Mamby Diomandé est directeur du Live et du Brand chez Universal Music Africa. Acteur incontournable de l’industrie musicale africaine, Mamby a un parcours quelque peu « atypique ». Ingénieur en génie électrique de formation, il rentre dans la musique par passion comme la plupart des acteurs de l’industrie musicale. Il fonde Team Event en 2015, société spécialisée dans la production de spectacles et de management d’artistes en Côte d’Ivoire. Une expérience qui l’amène à produire Niska en Côte d’Ivoire, Koffi Olomidé, Kaaris, Naza, Burna Boy ou encore Orquesta Aragon.
En 2019, il a été engagé par Universal Music Africa en tant que responsable des événements sur la Côte d’Ivoire. L’année suivante, il est nommé directeur Live et Brand de cette Major pour l’Afrique francophone.
En 2022, Mamby Diomandé organise le Salon des Industries Musicales d’Afrique Francophone (SIMA) à Abidjan en Côte d’Ivoire.
Quels sont les contours de cette première édition du SIMA ?
Le SIMA est une initiative personnelle et a été co-fondé avec Pit Baccardi. Il s’agit du premier Salon des Industries Musicales d’Afrique francophone. La première édition se tiendra les 17 et 18 novembre 2022 dans la capitale économique ivoirienne, Abidjan. L’objectif est de créer une plateforme de rencontres entre les acteurs de l’écosystème de l’industrie musicale car la zone francophone n’en dispose pas à ce jour. L’idée est de se positionner comme un levier permettant d’engager des discussions, de créer des synergies et de mettre en évidence des pistes de solutions en réponse aux nombreuses problématiques qui entravent encore le bon développement de cette industrie. A titre d’exemples, des problématiques de droits d’auteur, d’édition, de renforcement des compétences et de gestion de carrière des acteurs du milieu.
Notre ambition est de dresser un état des lieux du marché actuel et de valoriser les initiatives et perspectives qui peuvent contribuer à son essor. Nous nous devons de réfléchir ensemble à comment structurer et professionnaliser les industries musicales africaines.
Quel est le format de cette première édition du SIMA 2022 ?
Le SIMA se tiendra sur deux jours à Abidjan avec un thème central qui portera sur les enjeux de la digitalisation de l’industrie musicale africaine.
Mobile money, nouveaux modèles de streaming, régulation, nouveaux modes de consommation média, production de concert, gestion de l’image des artistes : les contenus et formats du SIMA ont été pensés pour répondre aux enjeux de l’industrie musicale africaine, largement impactée par le développement du digital.
Aujourd’hui, le streaming et de manière plus générale le digital, de par leur non-restriction territoriale, permettent de faire voyager la musique d’un continent à un autre. On prévoit 500 millions de personnes connectées à internet, à l’horizon 2025. Des chiffres qui permettent à tous les acteurs de cette industrie de pouvoir se projeter.
Des acteurs de renommée ont d’ores et déjà confirmé leur présence à l’événement : Olivier Nusse, PDG d’Universal Music Africa, Salif Traore (A’Salfo), commissaire général du Festival des musiques urbaines d’Anoumabo (FEMUA), Akotchaye Okio de la SACEM, Michel Duval, Managing director chez Because Music … et beaucoup d’autres !
Cette édition est également placée sous le haut patronage du ministère de la Culture et de la Francophonie de Côte d’Ivoire et parrainé par le Premier Ministre, Patrick Achi. Ce qui met en évidence que les problématiques mises en lumière par le SIMA sont des problématiques globales, pour lesquelles le gouvernement souhaite apporter des solutions. La vision du gouvernement est d’ailleurs de hisser la Côte d’Ivoire comme premier hub des industries musicales et créatives en Afrique francophone, à l’horizon 2025.
Quel regard portez-vous sur la digitalisation de l’industrie musicale en Afrique francophone subsaharienne ?
Nous apprécions ces nouvelles perspectives de développement. Les indicateurs que nous avons à disposition nous montrent bien que « tous les feux sont au vert » pour les acteurs. En 2017, l’Afrique ne représentait que 2% des revenus de l’industrie musicale à l’échelle mondiale. Aujourd’hui, nous avons atteint 10% ! il y a une véritable évolution positive en ce qui concerne les revenus générés par l’industrie de la musique en Afrique. L’accélération de la digitalisation des territoires africains va permettre de faire encore plus décoller ces chiffres, grâce à la multiplication des solutions et modèles hybrides ou totalement adaptés aux habitudes de consommations locales. Ce phénomène sera salvateur pour l’ensemble des acteurs de l’industrie musicale africaine.
Le taux de pénétration du smartphone en Afrique francophone subsaharienne en dit long sur la capacité de la digitalisation à s’imposer. Quand on regarde la Côte d’Ivoire, nous sommes déjà à plus de 17%. Les habitudes de consommation en sont directement impactées et ce taux offre à la musique, aux producteurs comme aux artistes, une aubaine en matière de développement, de rémunération et de génération de revenus. Aujourd’hui, la digitalisation n’est plus un leurre mais bien une réalité pour laquelle il faut trouver des leviers pour l’accélérer et la rendre pérenne.
La crise pandémique mondiale et les périodes de confinement, bien que malheureuses, ont beaucoup joué dans l’accélération de cette digitalisation notamment lorsque l’on regarde les évolutions en matière de consommation de la musique et des produits dérivés de la musique. Les spectacles sont aujourd’hui consommés en partie sur le digital. D’ailleurs, si l’on se souvient bien, c’est pendant la crise du covid-19 en 2020 que des acteurs comme Apple Music ont su se lancer sur nos territoires …
Quels sont encore les freins persistants à la structuration et au bon développement du streaming musical en Afrique francophone ?
Je n’appelle volontairement pas cela des freins mais bien des leviers d’amélioration. Il est primordial de les identifier, de les challenger pour maîtriser parfaitement l’environnement musical africain, appréhender toutes les sources de revenus pour les artistes, faire émerger de nouveaux talents et contribuer au rayonnement du continent aux quatre coins du monde grâce à la musique.
Sur la zone francophone, il faut que l’on parvienne à créer un réseau qui est suffisamment fort pour permettre à la musique de s’exporter et, à terme, de permettre aux musiques africaines francophones, de par leur diversité francophone, de vivre en fonction des territoires sur lesquelles elles sont représentées. Les démographies sont assez fortes pour cela. Prenons l’exemple de la République démocratique du Congo qui abrite une population de plus de 100 millions de personnes et où un artiste devrait pouvoir vivre de son art. Ce n’est pas une utopie, il faut seulement parvenir à structurer l’industrie.
Quels seront les pays porteurs ?
La Côte d’Ivoire, le Sénégal grâce à sa diversité, la RDC ou encore le Cameroun seront des pays forts, des pays fers de lance capables de tirer la zone francophone et de s’imposer face à la zone anglophone, plus avancée.
Apple Music, Boomplay, Spotify … Comment voyez-vous l’arrivée des « grands » de l’industrie du streaming musical en Afrique francophone ?
L’arrivée des grands acteurs internationaux est une très bonne chose et l’émergence des acteurs locaux également. Le modèle de WAW Muzik lancé en Côte d’Ivoire s’adapte parfaitement aux habitudes de consommation des populations ivoiriennes (paiement mobile par exemple). On note aussi la belle ascension de la plateforme Deedo au Sénégal… L’implantation des géants ne change en rien les choses dans l’échiquier du streaming musical africain. Il y a des places à prendre, cela dépendra surtout des offres proposées par les plateformes mais le marché est assez mature pour leur implantation.
Le SIMA sera l’occasion de rendre compte de cela, de valoriser les industries musicales africaines, de renforcer les capacités des acteurs, de comprendre les logiques « business » locales de nos marchés. Notre ambition est de construire une industrie musicale beaucoup plus forte mais aussi une industrie musicale africaine francophone qui est en tête.