Vous avez fondé il y a quelques années Omedia avec Christophe Gondry et Karim Konaté et il y a un peu moins de 2 ans Omedia a été cédée à IPSOS qui avait fermé ses bureaux en 2000 au moment du COVID. Qu’est ce qui explique ce retour d’IPSOS
Ipsos qui a eu des bureaux jusqu’en 2020, a quitté la Côte d’Ivoire et le Sénégal au moment du Covid, en fermant ses bureaux. Nous, avec Omedia, nous avons maintenu notre présence et continué à servir nos clients malgré les défis. Cela a beaucoup pesé dans leur décision de s’appuyer sur nous pour relancer l’activité en Afrique francophone qui représente un énorme potentiel au niveau économique.
Que vous apporte l’appartenance à Ipsos ?
Nous profitons d’outils technologiques et de process qualité plus puissants mis en place par le groupe. Cela nous permet de renforcer le contrôle, aussi bien sur le terrain que sur la data. Les données sont traitées essentiellement au Sénégal, mais pour des sujets très spécifiques, nous sollicitons les experts du groupe. Ipsos, ce sont 20 000 personnes dans le monde, donc il y a toujours un spécialiste disponible.
Quelles sont vos ambitions pour les années à venir ?
Aujourd’hui, Ipsos en Afrique compte environ 950 chercheurs, répartis dans 14 pays avec des bureaux importants en Afrique du Sud, au Kenya et Egypte, et de plus petites structures au Sénégal, au Mozambique, en Ouganda, en Zambie… Notre ambition, c’est vraiment de booster l’Afrique Francophone de l’Ouest et du Centre avec des équipes locales
Quels sont vos principales activités ?
Nous intervenons dans le domaine des études média comme la pige publicitaire ou la mesure de l’audience, mais l’essentiel de notre activité ce sont les études ad-hoc que nous menons pour nos clients.
Nous réalisons beaucoup d’études de satisfaction, d’études d’usage et attitudes pour des produits de grande consommation, de l’innovation avec des tests de produits, des post-tests publicitaires, des visites mystères…
Nous pensons néanmoins que beaucoup de décideurs marchent encore à l’intuition et qu’il y a un véritable travail d’éducation à faire. C’est la raison pour laquelle nous réalisons et publions gratuitement certaines études comme par exemple, “Prediction ” une étude prédictive sur les tendances de consommation que nous faisons tous les ans en fin d’année, une autre sur le Ramadan qui met en évidence les tendances et transformations liées à cette période clé.
Nous allons bientôt publier une troisième étude de ce type sur les comportements d’achat. L’idée, c’est de démontrer l’intérêt des études pour que les entreprises investissent davantage.Nous développons aussi des études sectorielles syndiquées, notamment sur la finance (« Financial Monitor ») ou sur les technologies (« Tech tracker »). C’est aussi une façon de proposer de la data à coût réduit.
Quelles tendances de consommation avez-vous identifié au travers de ces études?
Il y en a plusieurs comme l’importance grandissante du « consommer local » et de « l’authenticité culturelle ». Mais également des insights souvent sous-estimés par les annonceurs internationaux. Par exemple, ce que nous avons appelé la « consommation collaborative » : les frigos, machines à laver ou équipements coûteux sont souvent achetés à plusieurs, dans une même famille voir même entre plusieurs familles. Une autre tendance est la « multifidélité » : les consommateurs ne sont pas fidèles à une seule marque mais à plusieurs et adaptent leurs achats selon les contextes. On peut boire du Nescafé quand on reçoit des amis, et du Café Touba ou une marque plus économique au quotidien.
Ce sont des insights très importants, qui doivent être pris en compte par les marques internationales.
Comment fonctionnez-vous pour le recueil des données en particulier dans les pays où vous n’avez pas de bureaux ? Avez-vous des correspondants locaux dans chaque pays ?
L’une des grosses problématiques en Afrique, c’est le recueil des données. Notre particularité, c’est que dans chacun des pays où nous intervenons, nous envoyons toujours quelqu’un sur place pour sécuriser la collecte de données. Un des moyens que nous avons trouvés, c’est d’envoyer systématiquement ce qu’on appelle un field manager, un responsable terrain qui va recruter sur place les enquêteurs et les superviseurs, souvent des locaux car il y a forcément des langues différentes dans chaque pays ou région. Le field manager s’assure de la qualité : formation, suivi terrain, vérifications, rappels téléphoniques. Ensuite, les données sont rapatriées et traitées au Sénégal, où nous faisons les analyses statistiques et les rapports.
C’est un élément de différenciation par rapport à d’autres qui font uniquement de la sous-traitance. Nous, nous nous déplaçons systématiquement pour assurer le contrôle de la qualité du recueil.
Nous avons choisi un modèle qui privilégie la qualité et la fiabilité des données.
Quels sont vos principaux clients en Afrique francophone ?
Nous sommes multi-sectoriels et avons une grande variété de clients, mais les télécoms et les grands annonceurs médias sont importants, de même que l’agro-alimentaire, les banques et les institutions internationales.
Comment voyez-vous l’avenir du marché des études en Afrique ?
Je suis optimiste. Malgré les difficultés, il y a une émergence de la classe moyenne estimée à 350 millions d’ici à 2030, une révolution digitale, et surtout une démographie qui est une opportunité : 60 % de la population de la CEDEAO a moins de 25 ans. Cela crée des marchés immenses à venir.
Mais il faut tenir compte des spécificités locales, culturelles et linguistiques. Penser “Afrique de l’Ouest” de manière homogène n’a pas de sens. C’est l’hyperlocalisation qui doit primer