La mise sous tutelle des médias d’information.

Comme en 2023, les médias d’information ont subi en 2024 des pressions croissantes dans les pays du Sahel mais également dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest ou d’Afrique centrale. Les suspensions, les interdictions temporaires et les contraintes administratives limitent leur capacité à informer librement et fragilisent leur fonctionnement.

Dans les trois pays du Sahel – le Mali, le Niger et le Burkina Faso – les médias d’information sont confrontés à des restrictions inédites et répétées. La liste des médias sanctionnés est longue : France 24  a été bannie du Burkina durant 3 mois en début d’année puis  en avril 2024, les autorités burkinabés avaient suspendu la chaîne de télévision TV5Monde et l’accès à son site Internet, ainsi que six autres médias internationaux : Deutsche Welle, Ouest-France, Le Monde, APA news, The Guardian, et Agence Ecofin

LCI a été suspendue pour deux mois au Mali en aout dernier, TV5 Monde de son côté a été suspendue pour 6 mois au Burkina  et pour 3 mois au Mali (suspension qui se sont terminée en décembre 2024). En octobre c’est au tour de Voice of America d’être suspendu pour 3 mois

La dernière sanction en date concerne BBC news qui  a été de son côté suspendue pour 3 mois au Niger fin décembre 2024.

A chaque fois la raison invoquée concerne une relation des faits qui ne correspond pas à récit officiel des autorités.

Des médias sous contrôle au-delà du SAHEL

Néanmoins en 2024, ces actions à l’égard des médias d’information n’ont pas concerné que le Sahel ni les seuls médias internationaux

Au Cameroun, Afrique Media TV, connue pour sa ligne éditoriale pro-russe et anti-occidentale, a vu ses bureaux scellés pour des raisons officiellement administratives. Parallèlement, la chaîne privée Équinoxe Télévision, dont les programmes critiques sont très suivis, a dû suspendre plusieurs émissions phares, sous pression des autorités.

Au Sénégal Walf TV a été suspendue « définitivement » au moment de l’élection présidentielle en début d’années puis rétablie rapidement suite aux nombreuses protestations de la presse locale 

Par ailleurs , une « journée sans presse » en août 2024 a mis en lumière les nouvelles mesures fiscales et économiques imposées par les autorités, perçues comme une menace pour la survie des journaux locaux. Cette mobilisation met en lumière la fragilité structurelle des médias privés sénégalais, confrontés à des défis financiers croissants en raison du développement du numérique.

Au Gabon, pendant les élections présidentielles, des médias internationaux tels que France 24TV5 Monde et RFI ont été suspendus quelques temps pour « manque d’objectivité »

Survivre malgré la censure

L’impact de ces interdictions et leurs conséquences sur les finances – et donc la survie – des médias concernés dépend largement du mode de financement et de la structure des différents médias :

Les suspensions des médias internationaux soutenus par leurs Etats comme France 24, RFI, BBC News, Voice of America ou TV5 Monde, bien qu’impactant leur diffusion locale, n’affectent pas leur pérennité. Ces chaînes disposent en effet de financements solides et de structures opérant en dehors des juridictions locales.

De même les médias privés comme  LCIOuest France ou Le Monde sont également peu affectées par ces interdictions, leur audience en Afrique restant limitée à des élites ou à des expatriés.

Finalement les plus concernés par ces pressions incessantes sont les médias privés panafricains ou nationaux dont les seuls moyens de subsistance sont la publicité et/ou les ventes (à l’unité ou par abonnement) au niveau local ou plus rarement panafricain.

Ceux-ci doivent jongler en permanence avec le respect de leur ligne éditoriale- puisqu’ils sont financés et appréciés par les consommateurs pour cette raison- et l’épée de Damoclès brandie par les pouvoirs en place qui peuvent à tout instant les déstabiliser durablement.

Ce sont à la fois les médias les plus menacés car les plus fragiles financièrement et ceux qui font preuve du plus d’ « équilibre » , si ce n’est d’auto-censure, dans une tentative constante de concilier indépendance et survie économique.

Un paradoxe persistant : médias traditionnels et réseaux sociaux

Les restrictions imposées aux médias traditionnels contrastent avec l’absence de régulation sur les réseaux sociaux, où la désinformation prolifère sans entrave. Dans des pays où les données d’audience restent rares, les pouvoirs publics ciblent prioritairement les médias traditionnels, souvent moins influents que les réseaux sociaux. Les grands moyens , c’est-à-dire la coupure pure et simple d’Internet, ont été néanmoins utilisés quelques fois au plus fort des tensions généralement liées aux élections, mais cela reste rare.