Proches du milieu de la production audiovisuelle, de l’animation et des chaines de télévision en Côte d’Ivoire, le duo a choisi de lancer Afro VFX avec l’ambition de projeter la Côte d’Ivoire et de manière plus globale, l’Afrique, sur la carte des productions internationales.
Pour cela, ils ont choisi de miser sur leur expérience et leur expertise pour modifier l’offre existante en matière de production audiovisuelle et cinématographique mais aussi préparer les générations futures aux techniques numériques VFX.
Ils lancent donc AFRO VFX au mois de mars 2022.
Pouvez-vous nous présenter AFRO VFX ?
E.M : AFRO VFX est aujourd’hui un programme de formation gratuit pour constituer et développer une main d’œuvre qualifiée aux standards internationaux, localement pour commencer. Nous venons de Montréal qui est le 3ème hub mondial des VFX et nous souhaitons développer cette culture sur le continent africain en nous appuyant notamment sur des ressources montréalaises sous forme de master classes par exemple. Nous commençons avec ce programme gratuit, accessible via candidatures, puis nous évoluerons sur la création d’une véritable école certifiante et enfin, la création d’un studio VFX en local.
D.B : L’ambition de départ est de faire de la Côte d’Ivoire le hub africain des VFX. Nous souhaitons développer un écosystème, studios, talents, écoles et sociétés de production spécialisés en effets spéciaux. Notre démarche vise à faire coïncider cet écosystème aux grands standards internationaux pour augmenter la qualité des productions locales et être en mesure d’absorber la demande internationale. Aujourd’hui, la demande de productions en VFX est réelle et considérable, qu’il s’agisse de films de super héros, la science-fiction, la moindre scène d’explosions ou jouées dans différents pays du monde en studio, à l’aide un fonds vert ou un écran digital.
L’industrie mondiale connait à la fois une demande grandissante des productions de la part des studios et une grande pénurie de compétences, de main d’œuvre.
Nous voulons que notre espace africain francophone, en commençant par la Côte d’Ivoire puisse répondre à cela, au niveau local et international. Durant les 20 dernières années, c’est l’Inde qui jouait ce rôle en tant que sous-traitant des productions de VFX pour les grands studios de cinéma de la Côte Ouest américaine. Nous voulons que la Côte d’Ivoire prenne à son tour une place.
Comment se déroule la formation ?
D.B : nous avons initié cette formation en partenariat avec Orange Digital Center et l’Ambassade du Canada en Côte d’Ivoire. Cela nous permet de former 20 jeunes, 12 garçons et 8 filles, sur trois logiciels numériques de l’industrie VFX : Maya, Houdini, Nuke. Ils sont étudiants, autodidactes, novices ou professionnels dans d’autres secteurs… Les formateurs sont des artistes numériques qui travaillent dans des studios internationaux depuis Montréal, ils interviennent pendant 2 mois.
A l’issue de la formation, les candidats entameront une période de stage d’insertion professionnelle de 4 à 6 mois dans des studios locaux partenaires comme Afrikatoon, Voodoo Communication, Baby Art Studios et d’autres.
E.M : Nous avons reçu plus de 500 candidatures sur Abidjan et ce, en 1 semaine ! Mais nous ne pouvions en retenir que 20 avec un objectif de parité. Il est important de souligner que nous comptons parmi nos candidats, de nombreux autodidactes, passionnés, qui ne peuvent pas avoir les moyens de se procurer les logiciels spécialisés mais qui se font la main sur des version accessibles en ligne.
En parallèle de la formation, nous avons organisé des masterclass animées par des professionnels de l’industrie pour présenter leur métier, leurs activités aux candidats. On peut citer Sidney Kombo Kintombo de WETA Digital, connu pour le film Avengers, Omar Morsy, directeur d’animation chez Moving Picture Company ou encore Saïdou Bernabé et Josée Chapdelaine. Ces masterclass ont permis d’entamer une démarche de sensibilisation aux VFX. Nous préparons également une masterclass avec DNEG, grand studio de l’industrie internationale qui nous présentera le thème du pipeline de production d’un film, sur la partie VFX.
D.B : Nous avons aussi un podcast vidéo dédié, baptisé « AFRO VFX Meet » pour échanger sur les grandes thématiques de l’industrie avec des acteurs de renommée. Nous avons une ambition « business » mais nous prenons aussi le temps de faire de la sensibilisation, de créer les bases solides d’un écosystème. Nous ajoutons à cela des webinaires d’information et nous participons à des grands rendez-vous comme le Festival du Film d’Animation d’Abidjan.
Vous commencez par la Côte d’Ivoire, quelle sera la suite … ?
D.B : nous recevons déjà des sollicitations pour le Sénégal, le Cameroun ou encore la RDC. Ce qui nous amène à voir plus loin … Mais nous avons besoin de partenaires pour nous implanter ailleurs.
E.M : la demande est là ! le fait de préparer cette « main d’œuvre » aux VFX va transformer les façons que l’on a de raconter des histoires qui ne sont pas encore racontées. Un réalisateur pense à ce qu’il est possible de raconter, y compris techniquement. Les VFX vont permettre d’explorer d’autres façons de raconter nos histoires : inviter le spectateur à voyager dans le temps, voyager sur la planète, se divertir avec de l’action, imaginer … Nous souhaitons mettre en valeur les histoires locales et les faire voyager dans le monde.
Qu’est-ce qui freine encore le développement des VFX ?
Le cinéma africain, la production audiovisuelle, ont une réalité budgétaire et les VFX ne sont pas encore intégrés à ces budgets. Cela ne permet pas d’aller chercher les ressources nécessaires en local. Dans un territoire comme le Québec, l’implication des pouvoir public a été décisif notamment en termes de crédits d’impôt pour attirer les studios américains. En Afrique, l’appart du secteur public fait encore un peu défaut.
Comment voyez-vous l’arrivée des plateformes de streaming sur le continent ? est-ce une opportunité pour le développement des VFX ?
D.B : Bien sûr. Récemment, le studio kenyan Kugali a signé un accord avec Disney pour réaliser une série animé intitulée « Iwaju ». Amazon ouvre un bureau à Lagos, Netflix en à Lagos … L’Afrique anglophone est déjà dedans. L’Afrique francophone va rattraper son « retard » par les VFX. Nous en sommes persuadés. Mais on n’y arrivera pas seul ! il faut que les acteurs se multiplient, que l’on crée des synergies avec des scénaristes, des réalisateurs, les diffuseurs …
E.M : Avec AFRO VFX, nous prenons part à une dynamique qui a déjà démarré. Un certain nombre de studios sociétés de production qui proposent déjà des histoires pour le VFX comme par exemple la série « Mami Wata » de CANAL+. Aujourd’hui nous avons besoin d’un coup de boost pour que les choses se concrétisent vraiment. Les gens sont connectés, consomment ce genre de contenus, la crise du COVID n’a cessé de le montrer. Le timing est bon.
D.B : le Québec est le 3ème mondial des VFX. Pourquoi ? car les acteurs ont travaillé main dans la main avec le gouvernement. Une politique volontariste s’est mise en place pour attirer les grands studios de production et développer l’industrie. Nous souhaitons donc attirer l’attention des pouvoirs publics sur l’importance de déployer un cadre qui favorisent l’industrialisation des VFX, la création d’emplois et la valorisation des territoires…
Plus d’infos : https://afrovfx.com/formation-abidjan
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