommateurs leur côté avant-gardiste sur des sujets comme l’écologie et la santé, en faisant oublier qu’il s’agit de produits conditionnés dans des bouteilles en plastique. Au niveau de la stratégie et du déploiement des campagnes, ils ont réussi à se positionner comme des défenseurs du bien-être et de l’environnement des consommateurs.

Le continent africain est un continent jeune ! Aujourd’hui, si l’on observe le Sénégal, comment les jeunes consomment-ils la communication et la publicité ? 

La jeunesse évolue très rapidement. Il y a quelques années, il fallait les toucher grâce au digital. Quelques temps après, il fallait les atteindre en créant des communautés. Avec toutes ces campagnes, les jeunes sont aujourd’hui sensibles  aux publicités les plus subtiles quand elles arrivent de loin. On les entend presque dire « la publicité oui, mais à condition qu’elle soit enrichissante, subtile, et qu’elle apporte vraiment quelque chose de nouveau ».

Le digital permet de faire disparaître les frontières. A travers les différents contenus, les jeunes peuvent désormais consommer une publicité originale qui vient des Etats-Unis ou d’Europe, et se retrouver quelques secondes plus tard devant une publicité de bouillon local. La différence de qualité peut les pousser à rêver du produit étranger en dévalorisant le produit local.

Est-ce que les annonceurs intègrent de plus en plus les codes de la jeune génération ? 

Oui et non. Bien sûr, certains annonceurs sont dans une dynamique d’apprendre constamment de leurs cibles pour mieux les toucher. Par contre, pour d’autres, les codes de la jeunesse se résument à diffuser une vidéo virale pendant quelques jours sur TikTok. Le souci avec ces derniers, c’est qu’ils ne gagneront jamais le cœur des cibles.

C’est cette nécessité de construire une identité durable chez les cibles qui est à l’origine du nom BrindiD qui peut être compris comme un brin d’idées, un brin d’ID (pour faire référence aux identités de marques que nous créons), mais aussi comme « branded » de l’anglais.